Un couple d’ex-militants du Front national qui avait dénoncé des propos racistes, antisémites et homophobes proférés selon lui au sein du parti, est jugé à partir de lundi à Toulouse dans un procès pour diffamation intenté par Marine Le Pen.

«Notre ligne de défense, c’est notre bonne foi», dit Thierry Portheault, chauffeur routier de 42 ans, poursuivi comme sa femme, Nadia, 27 ans, mère de leurs deux enfants.

«Ce que l’on a dit, c’est la vérité à 100%, on n’a rien inventé, rien exagéré. Je ne vois pas pourquoi on serait condamnés, surtout qu’on parle tant aujourd’hui de la liberté d’expression en France», ajoute M. Portheault, joint dimanche par téléphone.

Leur dénonciation avait été reprise dans un très grand nombre de médias dans toute la France en novembre 2013 quand la jeune femme avait annoncé qu’elle renonçait à briguer pour le FN la mairie de Saint-Alban (6.000 habitants), à la périphérie de Toulouse.

Quatre mois avant le scrutin, la tête de liste et son mari se disaient écœurés par le racisme et l’homophobie auxquels ils affirmaient avoir été confrontés au FN de Haute-Garonne, depuis l’adhésion de M. Portheault deux ans et demi auparavant.

Dans l’hebdomadaire toulousain La Voix du Midi, le 4 novembre 2013, tous deux évoquaient les propos de certains militants et responsables locaux et des situations très défavorables au FN. Ils assuraient les avoir «signalés», en vain, à la direction nationale.

– Séduits par le discours antisystème –

Accusations «mensongères», avait rétorqué le parti, portant plainte avec constitution de partie civile, moins de deux semaines plus tard.

Pour le secrétaire départemental du FN de Haute-Garonne, Julien Leonardelli, cette dénonciation était l’aboutissement d’«une sombre histoire de jalousie» car le parti avait, selon lui, refusé de céder aux «multiples exigences» de M. Portheault.

Dans un communiqué, M. Leonardelli avançait que le couple avait récemment «quitté l’UMP» – ce que les Portheault ont démenti – et agi avec l »intention de nuire» au FN.

L’an dernier, dans un livre intitulé «Revenus du Front», publié en 2014, les époux Portheault ont finalement détaillé leur parcours singulier, comme un engagement sincère voire «drôlement naïf», comme s’ils avaient été «bernés».

Lui, natif de Haute-Garonne, s’y décrit d’abord en «amoureux de l’Afrique» où il a vécu enfant, admirateur de Mandela comme de De Gaulle, sympathisant RPR se cherchant «politiquement»… Elle, née dans les Hautes-Pyrénées, évoque l’origine algérienne de son père arrivé en France à l’âge de 2 ans, se souvient d’avoir été «terrifiée» de voir Jean-Marie Le Pen au second tour de la présidentielle en 2002 et d’avoir défilé «contre le FN»…

Mais, neuf ans après, le couple assure avoir été «séduit» par la candidate Marine Le Pen et son «très bon discours antisystème, social, proche du peuple», alors que tous deux se sentaient perdus, choqués par les atteintes à la laïcité, angoissés par des actes de violence ou de terrorisme, désireux qu’on agisse «contre l’Europe qui favorise la mondialisation»…

Devenus frontistes, d’une galette des rois jusqu’à une université d’été, ils consignent les déclarations, commentaires sur les réseaux sociaux, blagues récurrentes… Jusqu’à ne plus croire aux «belles promesses de dédiabolisation» du parti.

Le couple comparaît lundi à 14H00, pour «diffamation», en même temps qu’un journaliste poursuivi pour «complicité».

Rédacteur en chef de La Voix du Midi, Pascal Pallas se voit reprocher d’avoir «repris certaines de leurs affirmations» pouvant sembler «diffamatoires». Le journaliste s’est maintes fois étonné d’être renvoyé devant le juge alors qu’il n’avait «commis aucune entorse aux règles de déontologie».

AFP