Depuis dix ans, SOS Homophobie a recensé 29 meurtres aux circonstances clairement homophobes et transphobes

Le dernier rapport de SOS Homophobie confirme un niveau élevé d’agressions verbales ou physiques envers les gays, trans, bi et lesbiennes.

«Et pourquoi pas des unions avec des animaux ?» «Dégage sale PD, on veut pas de toi dans le quartier !» «Venez voir le Monsieur-Madame.» On en passe. Et des pires. 63% des Français ont beau se déclarer favorables au mariage pour tous, et 51% en faveur de l’adoption pour les couples homos (1), il y a toujours des relents d’homophobie et de transphobie dans l’air. Des bordées d’injures qui déclinent à l’infini les mots «pédé», «gouine» et «travelo», du harcèlement, voire des agressions physiques.

C’est ce qui ressort du seizième rapport de l’association SOS Homophobie (1 000 adhérents) rendu public hier. 150 pages qui compilent et analysent une foultitude de témoignages de victimes (2) recueillis par téléphone, courriers, courriels, entretiens : 1 556 précisément. 5% de «cas» supplémentaires par rapport à 2010. 23% de plus qu’il y a cinq ans. «En moyenne, cela fait quatre personnes par jour qui nous contactent. Cela ne signifie pas une hausse de l’homophobie et de la transphobie. C’est en partie lié à la meilleure visibilité de notre association, et sans doute aussi au fait que les victimes craignent de moins en moins de témoigner», analyse SOS Homophobie.

De tous ces récits émerge une mine de chiffres précieuse en l’absence de statistiques des ministères de l’Intérieur et de la Justice. Et ce, même si le profil des personnes qui contactent l’association n’est peut-être pas totalement représentatif de la situation : il s’agit principalement d’hommes de 25 à 49 ans, résidant majoritairement dans le Sud, le Nord, l’Est et en Rhône-Alpes. Le nombre de femmes est toujours minoritaire, mais en nette progression en 2011. A l’arrivée, un instantané de l’homophobie en France. Avec ses «environnements» de prédilection : Internet qui n’en peut mais de colporter des insultes et diffamations, suivi par le travail, puis la famille, et le voisinage, qui affiche une hausse significative du nombre de cas d’homophobie. Et une augmentation des agressions physiques.
36 % de hausse des malveillances homophobes au travail

Alors que le nombre de cas dans le monde du travail était en baisse depuis plusieurs années, il s’est sacrément accru en 2011. Total : pas moins de 200 témoignages de victimes. A crier, de conserve avec SOS Homophobie, à la «lutte des crasses». Témoins les déboires de Jean-Claude, dirigeant dans une entreprise de taille moyenne, en butte à ses directeurs régionaux, qui n’appliquent plus ses ordres depuis qu’ils ont découvert son homosexualité et l’ont rebaptisé la «tarlouze de Paris». Ou Alexia, qui va à un entretien d’embauche avec des boucles d’oreille à motif arc-en-ciel. «Vous êtes lesbienne ?» se voit-elle demander, avant d’encaisser un «très bien, sortez de mon bureau !»

Les actes homophobes dans l’environnement professionnel prennent, dans la moitié des cas, la forme d’injures. Suivent le rejet et l’ignorance (41%), la discrimination (adieu les promotions…), le harcèlement (31%), l’outing (17% ont vu leur homosexualité révélée malgré eux). En 2011, parmi les cas recensés, 41 ont entraîné des arrêts maladie et autant sont à l’origine de licenciements, ruptures de contrat, démissions ou refus d’embauche.

Côté profils, dans 42% des cas, les victimes ont entre 35 et 50 ans et sont à 69% des hommes. En face, 45% des agresseur(e)s sont des supérieurs hiérarchiques et 41% de simples collègues.«Dans 67% des cas, note SOS Homophobie, la victime mentionne n’avoir reçu aucun soutien dans son environnement de travail.»
17 % des signalements concernent Internet

Les Biches (Brigades d’intervention contre l’homophobie et le sexisme) de l’association SOS Homophobie ont beau ouvrir grand leurs yeux et dénoncer les dérives langagières qui circulent sur la Toile, Internet détient depuis deux ans le triste record du «contexte» recueillant le plus de témoignages et de cas d’homophobie. Et voici Mickaël, 25 ans, noyé sous les insultes et menaces sur son mur Facebook : «Sale PD», «On va te mettre des bites», «On va venir en bas de chez toi», etc.

Jacques, 40 ans, a été victime d’un internaute qui n’a rien trouvé de mieux que de récupérer sa photo sur Facebook pour en faire un montage : sa tête a été collée sur l’image d’un homme nu à quatre pattes avec une laisse… Selon le rapport, c’est l’homophobie des forums, où les auteurs se planquent derrière des pseudonymes, qui reste la principale cause de témoignages (contre 20% pour Facebook). Comme on pouvait s’en douter, les sites qui demandent une adresse mail pour laisser un commentaire affichent moins d’injures.
75 actes hostiles en milieu scolaire

L’école (et les collèges, les lycées, l’université…) deviendrait-elle celle de la discrimination ? C’est l’interrogation de SOS Homophobie, dont le rapport épingle une augmentation de 45% des cas en milieu scolaire et universitaire. Principal lieu d’exactions : l’enseignement secondaire (à 73%, contre 16% dans l’enseignement supérieur). L’agresseur ? Dans 75% des cas, il s’agit d’un(e) élève ou d’un(e) étudiant(e), et dans 18% d’un membre du personnel de l’éducation nationale. Principale manifestation ? L’insulte à 77%, suivie du harcèlement dans 50% des cas.

«En seconde, lors des cours d’EPS, je devais me changer dans les toilettes pour éviter les agressions homophobes des autres élèves de ma classe. Le groupe de garçons m’a menacé plusieurs fois de me «mettre à poil sous la douche». Le professeur d’EPS a laissé faire sans sanctionner les agresseurs», raconte Gaspard, 17 ans.

De quoi renforcer la volonté de SOS Homophobie de poursuivre ses interventions dans les collèges et lycées (353 dans 15 académies l’an passé) et se réjouir que les programmes de SVT (sciences et vie de la Terre) de première comportent désormais un chapitre dédié à la question du genre, intitulé : «Devenir homme ou femme.»
Un quart des cas dans la famille et le voisinage

François est ado. Ses parents viennent de découvrir qu’il est amoureux d’un autre collégien. Son père, militaire de carrière, l’insulte, le bat, l’humilie, urine sur lui régulièrement. Sa mère soutient son père, estimant que son fils «n’est plus un homme». Il est transporté aux urgences pour une mâchoire fracturée, un soir où son père a été plus violent.

Ce cas fait froid dans le dos. Il n’est pourtant pas isolé. Les actes homophobes signalés dans un cadre familial représentent 13% des signalements à SOS Homophobie (en troisième position du palmarès). Le nombre de cas est en hausse de 36% par rapport à 2010. En majorité (62%) perpétrés par un cercle familial restreint : père, mère, frères et sœurs. Dans le même temps, avec 162 cas recensés en 2011 contre 123 l’année précédente, les exactions commises par le voisinage (voisin de palier, rumeur de quartier…) augmentent également. Paul et Sébastien ont ainsi été harcelés pendant quatre ans par un voisin, qui jetait des lettres anonymes d’insultes et des préservatifs dans leur jardin.
152 agressions physiques

En 2011, homophobie a rimé avec violence. Et pas seulement verbale. Il faut remonter à 2005 pour relever autant d’agressions physiques contre des homos et des trans. Avec 152 cas en 2011 contre 125 en 2010, cela représente une hausse de 22%. Parmi les victimes, 27 ont fait constater leurs coups et blessures auprès des urgences médico-judiciaires, cumulant 225 jours d’interruption temporaire de travail.

Depuis 2008, la scène des agressions a évolué : elles se déroulent, pour 47% des cas, dans des lieux publics. A croire que les homos qui se cachent moins qu’avant en paient le prix fort. Même scénario pour les lesbiennes : 70% des agressions les concernant se sont produites dans des lieux publics. Qui a dit que l’homosexualité féminine était mieux acceptée ?

Depuis dix ans, SOS Homophobie a recensé 29 meurtres aux circonstances clairement homophobes et transphobes, soit que les agresseurs aient affirmé leur haine, soit que les victimes n’aient pas été choisies au hasard.

(1) Sondage Ifop, mars 2012.
(2) Les prénoms ont été modifiés.
(Photo Miguel Medina. AFP)
Merci à CATHERINE M.