Johanna, Gaël et Guillaume ont été mis à la porte par leurs parents parce qu’ils sont homosexuels. Pour ces jeunes de 18 à 25 ans, qui ont connu la rue avant d’être recueillis par l’association Le Refuge, la mobilisation contre le mariage homo est une nouvelle «épreuve».
«Je suis écoeurée. Les propos que j’ai entendus dimanche sont criminels», s’emporte Johanna, majeure depuis quelques mois et à la rue depuis deux. «C’est choquant, des gens viennent de toute la France pour dire non à des vies, non à des choix d’amour», s’offense cette jeune femme qui se destinait au théâtre avant que sa vie ne bascule.
«Dimanche, quand j’ai vu tous les enfants dans la manifestation traînés par leurs parents, je n’arrêtais pas de penser à ceux parmi eux qui sont homos! J’ai repensé à ma mère très catholique et très homophobe et à tout ce que j’ai dû supporter dans mon enfance. Et j’avais mal pour tous ces jeunes!», ajoute-t-elle la voix tremblante, dans un canapé dans les locaux du Refuge.
Cette association, créée en 2003 à Montpellier et qui a aujourd’hui des antennes à Paris, Lyon et Marseille, héberge une cinquantaine de jeunes en rupture avec leur famille parce qu’ils sont homosexuels. Seule association de ce type dans l’Hexagone, elle est saturée: 80 à 100 jeunes sont sur liste d’attente.
«Parmi les jeunes que nous accueillons, on retrouve principalement deux profils: ceux issus de famille très pratiquantes et des enfants adoptés qui sont rejetés car au final ils ne correspondent pas à l’image de l’enfant idéalisé», explique Nicolas Noguier, président de l’association.
«Soit tu acceptes d’être guéri, soit tu pars»
Grâce à un suivi psychologique, ces jeunes ont appris à mettre des mots sur leur histoire personnelle souvent très douloureuse mais la multiplication des propos homophobes depuis quelques mois semble avoir de nouveau bouleversé leurs repères.
«Nous avons voulu parler avec les manifestants dimanche mais souvent ils n’ont aucun argument», dénonce Guillaume. «Ils ne parlent que d’une chose: les valeurs de la famille. Mais chez moi, mon père tapait sur ma mère et ils m’ont viré du jour au lendemain quand je leur ai dit que j’étais gay. Et ça, c’est censé être la famille modèle pour eux?», explique ce jeune homme de 24 ans, qui a connu la rue et les foyers d’urgence pour sans-abri pendant des mois.
«Ces gens n’ont pas compris qu’on ne choisit pas d’être gay!», renchérit Gaël, parti de chez lui quelques jours après sa majorité. «C’est fou, j’ai l’impression de revivre les mêmes choses qu’avec ma famille!», se désole ce grand gaillard au large sourire.
Les yeux dans le vague, il raconte dans le détail, calmement, les mois d’angoisse qui ont précédé l’annonce à ses parents de son homosexualité puis les semaines de dispute après.
«J’étais très déprimé. Nous sommes évangéliques dans ma famille et très croyants et entendre tous les dimanches à l’église que l’homosexualité est contre nature, c’est terrible. Je pensais vraiment que quelque chose cloclait chez moi», ajoute-t-il.
«Quand j’ai finalement tout avoué, ils m’ont proposé de me guérir. Comme j’ai refusé, mon beau-père m’a finalement dit: +Soit tu acceptes d’être guéri, soit tu pars».
Très enflammée, Julianne appelle à ne pas céder aux manifestants: «Dans nos vies perso, nous devons tous tellement lutter tous les jours, maintenant c’est au tour du gouvernement de mener le combat. Il ne doit pas lâcher».