Des examens anaux forcés sur des hommes et des femmes transgenres accusés de rapports sexuels consentis entre personnes de même sexe ont été pratiqués dans au moins huit pays au cours des cinq dernières années, indique Human Rights Watch dans un rapport de quelque 82 pages publié ce mardi 12 juillet.
« Des examens invasifs, envahissants et profondément humiliants, qui constituent une flagrante violation des obligations des gouvernements au niveau des droits humains », souligne Neela Ghoshal, chercheuse senior auprès du programme Droits des LGBT à HRW : « En 2016, personne ne devrait être soumis à des examens pénibles et dégradants qui sont basés sur des théories infirmées et vieilles de 150 ans ».
Ces examens qui consistent souvent à la pénétration forcée de l’anus de l’accusé par des médecins ou d’autres membres du personnel médical, avec leurs doigts ou parfois d’autres objets, trouvent leurs racines dans des théories discréditées du 19ième siècle selon lesquelles les personnes homosexuelles peuvent être identifiées par la tonicité du sphincter anal ou la forme de l’anus. Appuyée par plus d’une trentaine de témoignages de victimes, l’organisation rappelle que « ces examens n’ont pas de valeur probante et représentent une forme de traitement cruel, inhumain et dégradant qui peut dans certains cas équivaloir à de la torture », pourtant interdite par le droit international.
Des interdictions, d’ailleurs expressément mentionnées dans les législations nationales de ces pays (Cameroun, Egypte, Kenya, Liban, Tunisie, Turkménistan, Ouganda et Zambie), qui ont néanmoins permis l’utilisation de ces examens, déplore le rapporteur spécial des Nations Unies sur la torture. Le Groupe indépendant d’experts de médecine légale les décrit comme « une forme d’agression sexuelle et de viol ».
« J’avais l’impression d’être un animal, de ne pas être humain », a indiqué « Mehdi », un étudiant tunisien soumis à un examen anal en décembre 2015. « Quand je me suis habillé, ils m’ont menotté et je suis sorti, complètement sous le choc. Je ne pouvais pas encaisser ce qui se passait. »
« Louis », qui a lui aussi subi un examen forcé au Cameroun en 2007, à l’âge de 18 ans, a confié à Human Rights Watch neuf ans plus tard qu’il avait « toujours des cauchemars : Parfois je n’arrive plus à dormir quand j’y pense. Jamais je n’aurais pensé qu’un médecin puisse me faire une chose pareille. »
« Le personnel médical effectuant volontairement des examens anaux forcés viole les principes internationaux d’éthique médicale, y compris l’interdiction de la participation du personnel médical, de quelque façon que ce soit, aux actes de torture ou au traitement dégradant », ajoute l’ONG.
Certains pays où les autorités ont utilisé les examens anaux forcés dans le passé, notamment le Liban, ont toutefois pris des mesures pour y mettre un terme. Mais d’autres, y compris l’Egypte et la Tunisie, y ont recours très fréquemment dans la poursuite judiciaire des rapports homosexuels consentis. Et son utilisation semble également être un phénomène récent en Ouganda et en Zambie, ainsi qu’au Kenya, où une décision décevante de la Haute Cour en juin 2016 a maintenu leur constitutionnalité.
Le juge a estimé que les pétitionnaires, deux hommes qui avaient été arrêtés pour des « infractions perverses » et soumis à ces examens lors de leur détention, y avaient consenti. Les pétitionnaires ont dit qu’ils n’avaient pas été informés des tests et qu’ils avaient donné leur accord sous la contrainte pendant leur détention par la police. Il a été fait appel de cette décision.
Human Rights Watch souhaite que ces violations soient évoquées lors de l’examen périodique universel (EPU) des Etats concernés au Conseil des droits de l’homme et exhorte toutes les institutions nationales et internationales de santé et de défense des droits humains à s’opposer vigoureusement et furieusement à l’utilisation de ces examens :
« Premièrement, personne ne devrait être arrêté à cause de son comportement sexuel privé, mais quand de telles arrestations arrivent, les examens anaux forcés ajoutent une couche supplémentaire de cruauté et d’abus inutiles », a ajouté Neela Ghoshal.
« Chaque pays devrait garantir les droits fondamentaux et la dignité des personnes accusées de rapports homosexuels, et reconnaître le fait que l’interdiction de la torture s’étend à tout le monde, quelle que soit leur orientation sexuelle ou identité de genre. »