Le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT) ont publié, ce jeudi 27 septembre, leur « 11e Baromètre de la perception des discriminations dans l’emploi », une enquête sur « l’exposition de la population active nationale aux propos et comportements sexistes, homophobes, racistes, liés à la religion, handiphobes ou liés à l’état de santé au travail. ». Réalisée début 2016 sur un échantillon de sur un échantillon de 5 117 personnes représentatif de la population de France métropolitaine, cette étude tend à démontrer que « le monde professionnel apparait encore et toujours comme un milieu particulièrement discriminant ».
Un quart des répondants ont ainsi déclaré avoir fait au moins une fois l’objet de propos ou comportements stigmatisants, notamment sexistes (14%), racistes (9%), liés à leur handicap ou état de santé (5%), leur religion également (5%), et 3% pour homophobie. Une proportion qui reste quasi similaire pour les personnes exerçant dans le secteur public (27%) ou privé (25%).
Les travailleurs indépendants sont légèrement moins exposés (22%), probablement en raison d’un contexte de travail « plus fréquemment isolé que pour les salariés du secteur public et privé ».
De fortes disparités subsistent cependant en fonction des groupes sociaux. Dans le détails, 33 % des personnes perçues comme non-blanches déclarent des attitudes racistes pour 6% des personnes perçues comme blanches. 24% des homosexuels ou bisexuels déclarent des attitudes homophobes pour 2% des personnes hétérosexuelles. 23% des femmes déclarent aussi avoir été confrontées à des attitudes sexistes pour 6% des hommes. 22% des personnes de confession musulmane déclarent des propos ou comportements en lien avec leur religion pour 3% des personnes de confession chrétienne. 15% des personnes qui déclarent un handicap ou une maladie chronique rapportent des propos et comportements handiphobes, pour 2% des personnes en bonne santé.
« L’assignation fonctionne comme un mécanisme de dévaluation des individus via l’attribution, par autrui, d’une identité sociale dévalorisée dans un contexte donné (femme, personne handicapée, LGBTI, personne perçue comme non-blanche…) », écrit le Défenseur des droits.
« Ce processus de stigmatisation s’appuie sur les représentations négatives associées à certaines catégories de population, considérées comme s’éloignant de la norme et renvoyées à ce qui les distingue du groupe majoritaire. »
Toutefois, les catégories présentées ci-dessus ne sont pas homogènes. De nouveaux écarts apparaissent lorsqu’elles sont croisées avec d’autres caractéristiques sociodémographiques. Une analyse intersectionnelle du phénomène, tenant compte des multiples aspects de l’appartenance sociale des personnes interrogées (sexe, âge, orientation sexuelle, couleur de peau etc.) permet d’appréhender de manière plus fine les résultats de l’enquête. Notamment, une analyse du groupe des femmes révèle que le fait d’être perçue comme blanche, hétérosexuelle, en bonne santé, âgée de 45 à 54 ans, divise par huit la probabilité de rapporter des propos ou comportements sexistes au travail.
Dans l’ensemble, les femmes et les hommes déclarent autant de situations de dévalorisation de leur travail. Les unes comme les autres sont 38% à rapporter avoir fait l’objet de sous-estimation de leurs compétences. Seule différence significative, les femmes sont plus nombreuses à déclarer s’être entendu dire qu’en faire plus leur permettrait que leur travail soit reconnu (37% contre 32% pour les hommes), ce qui peut renvoyer aux préjugés liés au manque de disponibilité et d’investissement des femmes au travail.
Ainsi, les femmes perçues comme non-blanches et les femmes en situation de handicap sont les plus exposées aux attitudes hostiles au travail. Le groupe des hommes n’est pas davantage homogène. Si ceux perçus comme blancs et d’âge moyen sont peu concernés, les hommes homosexuels ou bisexuels, de même que les jeunes hommes perçus comme noirs ou arabes se rapprochent davantage de la situation observée chez les femmes en situation de handicap.
En mettant en exergue les publics concernés, les résultats du 11e Baromètre des discriminations permettent d’établir les liens entre les phénomènes de harcèlement et la discrimination. Selon l’analyse du Défenseur des Droits, au regard du cadre juridique régissant les relations de travail, notamment celui de la non-discrimination, les situations dans lesquelles les personnes subissent à la fois les trois attitudes hostiles observées dans l’enquête pourraient être qualifiées juridiquement de harcèlement discriminatoire.