SANTÉ – Alors que Marisol Touraine a officialisé sa promesse de lever l’interdiction du don du sang pour les homosexuels, le ministère ne fait que rétropédaler. La ministre et ses services ont pourtant pris ce dossier brûlant en main et avaient l’air décidés à faire avancer les choses. Le 26 mai, fort des plus de 170.000 signatures de ma pétition sur Change.org, j’avais pris part à une réunion organisée par la ministre avec la Direction Générale de la Santé, l’Institut national de veille sanitaire (INVS), les autre instances concernées et les associations.
Après cette réunion de travail qui n’a finalement été qu’une session de propagande sur le modèle de nos voisins anglais qui pratiquent toujours une discrimination injustifiée (demandant à tous les homosexuels et bisexuels de respecter un période d’abstinence d’un an), nous devions avoir d’autres réunions ces 1er et 9 juillet.
Je suis monté à Paris depuis Béziers, avec l’espoir que les choses avancent vraiment. Mais quelques heures avant la réunion du 1er, j’ai eu la surprise de recevoir un mail du ministère informant que cette réunion était reportée au 15 juillet pour qu’ils puissent approfondir leur travail.
Des propositions plus farfelues les unes que les autres
Quelques jours plus tard, la deuxième réunion était elle aussi annulée car les services avaient « trop de travail suite aux réunions bilatérales à ce sujet ».
Marisol Touraine essaie-t-elle de gagner du temps pour s’enlever le dossier des pattes?
J’ai obtenu deux entretiens avec le Directeur Général de la Santé après avoir fait part de mon mécontentement suite à l’annulation de la première réunion. On a tenté de négocier avec moi des offres plus farfelues les unes que les autres.
Demander une période d’abstinence de 1 an, mais pour que cela paraisse « moins discriminant », demander également aux drogués et prostituées de respecter cette même période (qui est de 4 mois actuellement). Solution purement honteuse et qui n’a aucune justification. On remet les homosexuels dans le même sac que les gens qui, par nature, prennent des risques. Rien ne change.
Autoriser les homosexuels et bisexuels à faire uniquement le don de plasma, afin de pouvoir faire un étude (le plasma se conserve en attendant d’autres analyses quelques jours après) afin de confirmer que notre sang ne serait pas plus dangereux qu’un autre et ensuite ouvrir le don de sang total si tout se passe bien. Cela pourrait être un bon compromis si cet étude ne durait pas 3 ans comme ils l’ont estimé. Ce délai de trois serait tout simplement une manière de se débarrasser du dossier puisque dans trois ans, le gouvernement sera sans doute un autre, le dossier sera mis de coté et le combat sera à recommencer à zéro.
Après quelques jours, on m’a parlé d’une période d’abstinence de 4 mois. C’est mieux que 12, et c’est fou comme on peut jouer au loto en politique. Où est la justification clinique entre 4 mois et 12 mois ? Le risque qu’on agite depuis le début des débats a-t-il disparu ? Et là encore, le critère reste l’orientation sexuelle, la discrimination est toujours là…
Au Mexique, en Afrique du Sud, en Russie mais pas en France
L’Espagne, le Portugal, l’Italie, le Mexique, l’Afrique du Sud et même la Russie autorisent le don du sang des homosexuels mais pas la France, « pays des Droits de l’Homme ». L’Etablissement français du sang (EFS) manque régulièrement de sang, mais se permet de pratiquer cette dangereuse discrimination.
Marisol Touraine a pris le dossier en main mais fait constamment marche arrière… Après son annonce médiatique, la main sur le coeur, de ne plus juger du risque en fonction de l’orientation sexuelle des donneurs, on rejoue le même scénario en coulisse!
Pourquoi tant d’appréhension ? Pourquoi étouffer ce dossier depuis des années ? La vie de milliers de personnes n’est-elle pas plus importante ?
Nous en sommes encore au point de devoir expliquer continuellement qu’être homosexuel n’est pas être, en soi, à risque, que l’on doit poser la question sur un possible comportement à risque et non sur une simple sexualité, sur qui l’on aime.
Marisol, puisque depuis plus d’un an que je fais campagne sur ce sujet, mais que l’on ne s’est toujours par rencontrés, je m’adresse à vous ici. Allez-vous avoir le courage d’aller jusqu’au bout?
Steven Kuzan
Aide-soignant, groupe sanguin B+