On ne sait pas si Don Pietro Corsi, curé de choc de la paroisse de San Terenzo (Ligurie), aime son prochain. Une chose est sûre, il aime moins sa prochaine. En témoigne le tract qu’il a affiché à la porte de son église le jour de Noël : « Les femmes, pouvait-on lire, qui provoquent par leur habillement succinct, qui s’éloignent de la vie vertueuse et de la famille et provoquent les instincts, doivent se livrer à un sain examen de conscience, en se demandant : peut-être le cherchons-nous ? »
Question purement rhétorique. Pour Don Pietro Corsi, la réponse ne fait pas de doute. Les femmes italiennes méritent leur sort. « Combien de relations adultères se nouent-elles, persiste Don Corsi, au travail, au cinéma, dans les gymnases ? C’est comme ça qu’on en arrive à la violence et aux abus sexuels. »
En 2012, 108 femmes, selon les comptes macabres de la presse, ont été assassinées par leur mari, ex-mari, compagnon ou ancien compagnon. Le phénomène est devenu si courant qu’il a fallu créer le substantif de femminicidio, que l’on peut traduire par « féminicide« , pour le caractériser. On voit par là que Don Corsi a le sens de l’actualité.
Le prélat, cheveux courts et gris, style aumônier militaire, ne s’est pas laissé démonter par les premières critiques suscitées par son brûlot. A un journaliste de la Rai, la télévision publique, qui lui demandait d’étayer sa pensée, il a répondu, ajoutant l’homophobie à la misogynie : « Mais si vous n’éprouvez rien face à une femme nue qui passe devant vous, cela signifie que vous êtes un pédé. » On voit par là, également, que Don Corsi a le sens de la nuance.
« QUELQUES JOURS DE REPOS »
L’embarras de l’Eglise est réel. L’évêque de La Spezia, Mgr Ernesto Palletti, lui a ordonné de retirer son affiche, ce que le prêtre a aussitôt fait. Son contenu heurte le sentiment général de condamnation des violences à l’égard des femmes, a estimé l’évêque local, ajoutant qu’il y avait trouvé « des motivations inacceptables qui vont à l’encontre du sentiment commun ressenti par l’Église » sur ces sujets.
Seulement voilà, il n’est pas facile de faire taire un prêtre. Les autorités ecclésiastiques avaient cru y parvenir lorsque, jeudi 27 décembre, dans la matinée, un communiqué signé de Don Corsi annonçait son intention de se démettre de son sacerdoce, dont il se jugeait désormais « indigne ».
Il affirmait espérer « retrouver un jour la sérénité », qui visiblement lui avait manqué et renouvelait ses excuses « les plus sincères, non seulement à toutes les femmes heurtées par mon texte, mais aussi à tous ceux qui se sentent offensés par mes paroles ». On voit par là que Don Corsi a le sens de la contrition.
Mais le beau conte de Noël du prêtre saisi par le remords s’est achevé quelques heures plus tard. C’était un faux, ainsi que l’a expliqué Don Corsi lui-même à son évêque, qui ne sait plus à quel saint se vouer. Il ne démissionnera pas de sa charge. En revanche, il prendra « quelques jours de repos » pour se remettre du « stress de ces dernières heures ».
Par Philippe Ridet