Mousse, STOP homophobie, Familles-LGBT et Adheos forment aujourd’hui un recours pour excès de pouvoir devant le Conseil d’État contre le décret du 23 juin 2020 instaurant le « dossier pénal numérique ». Ce nouveau décret prévoit que des données relatives à la vie et l’orientation sexuelle des victimes et des témoins pourront être collectées, stockées et partagées dans un dossier pénal en ligne accessible par une multitude d’intervenants.
Le dossier pénal numérique est le nouvel outil informatique dont disposent les institutions judiciaires, visant à digitaliser l’ensemble des documents d’une procédure pénale afin d’en accélérer le traitement.
Le décret n°2020-767 du 23 juin 2020 autorise dans ce cadre les institutions judiciaires à collecter et communiquer des données personnelles, et notamment celles « concernant la vie sexuelle ou l’orientation sexuelle d’une personne physique » (article 6).
Une fois stockées dans le dossier en ligne, ces informations seront accessibles à de nombreux intervenants, que le décret ne définit par précisément. Outre les juges, procureurs, avocats et parties, « toute administration, établissement, autorité ou personne publique ou privée, autorisé en vertu de dispositions législative ou réglementaire spécifiques, à se voir communiquer tout ou partie d’un dossier pénal ou d’une décision » pourra accéder à ces informations relatives à l’orientation et à la vie sexuelle.
Une collecte inutile et disproportionnée
Le décret ne limite pas la collecte et le stockage des données relatives à l’orientation et la vie sexuelle aux auteurs d’infractions à caractère sexuel. Le décret prévoit au contraire que « les témoins, victimes, les personnes mises en cause ou en examen, les personnes poursuivies, les témoins assistés » pourront voir des informations relatives à leur orientation et leur vie sexuelle consignées dans le dossier pénal numérique.
On envisage très difficilement comment la collecte de données relatives à l’orientation et à la vie sexuelle des témoins pourrait être justifiée. On envisage également difficilement pourquoi la collecte de telles informations pour les victimes serait justifiée. Il existe effectivement une circonstance aggravante d’homophobie. Mais un tribunal ne doit jamais se demander si une victime est ou non homosexuelle (en sondant la vie sexuelle de la victime). Les juges doivent se demander si l’auteur a agi en raison de l’orientation sexuelle supposée de la victime (en sondant les motivations de l’auteur). Dans ces deux hypothèses, la collecte de données relatives à l’orientation et la vie sexuelle est parfaitement inutile.
Quant aux personnes « mises en cause ou en examen » et les « personnes poursuivies », le dossier pénal ne doit pouvoir contenir des informations relatives à leur orientation sexuelle que dans l’hypothèse où ces personnes sont soupçonnées d’avoir commis des infractions à caractère sexuel. Dans tous les autres cas, la collecte de données relatives à l’orientation et la vie sexuelle est disproportionnée.
Pour Me Étienne Deshoulières, avocat des associations : « Créer de nouveaux fichiers sur l’orientation sexuelle des personnes, c’est rouvrir une page de l’histoire de France qu’on croyait définitivement tournée. Jusqu’en 1982, la préfecture de police de Paris détenait des fichiers sur les homosexuels. Ces fichiers ont été à l’origine d’un harcèlement des homosexuels jusqu’à la fin des années 1970, avec près de 10.000 condamnations pour homosexualité en France entre 1945 et 1980. »
Pour Frédéric Hay, président de l’association Adheos : « Consigner l’orientation sexuelle des témoins et victimes est contre-productif. Cela va dissuader les victimes de porter plainte et les témoins de venir témoigner. C’est inacceptable ! »
C’est pourquoi STOP homophobie, Mousse, Familles-LGBT et Adheos forment, ce lundi 6 juillet, un recours pour excès de pouvoir contre le fichage des homosexuels, lequel présente des risques importants pour les droits et libertés des personnes.