« Douze priorités concrètes » pour construire dès 2018 le futur Centre d’archives LGBTQI en France

« Après des années de blocages », la Mairie de Paris a annoncé, ce 11 octobre, la création d’un centre d’archives LGBT dans la capitale d’ici trois ans. « Nous voulons mettre un lieu à disposition en 2020, une mairie de l’hyper-centre parisien, celle du 1er, du 2e, du 3e ou du 4e arrondissement », a précisé Bruno Julliard dans un entretien à Libération.

C’est une « urgence déjà ancienne » et « parce que les mémoires se meurent en silence », un Collectif LGBTI s’est constitué en septembre 2017 « pour mener un travail de réflexion, de proposition et de mobilisation encore nécessaire pour qu’enfin, la France dispose d’archives lesbiennes, gays, bi.es, trans, queers et intersexes. »

« Nous revendiquons l’idée qu’un centre d’exposition, de recherche, de documentation et de mémoire est non seulement indispensable, mais surtout qu’il est possible, et dès 2018 », justifient-ils, soulignant dans une tribune, sur le HuffPost, le récent succès du film « 120 battements par minute », « qui a aussi amené beaucoup de jeunes, LGBTQI mais pas seulement, à s’intéresser comme jamais auparavant à ces histoires, ces mémoires, ces cultures, ces fiertés. »

« La génération qui a mené les luttes des années 1970-90, quand elle n’est pas disparue – notamment décimée par l’épidémie de sida, est vieillissante, parfois précaire, isolée ou malade. Le Centre d’archives doit donc commencer par l’urgent, par les paroles perdues, par les supports fragiles, par ce qui disparaît », plaident-ils encore, évoquant, « dans une logique participative et militante », la légitimité des LGBTQI « pour faire entendre leur voix dans le débat public sur les archives et faire bénéficier des solutions concrètes élaborées au sein de nos communautés. »

Ils proposent ainsi « douze priorités concrètes, pour construire dès 2018 le futur Centre d’archives LGBTQI, permettant son lancement rapide, sans transiger sur son ambition ni ses missions » :

1. Elaborer, entreprendre et coordonner la collecte de la mémoire orale des LGBTQI, et appuyer les initiatives en ce sens à travers le pays.

2. Amplifier et coordonner dès maintenant, dans tout le pays, l’information sur les possibilités de dépôt et de don déjà offertes par le Centre d’archives. Un box d’urgence existe, encore faut-il l’utiliser.

3. Conserver et recueillir à la fois des archives au sens strict et toute la variété des objets significatifs des histoires LGBTQI dans leur diversité, y compris l’histoire des LGBTQI-phobies. Seules certaines archives LGBTQI sont aujourd’hui jugées dignes de conservation dans les fonds publics. Pour nous, le champ des mémoires à conserver est plus large, il inclut les archives associatives et individuelles y compris d’« anonymes », des personnes invisibilisé.es (personnes racisées, étrangères, précaires) ou encore d’entreprises ou de commerces.

4. Rassembler sur un seul lieu, le stockage d’archives, une salle de lecture, un lieu de recherche pluridisciplinaire, un espace d’expositions et de débats, ouvert aux chercheurs.ses comme au grand public. Alimenter un réseau de ressources disponibles partout en France. Le Centre doit être un véritable réseau, qui croise les fonctions et favorise les échanges.

5. Classer, référencer, indexer et numériser l’ensemble des fonds accueillis dans le Centre d’archives, sur la base d’un thésaurus francophone pour permettre le référencement d’archives LGBTQI. Epauler les démarches similaires pour les fonds LGBTQI en régions.

6. Etablir et publier début 2018 un guide des sources conservées dans les institutions publiques, et, dans une démarche active de collecte, solliciter les détenteurs.trices de fonds susceptibles de rejoindre le Centre.

7. Définir une politique culturelle et scientifique autour des LGBTQI et de leur diversité. « Déplacardiser » les archives passe par la création de ce lieu nouveau, même si les institutions publiques du patrimoine ont récemment évolué sur ce point.

8. Créer une association loi de 1901 « type », associant personnes morales et physiques intéressées pour gérer le Centre. Ce modèle, retenu par les centres d’archives à Amsterdam, Berlin ou San Francisco, permet de créer un « tiers de confiance » pour les LGBTQI, qui ne peut être l’émanation d’une institution publique. Il sera ainsi une tête de réseau au plan national pour les diverses initiatives, garantira l’apport du bénévolat et permettra que les fonds ne soient pas divisés lors de leur dépôt.

9. Permettre au Centre, en rythme de croisière, de disposer d’une équipe salariée d’au moins 5 personnes, d’au minimum 750 m², des moyens techniques et financiers adéquats pour mener les missions déjà détaillées. Là encore, ces ordres de grandeur sont ceux des centres / musées qui existent depuis longtemps ailleurs qu’en France. Au regard de ses défis comme de l’expérience accumulée dans d’autres pays, le centre va croître progressivement.

10. Mettre en place des conventions pluriannuelles d’objectifs avec l’Etat et les collectivités locales, des conventions de partenariats avec les institutions publiques du patrimoine, et lancer des projets avec l’Europe, tant en matière de lutte contre les discriminations que pour accompagner le projet culturel et de recherche du Centre.

11. Définir un programme de formations et de coopération avec le monde éducatif ainsi qu’avec des partenaires culturels (cinémas, festivals…).

12. Fixer au premier semestre 2018, sur la base d’une large consultation, le nom du Centre. Oui, les LGBTQI ont aussi des idées pour le nom du futur lieu, et oui, elles et ils sont au moins aussi légitimes que quiconque pour faire des propositions.

« Cette « maison commune » doit, à chaque étape, refuser toute velléité jacobine et appuyer ce qui se fait déjà ou peut se faire ailleurs qu’à Paris », poursuit le texte. « Nous voulons un Centre d’archives, un lieu d’exposition et de mémoire, et nous le voulons dès 2018. Le colloque de réflexion tel qu’il est évoqué par la Ville de Paris pour 2018, nous semble un détour, sinon une diversion… »

Avec ces douze priorités, ils espèrent « démontrer que l’obstacle n’est pas, aujourd’hui, du côté des LGBTQI, ou du fait d’incompréhensions avec les futurs partenaires publics et scientifiques. »

« A tous.tes, nous disons: il est temps ! »

Stop homophobie soutient le Collectif Archives LGBTQI et est cosignataire de la tribune.