En 1975, une première marche est initiée par un petit groupe d’homosexuels apeurés et masqués de peur de répressions. Ancêtre de la Gay Pride colorée et aux dimensions gigantesques que nous lui connaissons aujourd’hui, il s’agissait alors d’un groupe né dans l’ombre, qui représentait une catégorie de gens mis en marge de la société israélienne de l’époque.
Ceux que l’on catégorisait automatiquement comme « malades du SIDA », à qui on associait aussi et surtout des maladies mentales, se retrouvaient dans des caves d’immeubles et tenaient des réunions ultrasecrètes qui ont posé les premières pierres des organismes de défense de la communauté LGBT d’aujourd’hui. A cette époque, l’homosexualité était tout simplement interdite en Israël et jusqu’en 1984, passible d’une peine de prison. Ces hommes masqués avaient à leur tête, un seul homme à visage découvert, Avi Angel, prêt à affronter la loi et les forces de l’ordre. Ce même Avi Angel qui recevait, le 9 juin 2015, un prix d’honneur de la Agouda, a aujourd’hui 80 ans.
Au fil des années, les défilés se sont étendus et ont accueilli de plus en plus de participants. En mai 1998, un an après de violents affrontements entre les forces de police et des transsexuels, la diva transsexuelle Dana International remporte l’Eurovision et revient au pays avec le trophée de la chanson, dans une main, et dans l’autre, un message de paix et de calme : le monde est prêt à accepter les transsexuels. Israël doit suivre.
A son retour, la Gay Pride prendra la forme que nous lui connaissons aujourd’hui : des milliers de personnes qui défilent dans les rues de Tel Aviv pour signifier qu’elles n’ont ni peur ni honte de leur identité sexuelle. Alors que dans d’autres villes, certains y voient encore de la « provocation », à Tel Aviv, les Gay Prides deviennent, d’année en année, un festival de couleurs et de fête qui s’étend sur une des semaines les plus chargées en évènements et les plus abondantes en matière de tourisme. Sur la scène internationale, la Gay Pride de Tel Aviv est l’endroit où il faut être en juin. La municipalité de Tel Aviv avec à sa tête, Ron Houldaï, finance d’ailleurs intégralement cette semaine de la Gay Pride.
La Gay Pride à Jérusalem
Encore synonyme de conflit, la première Gay Pride de Jérusalem, en 2002, s’était déroulée, contrairement à ce que l’on croit, dans le plus grand calme. La police, craignant les débordements et la violence, avait alors préféré gagner du temps et maintenir l’ordre en confinant les participants dans l’enceinte du stade de football de Guivat Ram. La seconde version de la Gay Pride de Jérusalem, quant à elle, avait été le théâtre de violences extrêmes, alors qu’une transsexuelle avait été poignardée par un militant homophobe. On y a toujours le sentiment qu’il s’agit plus d’une manifestation de protestations que d’un carnaval comme celui de Tel Aviv.
Le regard de la société israélienne sur les LGBT en 2015
A la Knesset, quatre députés se partagent le lobby LGBT : Yael German (Yesh Atid), Merav Mikhaeli (Camp sioniste), Mikhal Rozin (Meretz) et Yair Kich (Likoud).
Depuis les tremblements de terre au Népal, l’opinion publique a été sensibilisée à la volonté des couples homosexuels désireux d‘avoir des enfants biologiques, ce qui paraissait aberrant il y a encore quelques années. Un autre exemple de changement réside dans le traitement des couples homosexuels par la fonction publique : la compagnie aérienne El-Al octroie les mêmes privilèges pour les conjoints du même sexe que pour ceux des couples hétérosexuels. Même traitement pour les conjoints homosexuels des employés du ministère des Affaires étrangères et des ambassades dans le monde.
« Depuis le défilé des masques de 1975, le regard de la société israélienne sur la communauté LGBT a somme toute évolué, mais pas encore assez », nous explique Shir Nahmias, « surtout lorsqu’il s’agit des transsexuels. Ils sont encore considérés par beaucoup comme des « sales bêtes, risibles, souvent ridiculisées et caricaturés », nous confie-t-elle. Cette année 2015 leur est entièrement dédiée, pour leur signifier le soutien de la communauté LGBT et afin de les mettre au centre de l’attention et du discours public. Les changements sont positifs, mais il existe encore de nombreux rapports d’actes de violences envers eux. Beaucoup d’autres sont victimes de ségrégation (dans l’obtention d’un emploi ou d’un logement), surtout lorsqu’il s’agit de personnes vivant en périphérie ou issues de minorités comme les ultra-orthodoxes ou les musulmans.