« On retravaille l’amendement. Notre gros problème, c’est de le border au maximum pour que le Conseil constitutionnel ne le rejette pas », a déclaré à l’AFP la députée (PS, Rhône) Pascale Crozon.
Avec Erwann Binet (PS, Isère), l’élue a déposé un amendement au projet de loi « justice pour le XXIe siècle », examiné à partir de ce mardi 17 mai par l’Assemblée nationale, qui propose de simplifier le changement de sexe à l’état civil pour les personnes transsexuelles et transgenres.
Le gouvernement, en pleine crise de confiance, « n’est pas particulièrement favorable à l’amendement mais ne s’y oppose pas. Il y aura un débat, nous ferons le maximum », poursuit-elle, confessant avoir « un peu peur des réactions de certains membres de l’opposition », après le passage houleux du mariage pour tous à l’Assemblée. « Aujourd’hui, les feux sont entre l’orange et le vert. On n’a jamais été aussi proches d’une solution », affirme également Erwann Binet.
Ces personnes ont le sentiment profond, qui s’impose à elles, d’appartenir à l’autre sexe que celui de leur naissance. Certaines subissent des transformations physiques (on parle alors de personnes transsexuelles), d’autres non (transgenres). Elles seraient entre 10 000 et 15 000 en France, parfois condamnées à la marginalité du fait de la discrimination dont elles sont victimes. Les difficultés liées à la discordance entre leur apparence physique et leur état civil sont également nombreuses.
Aujourd’hui, aucune règle n’existe dans le droit à ce sujet. Toutefois, la jurisprudence de la Cour de cassation exige la preuve du caractère irréversible de la transformation physique. Dans un jugement du 24 mars, le tribunal de grande instance de Montpellier a débouté une personne qui n’était pas en mesure de prouver une impossibilité définitive de procréer dans son sexe d’origine. Des transformations esthétiques (réduction de la pomme d’Adam, opération de la poitrine, féminisation du visage) avaient été effectuées et un traitement hormonal était suivi depuis quatre ans.
« C’est une procédure longue, coûteuse, incertaine, et à des conditions médicales dont la légalité est contestée au regard des articles 3 et 8 de la Convention européenne des droits de l’homme (…), détaille l’exposé des motifs de l’amendement. La modification de la mention de sexe apparaît donc pour les personnes transgenres comme l’enjeu central de la protection de leurs droits fondamentaux. »
Les associations qui représentent les personnes « trans » demandent de leur côté la possibilité de changer la mention à l’état civil sur simple déclaration. L’amendement, qui reprend une proposition de loi déjà déposée par les deux élus, propose une troisième voie : « Nous ne voulions pas totalement déjudiciariser le processus car il s’agit de l’état des personnes, explique M. Binet. Notre tradition juridique n’est pas très souple à ce sujet. » La création d’un nouveau régime de possession d’état, sur le modèle de celui qui existe en matière de filiation, est proposée.
Produire des attestations et des témoignages
Concrètement, si l’amendement est adopté, la personne concernée devra réunir les preuves qu’elle vit et est reconnue dans une identité de genre qui n’est pas conforme à son sexe inscrit à l’état civil. Elle pourra produire des attestations ou témoignages de son entourage familial, amical ou professionnel ; des attestations médicales d’un parcours de transition en cours ou achevé ; des documents ou correspondances ; des décisions judiciaires témoignant de discriminations ; des décisions établissant la modification du prénom… En cas de doute sur la sincérité des éléments produits, le procureur de la République saisira le président du tribunal de grande instance, qui statuera.
« L’absence d’attestation médicale ne peut suffire à motiver ce doute », précise l’amendement. En clair, aucune condition médicale n’est exigée. L’amendement, cosigné par 35 députés, a le soutien du groupe socialiste. Le gouvernement n’y est pas hostile, sous réserve de modifications éventuelles, selon M. Binet. Il sera débattu en séance mercredi 18 ou jeudi 19 mai.
Avec Gaëlle Dupont