ÉCOLOGIE HUMAINE – C’est le grand jour. Depuis plusieurs mois, l’un des porte-parole de la Manif pour tous, Tugdual Derville se démène. Avec un économiste et un spécialiste du développement durable, Tugdual Derville a décidé de créer un courant, Écologie humaine, pour « prendre soin de l’homme ». Ce think tank traditionaliste, héritier direct de la contestation contre le mariage homosexuel offre une vision chrétienne de l’écologie. L’homme autant que la planète ont besoin d’être sauvés.
Depuis la promulgation de la loi Taubira, la Manif pour tous est affaiblie par des luttes intestines. Le mouvement se délite et fait des petits comme les Hommen ou Le Printemps Français. Tugdual Derville a lui choisi la voie de la réflexion et de l’engagement associatif. Sans renier son engagement contre la loi Taubira.
Débattre « librement » de l’avortement, de l’euthanasie, de la GPA
L’écologie humaine s’est vraiment fait connaître lors de la publication d’une tribune manifeste dans La Croix en mars 2013. « Que sommes-nous en train de faire de l’humanité? » s’inquiétaient alors Tugdual Derville, Pierre-Yves Gomez et Gilles Hériard Dubreuil. Dans ce texte, les trois hommes dénonçaient une société dans laquelle « l’homme n’était qu’un matériau » dont on ne respectait plus « le patrimoine ».
Au centre des sujets abordés, la bioéthique semble occuper une large place dans les questionnements d’Écologie humaine. Au sein du think tank, difficile de faire réagir Tugdual Derville à ce premier constat, la communication du tout jeune mouvement est vérouillée. Après avoir accepté notre demande d’interview, il annonce, prudent, que des débats « libres et ouverts » autour de l’IVG ou des mères porteuses pourront avoir lieu à Écologie humaine : « Notre think tank n’est pas contre l’avortement ou la GPA, ce n’est pas son rôle, il est là pour ouvrir le débat. » Difficile à croire quand on connait les positions d’Alliance Vita, l’association pro-vie qu’il dirige.
À l’écouter, Tugdual Derville lie des problématiques aussi différentes que la bioéthique, les OGM, le nucléaire ou même le stress au travail . »On a joué à l’apprenti sorcier avec les organismes génétiquement modifiés. Il en va de même pour la loi Taubira, elle ne va pas bouleverser tout de suite la société des hommes mais dans quelques siècles on se rendra compte qu’on a privé des êtres humains de leur hérédité, on le voit déjà chez des enfants qui sont nés sous X. Des visionnaires disent d’ailleurs : ‘attention on est en train de jouer avec le feu’. » Voilà de quoi répondre aux interrogations de ceux qui ne comprenaient pas le lien entre « écologie » et « humaine ». Pas de doute, l’opposition à la loi Taubira est l’acte fondateur d’Écologie humaine.
Une des suites logiques de la Manif pour tous
C’est en effet après un discours prononcé pendant une manifestation en janvier 2013 que Pierre-Yves Gomez, économiste et Gilles Hériard Dubreuil, spécialiste du développement durable contactent Tugdual Derville, séduits par sa vision de l’écologie. Le porte-parole de la Manif pour tous n’est pas tout seul, mais il est des trois, le plus médiatique. L’héritage de la Manif pour tous est d’ailleurs revendiqué. « La loi Taubira a révélé une douleur, explique Tugdual Derville, elle a abouti à affirmer qu’un enfant peut avoir deux parents de même sexe. Or l’histoire de l’Humanité est inscrite dans un autre constat, nous sommes tous enfantés d’une femme. »
La question de l’enfantement revient sans cesse dans l’argumentaire du porte-parole de la Manif pour tous. Tugdual Derville n’hésite par exemple pas à affirmer que « L’écologie humaine n’est rien d’autre que la reconnaissance de ce qui fait l’essence de l’homme. » Pour mémoire, la question du bien-être de l’enfant a été l’un des chevaux de bataille de la Manif pour tous. Tout comme la théorie du genre.
Un courant très soutenu par la communauté chrétienne
La Croix, Pèlerin et La Vie ont beaucoup relayé le lancement de ce groupe de réflexion. Sur Internet, la « cathosphère » (l’ensemble des blogs et des sites qui se revendiquent catholiques) se sont aussi montrés très intéressés par ce think tank.
Preuve que l’expression est à la mode dans le monde catholique, en juin dernier, le pape en personne a appelé à s’engager pour une « écologie humaine ». « Si la crise actuelle est largement liée à l’environnement, elle touche également l’homme, a dit le pape François. La personne est en danger et ceci justifie la priorité d’une écologie humaine. […] La mode aujourd’hui c’est l’argent et la richesse, pas l’homme. C’est la dictature de l’argent. Dieu a chargé l’homme de gérer la terre, non l’argent. »
Une vision bien différente de l’écologie humaine telle qu’elle est enseignée à l’Université. Car, si l’expression est à la mode, l’écologie humaine ne date pas de la contestation à la loi Taubira.
L’écologie humaine est une matière enseignée à la fac
L’expression « écologie humaine » a été inventée en 1922 par un géographe américain, Harlan H Barrows. En France, l’Université de Pau et de l’Adour délivre un diplôme universitaire d’écologie humaine depuis 1990.
Contacté par Le HuffPost, Lionel Dupuy, docteur en géographie et responsable de la formation ne se retrouve pas vraiment le courant lancé ce samedi 22 juin. « L’écologie au départ essaie de comprendre comment les animaux vivent et coexistent dans leur environnement, explique Lionel Dupuy. Plus tard des géographes ont rapproché l’écologie des sciences humaines en cherchant à comprendre comment l’homme coexistait dans son environnement ( aussi bien physique que linguistique ou social). Cette discipline mène une réflexion sur les droits et les devoirs de l’homme par rapport à l’environnement et à la nature dans laquelle il vit. »
« À première vue, notre enseignement est complètement différent du courant d’Écologie humaine, nous cherchons à dépasser l’opposition entre nature et culture ».
L’écologie humaine, EELV ne veut pas en entendre parler
Et les écologistes dans tout ça? Au siège du parti Europe Écologie Les Verts, on refuse tout bonnement de commenter le lancement du think tank. Contacté par Le HuffPost, Mickael Marie, le directeur de cabinet du secrétaire général du parti finira par dire que « nous n’avons rien de commun avec Écologie Humaine ». Dans les faits, les avis semblent partagés sur l’écologie humaine. « Nous avons reçu le soutien de certaines personnes d’EELV » avance Tugdual Derville, sans toutefois citer de nom.
Sur La Croix, en février dernier, des militants d’EELV avaient pris la parole pour critiquer la ligne du parti concernant l’ouverture de la loi à la PMA et à la GPA au nom de la bioéthique, des arguments pas si éloignés de ceux d’Écologie humaine. Se plaçant au-dessus des partis, Écologie humaine ne revendique aucun parrainage ni soutien politique. Mais la politique n’est jamais loin. Sans surprises, Christine Boutin s’est déjà revendiquée du think tank sur Twitter :
De quoi faire concurrence au futur parti politique, l’Avenir pour tous, lancé par Frigide Barjot le 26 juin prochain à Paris. « Nous avons des relations vraiment amicales avec Frigide » rassure Tugdual Derville. Mais l’égérie de la Manif pour tous ne sera pas là samedi 22 juin.
Par Sandra Lorenzo