« El Shad », le premier magazine pour les LGBT algériens diffusé gratuitement sur le net

>> Fait inédit dans un pays où l’homosexualité est criminalisée, El Shad, magazine qui s’adresse à la communauté LGBT, est diffusé depuis le 20 novembre gratuitement sur le Net. Algérie-Focus a interviewé un de ses fondateurs.

Pouvez-vous nous expliquer ce qui vous a amené à créer cette revue trimestrielle ?

O. HARIM En réalité, nous sommes trois à l’origine de ce magazine : Sapho, S. P. et moi. On a tous commencé à militer pour les droits LGBT en créant l’association Alouen en 2011. C’est ensuite que l’idée du magazine nous est venue, car nous sommes le seul pays maghrébin à ne pas en avoir. Il existe un magazine lesbien algérien, Lexo Fanzine, qui a été créé il y a longtemps par un membre d’Alouen, mais pas de magazine s’adressant à toute la communauté LGBT.

Vous adressez-vous seulement à la communauté LGBT ou bien cherchez-vous à toucher un public plus large ?

Bien sûr, nous nous adressons en premier lieu à la communauté LGBT pour dire à ceux qui la composent que leur différence n’est pas une tare, que l’on est tous différents et qu’il faut s’accepter comme on est. Mais je tiens à préciser que nous ne sommes pas les porte-parole d’Alouen. Nous donnons la parole et nous nous adressons aussi à des gens qui n’appartiennent pas à la communauté LGBT, comme avec notre « ABCD de la transsexualité » dans le premier numéro de la revue. La transsexualité est une problématique sociétale qu’il faut amener à la connaissance du public algérien. Ce n’est qu’en faisant connaître ces problématiques que l’on peut faire accepter la différence.

Pourquoi ce nom, « El Shad » ?

Le mot « shad » était au départ utilisé par les hétérosexuels pour désigner les homosexuels, car il signifie « anormal ». Nous avons choisi ce nom car nous revendiquons cette anormalité, au même titre que tout le monde est anormal. Il est aussi anormal d’être blond, roux, blanc ou noir qu’homosexuel. Ce nom a beaucoup suscité le débat car « shad » est une insulte reprise par la presse arabophone. Mais nous voulions justement nous réapproprier ce terme dans le but de montrer aux lecteurs que « l’anormalité » est normale et que la différence est une richesse.

Pensez-vous que votre magazine puisse trouver son public en Algérie ?

Si l’on n’y croyait pas, on ne l’aurait pas fait ! Ce sont des petits ruisseaux comme ce projet qui font les grandes rivières. El Shad veut parler aux lesbiennes, gays, bisexuels et transgenres pour leur dire que des gens comme eux peuvent réussir. Des jeunes se suicident à cause de la pression sociétale, nous voulons que ces drames s’arrêtent. Nous sommes bien conscients que ce magazine ne va pas changer les lois et la société du jour au lendemain, mais c’est avec de petites initiatives comme celle-là que le regard des gens peut changer progressivement.

Le premier numéro d’El Shad est sorti symboliquement le 20 novembre, Journée internationale du souvenir trans, et aborde le thème de la transsexualité. De quoi parleront les prochains numéros ?

El Shad est un magazine trimestriel, le deuxième numéro sortira en février. On y parlera d’amour, pour montrer que, contrairement aux clichés, l’homosexualité n’est pas qu’une histoire de sexe, mais, comme pour tous les couples, de sentiments, de tendresse, etc. Le prochain numéro sera bilingue français/arabe pour toucher un public plus large.

Propos recueillis par Agnès Nabat
http://madmagz.com/fr/magazine/407844