La présidente de SOS Homophobie, revient sur la hausse des témoignages recueillis par l’association au premier semestre.
Alors que se tient ce mercredi à Lille le procès des agresseurs d’employés d’un bar gay, SOS Homophobie a annoncé une hausse record des témoignages d’actes homophobes depuis le début de l’année. Entre janvier et juin 2013, leur ligne d’écoute anonyme a reçu 2 000 signalements, soit autant que pour toute l’année 2012. La présidente de l’association, Elisabeth Ronzier, a analyse le phénomène, en attendant le rapport statistique annuel.
Quel constat faites-vous sur les témoignages recueillis à ce stade de l’année ?
En 2012, nous avions déjà atteint un record de 2 000 appels. Le fait que ce chiffre ait déjà été atteint cette année en juin annonce un nombre encore plus inquiétant pour 2013. Nous espérons que le taux d’augmentation sera limité mais les témoignages ne vont pas s’arrêter et je pense que la tendance ne sera pas à la diminution. On tempère quand même toujours le constat lorsque les chiffres augmentent car nous fonctionnons sur la base du témoignage. Il y a des appels récurrents, il font donc différencier le nombre de cas et le nombre de témoignages.
L’augmentation des déclarations est-elle directement liée au débat virulent sur le mariage pour tous ?
Le débat des derniers mois sur le mariage pour tous a largement contribué à cette hausse. Tous les moments de débat ont provoqué des situations propices aux propos homophobes. Ça a créé un double réflexe. D’une part, ça a libéré la parole homophobe. Les gens ont pris l’habitude d’exprimer leur homophobie sans se cacher. D’autre part, ça a libéré la parole des victimes et des témoins. Maintenant, ils identifient mieux et questionnent beaucoup plus les propos qui peuvent les déranger. Avant lorsque quelqu’un disait «le mariage c’est pour un homme et une femme», ça chatouillait sans qu’on sache pourquoi. Maintenant, les personnes arrivent à déconstruire toutes les idées qu’il y a derrière ce type de propos.
Quels sont les actes homophobes qui vous sont rapportés ? Est-ce que vous avez noté certains changements par rapport aux années précédentes ?
Le détail statistique de l’année 2013 n’est pas encore disponible mais les appels rapportent majoritairement des paroles. Heureusement, les agressions physiques sont minoritaires mais elles existent toujours. En 2012, elles représentaient environ 10% des appels. Des propos homophobes peuvent paraître moins importants mais ce n’est pas qu’une parole. C’est quelque chose que les victimes entendent dix, vingt fois pendant la journée, à la télévision, dans la rue, sur leur lieu de travail… Ça a des conséquences vraiment dramatiques. Cette année, contrairement à l’an dernier, les actes rapportés font plus partie de la vie quotidienne et ont plus souvent lieu qu’avant dans les lieux publics.
Les actes homophobes concernent-t-il une catégorie de personnes ou certains milieux en particulier ?
C’est un constat que nous tirons chaque année, il n’y a pas une catégorie plus touchée qu’une autre. Il n’y a pas de discrimination dans la discrimination. Nous sommes un peu moins contactés par des mineurs. En 2012, il y avait eu une augmentation en milieu scolaire.
Qu’attendez-vous des autorités ?
Au cours de l’année 2012, beaucoup d’annonces ont été faites par le gouvernement. Nous avons eu une assez bonne écoute des dirigeants sur la problématique de l’homophobie. Nous attendons de voir comment nos demandes vont être mises en oeuvre. Nous participons aux réflexions pour voir comment inclure une sensibilisation à l’homophobie dans des programmes scolaire. En changeant l’approche de l’éducation sexuelle, par exemple, qui est trop genrée. C’est très bien pour les élèves hétérosexuels mais il faut avoir conscience que dans une classe, il y a aussi des élèves homosexuels. Si on présente toujours le même schéma, on a du mal a appréhender l’homosexualité sans aspects négatifs. Il faut juste montrer son existence pour éviter les rejets plus ou moins violents et pour déconstruire les préjugés.
Recueilli par Gwendolen Aires