Muhsin Hendricks, 48 ans, est le seul imam sud-africain ouvertement homosexuel. Divorcé après 6 ans de mariage, trois enfants et un coming-out dans la foulée, qui lui vaudra d’être qualifié de « sataniste », il a créé en 1996 un groupe de soutien ouvert à tous les musulmans qui se sentaient rejetés à cause de leur identité sexuelle, « The Inner Circle », (le « Cercle intérieur »). Cinq ans plus tard, il fonde sa propre mosquée, « ouverte à tous », pour accomplir son rêve d’une communauté musulmane sans discrimination. « Une idée radicale sur un continent où l’homosexualité est souvent considérée comme un péché par les religions, voir comme un crime par les Etats ».
D’abord discrètement hébergé à son domicile, ce lieu de prière, totalement inédit en Afrique, accueille aujourd’hui ses fidèles dans un bâtiment du quartier de Wynberg, au Cap. Gays et lesbiennes peuvent y prier en toute liberté et même recevoir une bénédiction s’ils décident de se marier.
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« J’ai choisi d’appartenir à une communauté où je me sens le bienvenu, où je peux entretenir une relation saine avec Dieu et où je ne me sens pas considéré en permanence comme un pécheur », se réjouit auprès de l’AFP un des membres du groupe, Zaid Philander.
Mais si la « Nation arc-en-ciel », née de la chute de l’apartheid, est l’un des rares pays d’Afrique à promouvoir les droits des personnes LGBT jusqu’à autoriser depuis 2006 le mariage des couples de même sexe, au quotidien, nombre de gays et lesbiennes restent la cible de nombreuses discriminations, voire de violences ou, pire, de viols dits « correctifs ». Et, au sein de la communauté musulmane du Cap, qui compte aujourd’hui près de 300.000 membres, le concept d’un lieu de culte ouvert à tous est loin de faire l’unanimité.
« Comment peut-on être homosexuel ? C’est interdit », tranche avec assurance Yusuf Pandy, imam de la mosquée Mowbray. « Et il est de notre devoir d’imam ou de musulman d’aller leur parler (aux homosexuels) et de leur dire ‘non, il ne peut pas en être ainsi’ », poursuit-il.
Ce prosélytisme a parfois dépassé le stade de la parole. A plusieurs occasions, la « mosquée du peuple » a essuyé des incidents provoqués par des traditionalistes. « Notre principale difficulté, c’est que le message relayé dans la communauté à propos de la problématique homosexuelle vient d’un clergé totalement homophobe », constate amèrement Abdul Karriem Matthews, un des responsables du « Cercle intérieur ».
Malgré tout, Muhsin Hendricks veut croire que la graine de tolérance qu’il a plantée finira par germer et que sa mosquée sera un jour acceptée par les autres imams et pratiquants. « Avec la communauté musulmane, c’est une relation ‘à l’amour, à la haine’ : Parfois, ils aimeraient me jeter du haut d’une montagne. D’autres fois, ils apprécient qu’il y ait un imam prêt à travailler avec des personnes qu’ils ne veulent pas accueillir. »
Dans la « mosquée du peuple », la prière du vendredi ressemble pourtant à toutes les autres. A deux détails près. Hommes et femmes y sont mélangés. Et ils n’ont pas besoin de prier pour y être acceptés avec leurs différences. « Je ne considère pas ma communauté comme mon ennemie », insiste Muhsin Hendricks. « Je la vois plutôt comme en manque d’information. C’est précisément ce que je veux lui offrir ».
Avec l’AFP