Lors de la marche des fiertés de Giessen, le 8 juin dernier en Allemagne, l’association STOP homophobie, invitée pour la deuxième année consécutive, a rencontré l’artiste Guy Van Damme, également porte-parole de CSD Deutschland, l’équivalent allemand de l’Inter-LGBT en France.
Belge, métis francophone, il se consacre particulièrement aux questions concernant les « personnes LGBT+ de couleur », selon la terminologie utilisée en Allemagne.
L’Allemagne terre d’adoption
Stop Homophobie: « Qu’est-ce qui vous a amené à la pride de Giessen ? »
Guy Van Damme: « J’ai rencontré CSD Deutschland il y a 3/4 ans et je travaille sur les Christopher Street Days (marche des Fiertés) – du nom du lieu où se sont déroulés les émeutes de Stonewall en 1969 – en été. C’est pour moi l’occasion de chanter, danser de faire des shows ou d’animer des échanges avec le public.
Cette année, c’est la première fois que je suis présent au côté du CSD Mittelhessen. Puis dans le contexte des élections européennes, le CSD Deutschland voulait une personne de couleur pour incarner le mot d’ordre de la marche qui porte sur la lutte contre la droite ». (NDLR : les élections européennes se sont tenues le 9 juin).
Stop Homophobie: « Est-ce facile pour un belge d’investir une institution allemande ? »
Guy Van Damme: « Cela fait plus de 21 ans que je vis en Allemagne et je m’y plais, alors que lorsque je résidais en Belgique, en Flandre, l’extrême-droite y était très forte. Dans la rue et dans la société, je sentais une certaine tension palpable, alors qu’en Allemagne, je me sens davantage chez moi maintenant.
Pour les personnes queers de couleur, les questions en lien avec le racisme au quotidien prennent davantage le pas sur les questions en lien avec l’homophobie ou la transphobie. C’est multiforme et ce n’est pas toujours institutionnel, s’il peut y avoir des contrôles au faciès à la douane, parfois le racisme c’est tout simplement le quidam qui retire son sac quand on passe à côté de lui, non sans malveillance.
Quand on évoque ces sujets avec les personnes concernées, les débats sont souvent très passionnés, mais je suis content d’avoir franchis le pas et de permettre de crever certains abcès, même si ce n’est pas toujours évident.
C’est ainsi que je peux relayer les préoccupations des personnes de couleur auprès de CSD Deutschland, en les représentant».
On peut mieux faire
Stop Homophobie: « Diriez-vous que ces communautés de couleur prennent leur place en Allemagne dans le mouvement lgbt+, en termes de militance, de plaidoyer et d’action ? »
Guy Van Damme: « Il y a beaucoup de choses qui se font en Allemagne pour entreprendre l’inclusion des personnes de couleur et j’en suis la preuve. L’Allemagne porte encore le lourd héritage du nazisme et les gens souhaitent tourner la page et se débarrasser de ce passé encombrant.
Je dois dire qu’il y a beaucoup de forces progressistes et que beaucoup de choses sont entreprises contre le racisme. Il en va de l’image de l’Allemagne dans le monde et les gens en sont conscients.
En ce qui concerne les personnes de couleur au sein du mouvement LGBT+ allemand, je dois dire qu’on n’est pas encore assez nombreux à être investis, afin d’être davantage visibles.
Ainsi il m’arrive dans certaines réunions de CSD Deutschland d’être la seule personne non-blanche et quand je prends la parole, je dois alors préciser que mon point de vue est le mien et que la communauté LGBT+ de couleur est bien entendu très plurielle ».
Des solutions sont possibles
Stop Homophobie: « D’après vous que peut-on entreprendre afin de favoriser une meilleure représentation des personnes de couleur en Allemagne, au sein de la communauté LGBT+ ? »
Guy Van Damme: « C’est mon thème de travail principal et je pense qu’il faut pouvoir créer et générer du dialogue et de la compréhension mutuelle entre les personnes de couleur et les personnes blanches, en privilégiant des approches centrées sur l’écoute, l’échange et l’empathie.
En effet, loin des idées reçues, le racisme souvent ne prend pas la forme d’actes volontaires et méchants, mais il s’agit le plus souvent de préjugés ancrés dans un inconscient à la fois personnel et collectif. En ce sens, j’aimerais pouvoir porter ce sujet du racisme inconscient, avant ensuite de pouvoir travailler à sa déconstruction.
En réalité, il y a un énorme chantier de pédagogie à entreprendre au niveau des médias et de l’éducation, car c’est là où de nombreux stéréotypes sont véhiculés. Et je compte bien en parler au mois d’août prochain, lors du CSD de Francfort-sur-le-Main.
Aussi, subjectivement parfois m’arrive t-il d’avoir l’impression que les communautés LGBT+ sont celles qui discriminent le plus et j’aimerais œuvrer à ce que l’on accepte notre propre diversité en interne pour ensuite devenir des exemples pour le reste du monde.
Pour y parvenir, aussi faut-il toujours veiller à maintenir des équilibres, en favorisant la disance autour des souffrances et des discriminations, sans pour autant jeter l’anathème sur autrui. Il faut toujours pouvoir rester disposé à écouter d’autres opinions ».
Stop Homophobie: « Avez-vous un message à destination de la francophonie germanique ? »
Guy Van Damme: « Je n’ai pas côtoyé beaucoup de francophones en Allemagne. Mais ça fait toujours plaisir que d’en parler, car c’est ma langue maternelle. Et sinon, vous autres français, soyez ouverts, on est divers, il n’y a pas que la francophonie ».