En Chine, les « cures » contre l’homosexualité prospèrent malgré les poursuites judiciaires

>> China activists fight « conversion therapy »

[spacer]

M. Yu Hu, 32 ans, redoutait d’avouer à son épouse qu’il était « gay ». A juste raison. Si elle a ensuite rapidement accepté de divorcer, le jeune homme a également été interné de force dans un hôpital psychiatrique. Sa propre famille a refusé d’entendre ses raisons et l’a fait emmener par du personnel médical qui l’a jeté dans une camionnette avant de le sangler sur un lit d’hôpital.

Ainsi et pendant 19 jours, en octobre 2015, Yu Hu a dû absorber un cocktail de pilules censé « guérir » sa « maladie ». Des employés menaçaient de le frapper s’il refusait de les ingérer, a-t-il raconté.

Le Chinois de 32 ans a été libéré seulement lorsque son petit ami et des militants ont contacté la police de la province du Henan (centre), où il était séquestré. Il a engagé des poursuites et l’affaire – dernière en date où des « thérapies de conversion » sont examinées – sera entendue ce 21 septembre par un tribunal.

Un cas loin d’être isolé : « Ce n’est pas arrivé qu’à moi! Cela doit s’arrêter », insiste M. Yu, qui reste assailli de cauchemars. Le personnel médical « doit être condamné. Ce n’est pas un crime d’être gay, ce qu’ils m’ont fait oui ». Il exige des excuses publiques de l’hôpital et une reconnaissance que l’homosexualité n’est pas une tare.

La Chine a pourtant retiré en 2001 l’homosexualité de sa liste des maladies mentales. Au fil des ans, les « camarades » (surnom des homosexuels) sont devenus mieux acceptés, surtout parmi les jeunes citadins. Ils font cependant toujours l’objet de discriminations et de pressions familiales : souvent enfants uniques, ils sont nombreux à se résigner au mariage pour répondre aux aspirations de leurs parents et leur donner un petit-enfant.

Et ces « cures », bien que considérées comme non-scientifiques, inefficaces, voire « dangereuses » par les experts, restent proposées par d’innombrables cliniques, qui n’hésitent pas à abuser de la détresse de jeunes homosexuels ou de l’inquiétude de leurs familles.

En décembre 2014, par un jugement inédit, un tribunal pékinois avait condamné une clinique de Chongqing (sud-ouest) pratiquant des traitements censés « soigner » l’homosexualité; les juges avaient estimé qu’il ne s’agissait pas d’une maladie. La clinique avait dû indemniser Yang Teng, un jeune homme traumatisé par les électrochocs.

Ceux-ci sont habituellement administrés sur les parties génitales. Mais en dépit de cette condamnation, des cliniques de la mégalopole de Chongqing continuent d’agir en toute impunité, utilisant électrochocs, camisoles, confinement et même castration chimique. Un traitement coûte environ 20.000 yuans (2.660 euros), mais les frais peuvent s’envoler si les médecins poussent à engager des « soins » supplémentaires, selon le Centre LGBT de Pékin.

A Chongqing, le prix s’élève à 4.000 yuans pour une phase du traitement, autant que le revenu mensuel moyen dans la ville.

Pas de gays à la télévision

Les militants LGBT peinent à trouver la parade. Face aux poursuites judiciaires, « les cliniques ne confirment pas au téléphone leur offre thérapeutique, vous demandant de venir en personne », explique M. Yang. « Mais le reste n’a pas changé ». L’attitude du gouvernement n’aide guère: en mars, il a annoncé que les séries télévisées devaient bannir toutes « relations sexuelles anormales », dont « les relations homosexuelles, perversions, viols et violences sexuelles ».

Et la police est plus active pour s’attaquer aux militants qu’aux cliniques, s’insurge Sha Sheng, membre d’une ONG de Chongqing aidant les gays et lesbiennes surendettés après un passage en clinique.

« C’est difficile de lutter quand la police ne cesse de réprimer vos activités et vous invite à ‘prendre le thé’ », euphémisme pour un interrogatoire, explique M. Sha. D’autres militants tentent de faire oeuvre de pédagogie. « Nous essayons d’informer les médecins, de leur présenter des homosexuels pour les convaincre que ce n’est pas une affliction », souligne Joelle Yao, du Centre LGBT de Pékin. « Beaucoup » quittent ces rencontres « avec une vision complètement différente », ajoute-t-elle, estimant que les préjugés naissent en Chine de l’ignorance, pas de convictions religieuses.

La tâche reste colossale: « La Chine est trop grande », soupire Mme Yao.

[spacer]

>> Telling his wife he was gay was never going to be easy. But Yu Hu never thought it would see him committed to a mental hospital and fed a cocktail of drugs to “cure” him.

Yu’s wife readily agreed to a divorce, but his own family were nowhere near as tolerant.

They arranged for medical personnel to seize him, throw him into a van and strap him to a hospital bed.

For 19 days, he was given a mix of unidentified medications, with staff threatening to beat him if he refused to take them, all in the name of “curing” him of his orientation.

The 32-year-old was only released when his boyfriend and LGBT activists contacted police in Henan province.

Now Yu is suing his captors, the latest in a series of legal battles aimed at banning supposed « gay conversion therapies ».

« They must be brought to justice, being gay is not a crime, but what they did to me is, » Yu said. « This isn’t only happening to me, and this must stop. »

Yu still has nightmares about the episode last October. His demands are simple: an apology from the hospital and an acknowledgement homosexuality is not a disease to be cured.

The case is due to be heard on Wednesday.

« We try to educate doctors »

Homosexuality is legal in China, but was only taken off the list of psychiatric disorders in 2001.

While Chinese attitudes to homosexuality have become more accepting in recent years, especially in larger cities, discrimination is still rife.

Government censors banned gay characters on television in March, with new guidelines decreeing: « No television drama shall show abnormal sexual relationships and behaviours, such as incest, same-sex relationships, sexual perversion, sexual assault, sexual abuse, sexual violence, and so on. »

Many Chinese are their parents’ only children as a result of the country’s often brutally enforced family planning policies, so parental expectations of marriage and grandchildren tend to exacerbate pressures on gay men and lesbians.

Some enter into « cooperation marriages » with a knowing partner in order to satisfy their family’s demands.

People who undergo conversion treatments — either voluntarily or after submitting to family pressure — spend about 20,000 yuan ($3,000) on average, according to the Beijing LGBT Center, although some see their costs spiral upwards as doctors encourage more sessions.

In Chongqing, fees are about 4,000 yuan for a course — almost as much as the city’s average monthly salary — which can include solitary confinement and even chemical castration.

But authorities are more interested in policing activists than clinics, said campaigner Sha Sheng, whose group has helped hundreds of gay men and lesbians after they found themselves in debt and trapped in Chongqing facilities.

« Even though a court has said this is wrong, it’s hard to fight against gay conversion therapy when the police are constantly shutting down our activities, » said Sha.

Other activists are trying to convert the medical providers.

« We try to educate doctors, introduce them to homosexual people and show them it’s not an affliction to be gay, » said Joelle Yao, an activist at the Beijing LGBT Center.

« A lot » of doctors leave the sessions with a « completely different view on homosexuality » she said, adding that Chinese prejudice was more often born of ignorance rather than religious conviction, making it easier to address.

But the task remains huge.

« We can’t reach everyone, » she said. « China is just too big. »

Avec l’AFP