Le président ougandais, Yoweri Museveni, a promulgué en mai une loi anti-LGBT+, faisant craindre aux patients séropositifs et agents de santé d’être dénoncés à la police, toute personne reconnue coupable d’une vague « promotion » de l’homosexualité risquant jusqu’à vingt ans de prison. Dix ans d’interdiction d’exercer sont également prévus pour les organisations reconnues coupables d’avoir encouragé les activités homosexuelles.
Lorsque la loi est arrivée devant le Parlement, les débats furent émaillés d’insultes homophobes. « Nous avons reçu de nombreux appels d’anciens patients nous demandant de les retirer de nos systèmes », se désole auprès de l’AFP, Brian, fondateur d’une clinique pour patients séropositifs de la banlieue de Kampala.
Et depuis, la fréquentation de la clinique n’a cessé de chuter. Environ 35 % des personnes ayant accès aux services de prévention du VIH ne vont plus dans son établissement, tandis que 10 % de celles qui avaient besoin d’antirétroviraux ont également cessé tout contact, explique-t-il.
« Nous avons perdu trois salariés qui ont déclaré qu’ils ne pouvaient pas travailler dans un tel climat pour leur propre sécurité, leur carrière et leurs familles », réduisant ainsi les effectifs de plus d’un quart, ajoute Brian. Et certains patients, qui arrêtent de prendre des traitements, voient leur charge virale augmenter, ce qui accroît les risques de transmettre le sida. Le ministère de la santé a ordonné aux centres de soins de veiller à ce que personne ne soit discriminé ou ne se voie refuser des services médicaux. Mais cela n’a pas réussi à rassurer ceux qui travaillent sur le terrain.
« Si rien n’est fait pour l’annuler, nous allons assister à une augmentation des infections », poursuit Richard Lusimbo, directeur général du Uganda Key Populations Consortium, une association de défense des droits humains.
L’Onusida et le Fonds mondial de lutte contre le sida, la tuberculose et le paludisme ont notamment averti que les progrès de l’Ouganda dans la lutte contre le sida sont « gravement menacés » par cette nouvelle législation. Mais le directeur général des services de santé ougandais, Henry Mwebesa, assure à l’AFP que le pays est « sur la bonne voie pour mettre fin au sida en tant que défi de santé publique d’ici à 2030 ». « Contrairement à certaines allégations exagérées, les services sont assurés sans discrimination », soutient-il.
Mais, même si la loi est abrogée, le mal est fait, selon Brian, qui affirme que les Ougandais « se sont radicalisés » et que la législation a « renforcé l’homophobie ». « Il nous faudra de nombreuses années pour réparer les dégâts. Il faudra beaucoup de temps pour rétablir la confiance. ».