Entre paillettes et forces de police : Au cœur de la communauté LGBTQ sans-abris de N.Y.

Au cœur même de Manhattan, immense melting-pot qui a vu naître dans ses rues une quantité infinie de sous-cultures, un nombre important de jeunes gays et trans se sont regroupés pour vivre dans la rue, forcés à quitter le cocon familial. Affiliée à la culture des ballroom et du voguing, cette jeunesse sans-abris était d’ailleurs au centre du documentaire Paris Is Burning, réalisé par Jennie Livingston en 1990.

Quelques décennies plus tard, force est de constater que le phénomène est toujours d’actualité, et le quartier new-yorkais de Christopher Street continue d’être le plus grand refuge de jeunes gays et transgenres de la Grosse Pomme. C’est à cette communauté LGBTQ que le réalisateur Elegance Bratton a voulu rendre hommage.

Dans son documentaire Pier Kids: The Life, le jeune Américain a suivi trois années durant DeSean, Krystal et Casper dans leur combat quotidien et leur quête d’identité. On y découvre que, s’ils sont effectivement couverts de gloire et de paillettes lorsqu’ils voguent sur scène, ils se retrouvent fatalement dans l’insécurité une fois les projecteurs éteints.

Un documentaire basé sur une expérience personnelle

Si Elegance Bratton est parvenu à capturer de façon si juste et si intense le quotidien de ces jeunes gens et à saisir tous les enjeux de leur vie dans la rue, c’est parce qu’il est lui-même passé par là. Dans une interview accordée au site The Fader, l’ancien SDF est revenu sur sa vie passée :

Quand je vivais dans le New Jersey, au moment où j’ai commencé à avoir des relations sexuelles, j’ai commencé à recevoir une pression énorme de la part de ma famille, qui voulait que je sois hétérosexuel – ce que je ne pouvais simplement pas être. Un jour ma mère m’a posé un ultimatum : “Prouve-moi que tu es hétéro, ou dégage d’ici.” Donc je suis parti. J’ai passé les dix années suivantes dans la rue, de canapé en canapé […] jusqu’à ce que je rejoigne la Marine et intègre l’unité des “Combats Camera” [soldats chargés de filmer sur le terrain, ndlr].

Quand je me suis disputé avec ma mère, j’avais 20 dollars en poche, et j’ai pris le train qui allait à New York City. Je suis tombé sur ces trois hommes noirs et gays qui riaient ensemble, se faisaient la lecture, s’envoyaient des vannes, qui étaient super bien habillés… on dirait qu’ils passaient le meilleur moment de leur vie. Et j’étais genre : “Ok, je vais les suivre“, et ils m’ont amené au port.

Quand je suis descendu à Christopher Street, je me suis retrouvé avec tous ces hommes gays et ces femmes trans, et ils étaient tous super excités de me voir. […] Je savais que je venais de trouver ce qui manquait à ma vie, cette impression d’appartenir à un endroit dans ce monde. […]

Cette idée de former une famille parce que tu as été abandonné par ta famille biologique t’aide vraiment à survivre – tu peux bouffer dans les poubelles, mais savoir que quelqu’un t’aime et que tu comptes pour lui, cela te donne un vrai avantage pour trouver ton chemin.

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