Son attirance pour les femmes lui valut le pire des châtiments : Denisse Freire a été violée et torturée dans l’une des ces cliniques proposant de «guérir» les homosexuels.
«Ils me torturaient avec des électrochocs, m’empêchaient de me baigner pendant trois jours, me donnaient à peine à manger, me frappaient beaucoup, me pendaient par les pieds», confie-t-elle. «Ils me disaient que c’était pour mon bien». La jeune femme a partagé ce calvaire avec quatre autres «patients» dans cet établissement, qui utilisait comme une façade le centre d’attention aux toxicomanes.
Après deux mois de cet effroyable traitement, qui comprenait des sévices sexuels, Denisse a réussi à prendre la fuite, mais a dans un premier temps gardé le silence. «Je n’ai rien dit, car ma mère était la responsable. Elle m’a dit qu’elle voulait juste me faire changer et pas que je subisse tout ça», explique-t-elle. Le cas de Denisse n’est pas nouveau. Les autorités équatoriennes reconnaissent qu’il s’agit d’un problème de grande ampleur, impliquant parfois des fonctionnaires.
La semaine dernière, une responsable du ministère de la Santé, précisément chargée du contrôle des cliniques, a été interpellée pour avoir dirigé ce type d’établissement. «Ce ne sont pas des cas isolés, nous sommes en présence d’une mafia, d’un réseau qui opère au niveau national», a dénoncé la ministre de la Santé, Carina Vance, elle-même ouvertement lesbienne et militante pour les droits de la communauté homosexuelle, lors d’une réunion avec les correspondants de la presse étrangère.
Dans ce pays andin de 15,8 millions d’habitants, il existe environ 200 centres de désintoxication pour drogués et alcooliques, dont à peine plus de la moitié, 120, disposent d’une licence, tous les autres étant illégaux, selon Mme Vance. L’an dernier, deux personnes sont mortes dans ce type de cliniques clandestines, désormais dans le collimateur des autorités.
La ministre a dévoilé d’autres type de maltraitance comme l’aspersion d’eau glacée ou la consommation de produits dopants. «Deux lesbiennes ont aussi dénoncé ce que ces cliniques appellent la thérapie sexuelle , qui consiste à être violée par un homme», a-t-elle décrit. Depuis mars 2012, 18 centres de désintoxication ont été fermés, dont 15 pour des cas de violations des droits de l’homme et trois pour infractions aux normes sanitaires.
La loi équatorienne autorise l’internement de force pour les toxicomanes, sous réserve de l’aval d’un juge, mais elle ne permet pas les traitements contre l’homosexualité, a rappelé la ministre. En juin dernier, Zulema Constante, une étudiante en psychologie homosexuelle de 22 ans, a ainsi quitté une clinique dans la localité de Tena (est), où elle avait été emmenée de force par sa famille.
Elle y a été enfermée, menottée et revêtue d’une camisole de force. «Je devais prier, on me donnait de la mauvaise nourriture, je nettoyais les toilettes avec mes mains», se souvient-elle. «On me disait que c’était mal d’être lesbienne», a-t-elle témoigné à la presse.
Durant son internement, Zulema a été déclarée comme personne disparue. Son amie avait alors lancé l’alerte avec une campagne à travers les réseaux sociaux qui a permis sa libération. Malheureusement, beaucoup de plaintes n’aboutissent pas dans ce genre d’affaires. «C’est parce que c’est la famille qui t’a retenu de force, et la question affective a un grand poids», explique Lia Burbano, membre du collectif lesbien «Mujer y Mujer».