Emprisonnée à six reprises de 1970 à 1973, Elianne/Enrique réclame aujourd’hui réparation. Mais les autorités s’obstinent à faire la sourde oreille.
Un «danger social»: c’est à ce titre qu’Elianne avait été enfermée à six reprises dans la prison madrilène de Carabanchel, de sinistre mémoire, entre 1970 et 1973. Alors transsexuelle, cette artiste de cabaret avait 17 ans lors de son premier séjour dans les geôles franquistes. Aujourd’hui Elianne – redevenue Enrique García Ruiz – tente d’obtenir l’indemnisation à laquelle ont droit les victimes de la dictature depuis 2009. Mais l’Etat ne veut rien savoir, malgré des démarches entamées en 2010. Dans un premier temps, les autorités avaient mis en doute son statut de transsexuelle (elle a dû renoncer à sa transition entre-temps). A présent, le Ministère de l’Intérieur a admis qu’Elianne avait bien été incarcérée, mais les documents attestant des motifs de ses arrestations auraient «disparu».
Un personne indemnisée sur mille
Dans le Madrid des années 1970, des rafles visaient les homosexuels, les travestis et les transsexuels. Arrêtés arbitrairement, ils tombaient sous le coup de la «Loi sur la dangerosité sociale». On estime à 100’000 le nombre de personnes incarcérées sous ce motif. Seules 111 ont été indemnisées à ce jour. Les compensations sont modestes: 4000 euros pour une peine de 1 à 6 mois, et 12’000 euros pour plus de 3 ans de prison. Les victimes ont jusqu’au 31 décembre de cette année pour réclamer des réparations.
Une députée socialiste à l’Assemblée de Madrid, l’actrice transsexuelle Carla Antonelli, a annoncé sa volonté de porter plainte contre le Ministère de l’Intérieur pour soustraction de documents. Elianne/Enrique, aujourd’hui âgé de 59 ans et chômeur, est soutenu par la Fondation 26-décembre, qui lutte pour les victimes de la «Loi sur la dangerosité sociale». Selon son président, Federico Armenteros, le cas d’Elianne n’est hélas pas unique. La majorité des personnes concernées, explique-t-il, «n’a aucun document qui attestent de leur peine de prison. Ils n’ont pas non plus accès à l’information ni ne savent où se tourner. En plus il n’y ont plus de temps pour récupérer ces données.»
» Sources: DosManzanas, lire également le portrait d’Elianne/Enrique dans «Público»