Le secrétaire général de l’enseignement catholique, Eric de Labarre, a dénoncé le 8 janvier 2013 le « procès d’intention en homophobie » et conteste qu’il y ait eu « la moindre faute » après la polémique au sujet des débats sur le mariage homosexuel dans les établissements catholiques.
On a franchement envie de rire. Confondre à ce point éducation, religion et droits civils… c’est de mauvais genre et un bien médiocre argument pour tenter de calmer le jeu.
Eric de Labarre est donc sorti de sa cure de silence. Présentée comme une initiative d’apaisement dans le débat qui oppose l’enseignement catholique et le ministre de l’éducation nationale, Vincent Peillon, la conférence de presse du secrétaire général de l’enseignement catholique, mardi 8 janvier, lui a surtout permis de rappeler sa position et de régler quelques comptes.
Si le courrier adressé à ses chefs d’établissement le 12 décembre 2012 pour rappeler que l’Eglise est opposée au « mariage pour tous » et suggérer de « prendre des initiatives » autour de ce thème était à refaire aujourd’hui, il le réécrirait « sans changer une virgule ». Et de un.
Au ministre qui l’avait accusé d’avoir fait « une faute », il a répondu un définitif « je conteste formellement avoir fait la moindre faute et je n’admets pas même avoir commis une maladresse ». Et de deux. Voire trois, puisque la « maladresse » était une réponse à l’éditorial de La Croix du lundi 7 janvier. Le Monde a aussi eu droit aux critiques sur un ton égal mais ferme. Laisser penser qu’il était aux ordres des évêques a sonné à ses oreilles comme « une atteinte » à sa « dignité ». « Vous faites de moi un homme servile par intérêt. Or, je vous affirme que la lettre a été écrite sans la moindre consigne des évêques », tient à préciser cet universitaire, maître de conférences en droit public, qui déteste qu’on mette en doute son libre arbitre.
« JE NE ME DÉGUISE PAS »
Cette crise, sur fond de « mariage pour tous », Eric de Labarre dit pourtant l’avoir vécue avec « distance », lui qui en a entendu d’autres ! Avant la direction de l’enseignement catholique, qu’il occupe depuis le 1er septembre 2007, il présidait aux destinées de l’Association des parents d’élèves de l’enseignement privé.
Son arrivée à la direction de l’APEL, en 1998, a été entachée d’une « campagne de calomnies » faisant de lui un catholique intégriste proche de l’extrême droite. « Ça a duré quatre mois, j’en ai beaucoup souffert. Mais cela m’a donné une carapace qui me permet aujourd’hui de vivre mes responsabilités avec sérénité. » Le fondement de ces rumeurs ? « Je suis plutôt un bon client pour ça : une particule, une épouse à particule, un fils prêtre à la Fraternité Saint-Pierre. Et en plus, je suis juriste dans une université qui n’est pas réputée de gauche [l’université Montesquieu-Bordeaux-IV]. »
Lucide sur son image, Eric Mirieu de Labarre – c’est son nom complet – désigne en parlant son costume bleu marine, Légion d’honneur à la boutonnière, et sa cravate impeccablement classique. Et ajoute avec un clin d’œil, « d’autant que je ne me déguise pas ! »
C’est vrai que cet homme de 58 ans, père de cinq enfants, est droit dans ses bottes, comme aurait dit le maire de Bordeaux, Alain Juppé, qui a demandé pour lui la Légion d’honneur. Certains définissent le personnage tout entier dans son rapport au droit, eu expansif. Comme si cette discipline était devenue constitutive de sa personne et de son approche des sujets.
A l’école catholique, il se démarque de ses prédécesseurs par ce regard que d’aucuns trouvent un peu aride, manquant d’un zeste de philosophie, d’anthropologie, parfois. Ou de pédagogie. Eric de Labarre sait que l’innovation pédagogique est une des richesses des écoles privées, la raison pour laquelle, à chaque rentrée, 40 000 enfants y restent sur liste d’attente. Pourtant, ce n’est pas un terrain sur lequel il s’est aventuré durant ses deux mandats.
CHANTIERS À MENER
On lui reproche parfois de mettre du temps à décider. En fait, c’est sa méthode : il s’appuie sur des réunions, des commissions et aussi sur une équipe rapprochée, et décide ensuite. « Ma plus belle réussite, c’est ce groupe de six personnes, avec ses liens forts, ses distances et ses complémentarités. » Des profils assez divers pour que sa dream team n’ait pas voté comme un seul homme au second tour de la présidentielle, ce dont il se félicite.
On ne saura pas s’il aimerait être prolongé à la tête de l’enseignement catholique. « Ce n’est pas moi qui décide », confie-t-il, comme si la sentence des évêques l’empêchait d’avoir un souhait. A quelques mois de la fin de son mandat, il estime avoir encore des chantiers à mener: regrouper certains de ses 8 300 établissements, offrir une meilleure gestion de carrière à ses personnels qui restent souvent dans un seul établissement.
Surtout, il doit achever la réécriture des statuts de l’enseignement catholique. Les précédents datent de 1992. Le préambule était écrit par les évêques et la centaine d’articles rédigés par l’enseignement catholique. Cette fois, tout doit être rédigé de concert. Le travail a commencé en août 2010 et va s’achever cette année.
L’enjeu est de taille et des voix se font entendre qui estiment que l’Eglise va profiter de l’occasion pour s’installer plus à l’aise. Dans le respect de la loi Debré de 1959 qui pose comme principe la double tutelle de l’Etat et de l’Eglise, bien sûr ! Eric de Labarre ne nie pas. S’il reconnaît que ces statuts ont un autre but plus pratique, il se réjouit aussi de « l’intérêt renouvelé des évêques pour l’école catholique ». Il rappelle d’ailleurs qu’il est responsable d’un des cinq grands services de l’Eglise. Une Eglise qui veut rechristianiser l’école privée, et ça lui va.
« Du temps des précédents secrétaires généraux, on n’aurait pas vécu des épisodes comme celui qu’on traverse aujourd’hui. » La phrase revient comme une rengaine dans la bouche de ceux qui ont connu ses prédécesseurs ou observent l’enseignement catholique depuis longtemps. Sans doute, mais Eric de Labarre est arrivé à la tête de l’enseignement catholique à un moment où l’école a été désignée comme terre de reconquête par le pape lui-même.