Des dizaines de femmes transgenres, notamment des personnes venues aux États-Unis, afin de demander l’asile en raison des abus auxquels elles sont confrontées dans leurs pays d’origine, sont enfermées dans des prisons ou dans des centres de détention gérés par les services de l’immigration dans des conditions semblables à des prisons à travers tout le pays, a déclaré Human Rights Watch dans un rapport publié ce 23 mars. Nombre d’entre elles ont été exposées à des agressions sexuelles et des mauvais traitements pendant leur détention, tandis que d’autres sont placées à l’isolement pendant une durée indéterminée.
« De nombreuses femmes trans arrivent aux États-Unis en quête de protection contre les abus violents dont elles font l’objet dans leurs pays d’origine », a déclaré Adam Frankel, coordinateur auprès de la division pour les « Droits des personnes LGBT » à Human Rights Watch et auteur de l’enquête. « Au lieu de cela, elles sont confrontées à d’autres mauvais traitements du fait de politiques de détention qui les exposent inutilement aux risques de violences et d’abus. »
Le rapport de 68 pages, intitulé « ‘Do You See How Much I’m Suffering Here?’: Abuse against Transgender Women in US Immigration Detention » (« ‘Voyez-vous à quel point je souffre ici ?’ : Abus contre les femmes transgenres placées en détention par les services d’immigration des États-Unis »), documente 28 cas de femmes entre 2011 et 2015.
Plus de la moitié d’entre-elles, auprès de qui Human Rights Watch a mené des entretiens, auront en effet été incarcérées dans des installations réservées aux hommes à un moment donné, ou placées à l’isolement, souvent supposément pour leur protection. La plupart de celles qui en ont fait l’expérience révèle un traumatisme et une détresse psychologique profonde.
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Sara V., une femme transgenre originaire du Honduras, a ainsi confié avoir été violée par trois hommes dans un centre en Arizona en avril 2014. Fuyant la violence des gangs et les menaces de mort dans son pays et elle a été placée en détention peu après son arrivée aux États-Unis. Lorsqu’elle a signalé l’agression, un gardien lui a répondu : « Vous [les femmes transgenres] êtes celles qui causent ces problèmes et attirent toujours l’attention des hommes. »
Gloria L, une autre femme transgenre également originaire du Honduras, a été placée à l’isolement pendant environ quatre mois dans un centre en Louisiane, à partir de décembre 2014. « Un gardien m’a dit qu’ [ils m’avaient placée à l’isolement] ‘parce que j’avais des cheveux longs et de la poitrine’ », a-t-elle indiqué. « L’un [d’eux] m’a dit qu’il était ‘fatigué de voir des pédés.’ Ils m’ont traitée comme un animal. »
Ces femmes ont expliqué qu’elles étaient forcées de dormir et de se doucher dans les mêmes espaces collectifs que des dizaines d’hommes, et que les gardiens refusaient souvent de les protéger et se contentaient de regarder sans intervenir lorsqu’elles étaient agressées.
En juin 2015, le gouvernement des États-Unis a annoncé un nouvel ensemble d’orientations visant à améliorer leurs conditions de détention, et donnant une priorité à leur placement dans des unités réservées exclusivement aux femmes transgenres. Cette nouvelle politique représente une avancée importante, mais les mesures prévues ne prévoient pas de mécanisme indépendant de surveillance garantissant qu’elles sont appliquées dans les centres de détention individuels, selon Human Rights Watch. Et, les politiques de détention actuelles continuent d’autoriser les autorités de l’immigration à placer des femmes transgenres dans des installations réservées aux hommes ou bien à l’isolement pendant des périodes indéfinies.
« Lorsque des femmes trans sont placées par l’État dans un établissement réservé aux hommes, elles sont envoyées tout droit vers les violences sexuelles », a déclaré Isa Noyola, directrice de programmes au Transgender Law Center (Centre juridique pour les personnes transgenres), et défenseure nationale éminente des femmes transgenres migrantes. « La plupart des membres de notre communauté ont dû perdre beaucoup, faire face à beaucoup de violence pour arriver ici, et être ensuite mises encore dans des situations où elles connaissent, quotidiennement, d’autres violences, cela ne va pas. »
Actuellement, une majorité des femmes transgenres détenues par les services d’immigration aux États-Unis sont placées dans une unité distincte de la prison de la ville de Santa Ana, dans le sud de la Californie. Les conditions seraient moins abusives mais ce n’est pas non plus un modèle de pratique responsable. Régulièrement soumises à des fouilles à nu humiliantes, nombre d’entre elles affirment également ne pas avoir obtenu des services médicaux appropriés, notamment un traitement hormonal substitutif.
« À tout le moins, le gouvernement des États-Unis devrait garantir que les femmes transgenres qui sont placées en détention le sont dans un lieu exempt de mauvais traitements, qui respecte et prévoit leurs besoins en matière de soins médicaux et de santé mentale », a conclu Adam Frankel. « Si le gouvernement n’a pas la possibilité ou la volonté de prendre les mesures nécessaires pour cela, il devrait s’abstenir complètement de placer des femmes transgenres dans des centres de détention de l’immigration. »