Etats-Unis Hispaniques, Noirs, homosexuels, nouvelles cibles du parti républicain

Inquiets de leur image de « vieux hommes rigides » et « riches », les républicains tâchent de faire peau neuve avec la présidentielle de 2016 en tête, et draguent désormais sans ambiguïté les minorités qui se sentent méprisées par le parti.

Sur 100 pages, le parti républicain a compilé lundi dans un rapport au ton volontairement brutal la liste de ses défauts avec une conclusion sans appel: « à moins de changer, il sera de plus en plus difficile pour les républicains de gagner une autre élection présidentielle dans un avenir proche ».

« Nous devons faire campagne parmi les Hispaniques, les Noirs, les Asiatiques et les gays pour leur montrer que nous nous intéressons aussi à eux », poursuit le rapport, dans lequel le mot « hispanique » apparaît 99 fois sur 100 pages.

Le président du parti, Reince Priebus, 41 ans, n’a pas le même pouvoir que ses homologues français, par exemple: les chefs de file du Congrès et les gouverneurs des Etats sont les vrais moteurs de la droite américaine.

Mais Reince Priebus dispose de ressources significatives pour financer des campagnes publicitaires et de terrain. Le parti va ainsi dépenser 10 millions de dollars cette année pour disséminer dans les communautés traditionnellement acquises aux démocrates des centaines de porte-paroles républicains.

Il a relevé que Barack Obama avait remporté 80% des voix parmi les communautés noire, hispanique et asiatique, et que ces groupes représenteraient plus de la moitié de la population d’ici 2050.

« Notre parti est décrit comme fermé, pas en contact avec la réalité, un parti de vieux hommes rigides. La perception que nous sommes le parti des riches, malheureusement, continue de croître », a-t-il déploré.

« Lifting » ou greffe d’organe?

Cette autocritique ne date pas de lundi. Dès le lendemain de la défaite de Mitt Romney face à Barack Obama en novembre, des chefs de file républicains se sont mis à travailler sur une réforme de l’immigration, avec à la clé une régularisation massive des quelque 11,5 millions de sans-papiers – une position qui aurait été impossible à tenir pour un candidat aux primaires républicaines de 2012.

La semaine dernière, à la conférence annuelle des conservateurs, près de Washington, de nombreux orateurs ont enjoint le parti à s’ouvrir pour se débarrasser de son image d’intolérance.

« Beaucoup trop de gens croient que les républicains sont anti-immigrés, anti-femmes, anti-science, anti-gay, anti-ouvrier », a lancé vendredi Jeb Bush, ancien gouverneur de Floride, petit-frère de l’ancien président George W. Bush et possible candidat à la Maison Blanche en 2016.

Les républicains estiment possible de recruter parmi ces catégories d’électeurs tout en restant fidèles à leurs valeurs conservatrices de liberté individuelle et de réduction du rôle de l’Etat.

« L’immigration n’est pas la priorité des Hispaniques. Dans beaucoup de sondages, l’économie est plus importante, et les républicains pensent qu’ils ont une carte à jouer dans ce domaine », estime Karlyn Bowman, du centre de réflexion conservateur American Enterprise Institute.

Selon Dotty Lynch, de l’American University, la franchise du ton employé est « sans précédent » mais « il faudra sûrement plus qu’un changement de ton », dit-elle à l’AFP.

« Ils essaient de se faire un lifting, alors que le parti a besoin d’une greffe d’organe », a commenté sur CNN Robert Zimmerman, un consultant démocrate.

L’ampleur de la rénovation, sur le fond et la forme, pourrait surtout dépendre de la bataille des primaires 2016 et de la personnalité que choisiront les électeurs républicains pour les représenter, parmi les candidats officieusement en lice: l’hispanique Marco Rubio, le « libertaire » Rand Paul, l’ultra-libéral Paul Ryan et Jeb Bush.