Divisée sur le mariage gay ou l’avortement, ébranlée par le scandale des prêtres pédophiles, la communauté catholique des Etats-Unis, quatrième au monde, voit l’arrivée d’un nouveau pape comme un moyen de « remettre les compteurs à zéro ».
Peu après la démission de Benoît XVI lundi, le président de la conférence américaine des évêques, le cardinal Timothy Dolan – dont le nom circule à la succession avec celui de Charles Chaput, l’archevêque de Philadelphie – a « prié l’Esprit Saint de nous donner un digne successeur pour s’attaquer aux défis du monde d’aujourd’hui ».
L’expression est suffisamment vague pour contenter les 65 millions de catholiques – soit près d’un habitant sur quatre et la première congrégation religieuse du pays – très divisés, notamment entre hiérarchie et fidèles, sur les questions sociales et les priorités de l’Eglise.
« L’élection d’un nouveau pape doit être l’occasion de remettre les compteurs à zéro », a affirmé à l’AFP James Salt, directeur de Catholics United.
« Trop d’évêques américains se sont polarisés sur des questions comme l’avortement ou le mariage homosexuel alors que les priorités sont la crise économique ou le changement climatique », estime le dirigeant de cette association progressiste.
Depuis plus d’un an, les évêques sont en effet le fer de lance de la contestation à la réforme de santé du président Barack Obama, qui inclut la contraception dans l’assurance-santé, comme ils sont en première ligne contre le mariage gay et l’avortement.
La hiérarchie a été également accusée et parfois condamnée pour avoir couvert les prêtres responsables d’actes pédophiles et traîné les pieds pour les remettre à la justice.
« Un pape médiateur »
« Nous espérons quelqu’un qui aurait l’expérience d’une paroisse, qui connaisse les joies et les luttes du catholique ordinaire », dit Soeur Florence Deacon, présidente de l’association des religieuses récemment en conflit avec le Vatican, qui leur a reproché des prises de position trop libérales.
Car les sondages montrent une communauté catholique plutôt progressiste avec 56% de catholiques pour le mariage gay, 53% pour que l’avortement reste légal et huit catholiques sur dix en faveur de la contraception, selon l’Institut PRRI.
Mais pour Carol Anderson, certains cardinaux sont trop progressistes et cette militante anti-avortement voit l’élection s’approcher « avec appréhension » à cause « de cette époque d’idées libérales », affirme-t-elle au sortir de la messe quotidienne à la basilique de Washington.
« Les divisions politiques dans le pays se reflètent de plus en plus chez les fidèles », note Stephen Schneck, directeur d’un institut de recherches à l’Université catholique d’Amérique et « de ce fait, les catholiques voudraient voir un pape qui n’accentue pas ces divisions mais au contraire serve de médiateur ».
Tous ont néanmoins l’air de s’accorder sur un point: le prochain pape ne doit pas être américain.
Les Etats-Unis « ont le pouvoir militaire, le pouvoir économique. Un pouvoir américain à la tête de l’église catholique ne semblerait pas juste à beaucoup de gens », estime Stephanie Niedringhaus, de l’association catholique Network qui oeuvre pour la justice sociale.
Même le cardinal Dolan n’y croit pas. « Je suis toujours en train d’envoyer un mot de remerciement à ceux qui m’ont félicité quand j’ai été nommé cardinal » l’an dernier, s’est-il amusé lundi devant la presse.