Cher Monsieur Mariton,
Je vous dis « Cher » parce qu’au fond, nous avons beaucoup de points communs. Nous avons à peu près le même âge. Vous êtes, comme moi, père de famille nombreuse, vous élevez, comme moi, vos enfants dans la foi catholique. Vous vivez la politique avec passion. Moi aussi.
Si je vous écris, c’est parce que, dans une récente déclaration vous avez affirmé qu' »employer le terme «mariage» pour l’union de couples de même sexe «abime» le mariage hétérosexuel. »
Etes-vous sûr de ce que vous avez dit là ? Avez-vous bien songé à la teneur de vos mots ? Oseriez-vous les redire ?
Je vais vous expliquer pourquoi je me permets de vous poser ces 3 questions.
Pour commencer, il faut que je me présente un peu plus : je suis catholique, profondément croyant et pratiquant. Ma position pour le comportement des homosexuels chrétiens est celui de l’Eglise. Cela veut dire que si j’avais été homosexuel, j’aurais choisi d’essayer de rester chaste et bien entendu célibataire. Quand je rencontre un(e) homosexuel(le) chrétien(ne), c’est cette voie-là que j’essaie d’encourager. Je ne me sens pas le droit du tout d’interdire à des homosexuels non-chrétiens de vivre en couple ou de se marier. La raison en est toute simple et a été très bien formulée par notre Pape François : « Qui suis-je pour juger ? » J’ai développé ce choix de comportement dans un autre billet de mon blog que vous pouvez lire ici : http://blogs.mediapart.fr/blog/thierry-peltier/280513/lettre-ouverte-labbe-grosjean-et-ceux-qui-le-suivent
Revenons à votre petite phrase :
1. Monsieur Mariton, pour vous, « le mariage pour tous abime le mariage hétérosexuel ». Aviez-vous bien en tête que pour nous, les croyants, le mariage n’est pas une institution d’hommes ? C’est une grâce divine. Ce magnifique cadeau de Dieu vient en droite ligne de sa Toute Puissance, de son Amour infini… Nul comportement humain ne peut « abîmer » ce don divin… sinon, il ne serait plus divin… évidemment. Tous les péchés des hommes depuis des siècles n’ont pu altérer en rien le mariage que mon épouse et moi, nous nous sommes conférés. Et il en est de même pour votre mariage et pour tous les mariages chrétiens. C’est l’essence même du mariage donné par Dieu.
2. Monsieur Mariton, pour vous, « le mariage pour tous abime le mariage hétérosexuel ». Puis-je vous demandez si vous dites la même chose du divorce ? Oseriez-vous dire que le « le divorce abime le mariage » ? Et pourtant, à bien y réfléchir, on pourrait beaucoup mieux le comprendre. Tout simplement parce que le divorce, c’est « séparer ce que Dieu a uni »… En divorcant, les époux mettent fin à l’amour reçu de Dieu. Est-ce bien le cas du mariage homosexuel ?
3. Monsieur Mariton, pour vous, « le mariage pour tous abime le mariage hétérosexuel ». Avez-vous pensé à la portée de vos mots… Ce que vous évitez de dire aux divorcés, vous le dites aux homosexuels. Vous les accusez d' »abimer », de salir… Vous les rendez coupables d’un crime que vous ne commettrez jamais puisque, comme moi, vous êtes hétérosexuel. Ainsi, vous jetez sur eux l’opprobre, la culpabilité, la mise à l’écart… Cela porte un nom, Monsieur Mariton : c’est de l’homophobie ! Et comme vous êtes un personnage public, en le disant, vous appelez à être homophobe, à réveiller l’homophobie qui dort peut-être en chacun. C’est indigne d’un croyant. Je crois savoir que vous avez choisi de vivre la religion juive de votre maman : jamais un Juif, un membre d’un peuple qui a vécu la Shoah, ne devrait dire votre phrase, ou même la penser. Non, la Bible ne nous autorise jamais à mettre quelqu’un à l’écart à cause de son identité ! Cela mériterait même de votre part des excuses. Songez qu’un de vos enfants aurait pu peut-être se découvrir homosexuel, que, devenu adulte, il ait choisi de se marier… Pourrait-il entendre de la voix de son propre père que ce mariage salissait celui de ses parents ?
J’aimerais vous entendre là-dessus, discuter calmement de cela, mais discuter en profondeur, sans slogan ou anathème… En laissant parler le cœur autant que la raison. C’est cela qui nous est demandé à nous, les croyants.
Je ne suis pas Français, je n’appartiens pas à l’UMP. Je n’ai donc pas à accepter ou à refuser votre candidature à la présidence de votre parti. Je vous souhaite cependant bonne chance dans ce chemin. Et, autant vous le dire, je ne serais pas fâché du tout si vous devanciez le candidat Sarkozy…
Je termine par cette petite phrase que Saint Jean nous distille dans sa première lettre :
« Car si notre cœur nous accuse, Dieu est plus grand que notre cœur, et il connaît toutes choses. »
Bien à vous
Thierry Peltier