L’ONUSIDA est montée au front (14 mars) sur les effets de l’homophobie et notamment les répercussions économiques, un angle rarement abordé. De nouvelles données montrent que les effets de l’homophobie et de l’exclusion coûteraient des milliards de dollars aux économies. Explications
Mi mars, la Banque mondiale organisait une table ronde consacrée aux conclusions d’une nouvelle étude qui a élaboré et testé un modèle économique afin de mesurer le coût de l’exclusion des minorités sexuelles. Les intervenants de cette table ronde ont également débattu des « implications plus larges d’une nouvelle vague de lois punitives adoptées dans certains pays du monde ». Comme l’explique l’ONUSIDA dans un communiqué : l’étude montre qu’en Inde, où l’homosexualité est un crime et où aucune législation protectrice n’existe pour les personnes LGBT, le pays perdrait jusqu’à 1,7 % de son PIB sur un an en raison de l’homophobie et de l’exclusion des personnes LGBT. La perte de productivité de travail et de production en raison de la discrimination à l’emploi, ainsi que les années de vie perdues à cause d’un décès prématuré ou d’un handicap généreraient des coûts jusqu’à 31 milliards de dollars rien qu’en Inde.
Des discriminations hostiles à la lutte contre le VIH
Ces estimations préliminaires sont le résultat de travaux d’instituts de recherche publics américains de première envergure. Les intervenants ont souligné la nécessité de disposer en permanence de données et de preuves solides de l’impact de l’exclusion sur le développement, ainsi que la nécessité constante d’une mobilisation de la communauté internationale pour protéger les groupes marginalisés et leur éviter d’être exclus du développement et de la santé, avance l’ONUSIDA. Le docteur Luiz Loures directeur exécutif adjoint de l’ONUSIDA faisait partie des participants. Pour lui : « Les lois punitives affectent nos efforts pour mettre un terme à l’épidémie de sida et ont un impact sur les économies des pays. Des ripostes inclusives fondées sur les droits sont les marques de fabrique de la riposte au sida et offrent des plates-formes sur lesquelles s’appuyer. Il nous faut plus de preuves et de données pour convaincre les décideurs et la classe politique de la nécessité de traiter les questions relatives aux LGBT et à l’homophobie, afin de garantir la protection des droits humains et un accès équitable à la santé et au développement ».
Des lois qui déteignent sur la société en général
« Le problème, ce ne sont pas seulement les lois punitives et discriminatoires, mais aussi le fait que ces lois exercent un impact sur les attitudes au sein de la société en général. Le rôle des communautés dans l’évolution des valeurs et la promotion de la justice pour tous est immense », a, pour sa part, noté Edward Greene, l’envoyé spécial du Secrétaire général des Nations Unies pour le sida aux Caraïbes. Directrice exécutive pour les pays baltes et scandinaves, membre du Directoire de la Banque mondiale, Satu Santala considère que « la protection des droits humains et l’émancipation des personnes sont essentielles pour renforcer les résultats économiques et le développement durable ». Pour elle : « L’étude sur le coût économique de l’homophobie et de l’exclusion des LGBT (…) est un exemple manifeste de l’importance de s’intéresser aux implications économiques de l’homophobie et de l’exclusion afin de mieux savoir comment travailler sur la réduction de la pauvreté et le développement inclusif ». Vision plus large, plus axée sur l’universalité des droits humains avec Fabrice Houdart, chef de l’équipe Orientation sexuelle, identité de genre et développement de la Banque mondiale (organisateur de l’événement) : « Chaque fois qu’une fille est déscolarisée au Pakistan, chaque fois qu’un homme contracte le VIH dans une relation sexuelle avec un autre homme et chaque fois que la communauté rom est diffamée, c’est la société entière qui en paie le lourd prix. L’exclusion des minorités sexuelles n’est pas seulement une tragédie humaine, c’est aussi une atteinte économique significative auto-administrée, et c’est pourquoi nous devons, à la Banque mondiale, entendre leurs voix ».
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