Existrans : à quand un changement d’état civil gratuit pour les trans et les intersexes ?

L’un des points centraux dans la liste des revendications de l’Existrans est le changement libre et gratuit de la mention de sexe sur l’état civil. Sans cet élément décisif, les personnes trans restent en proie aux discriminations : comment faire valoir un diplôme, louer un appartement, voyager, retirer un colis ou candidater à un poste sans des papiers conformes à votre identité ?

C’est dans un régime jurisprudentiel que de nombreux tribunaux français demandent toujours aux requérant-e-s d’établir la preuve du syndrome de « transsexualisme » (délivré au compte-goutte par des équipes médicales critiquées) et d’un traitement irréversible, largement entendu comme un traitement stérilisant, afin d’obtenir de nouveaux papiers.

Des jugements extérieurs qui doivent cesser

C’est contre cet arbitraire et pour combattre les discriminations qui en découlent que Coline et Jules, porte-paroles de l’Existrans soutiennent l’idée « d’un changement d’état civil et gratuit, c’est-à-dire la nécessité de mettre en place en urgence des procédures de changement d’état civil simples, rapides, accessibles à toute personne qui en exprimerait le besoin sur la seule foi de son libre consentement ».

« Derrière cette revendication se cachent beaucoup des problématiques qui nous préoccupent », poursuivent-ils : « Bien sur le besoin quotidien de justifier de notre identité administrative peut constituer un obstacle insurmontable dans notre vie. Mais derrière ces enjeux concrets, tout jugement extérieur sur la ‘validité’ de nos identités et de nos corps sera toujours une violence ».

Ces « jugements extérieurs » dont parlent Coline et Jules nous rappellent qu’en France, les parcours de transition sont encore trop souvent soumis au contrôle de la psychiatrie, qui en délimite les contours. Pour les deux porte-paroles « la soumission de nos identités à un quelconque jugement extérieur est aussi une caution donnée au pouvoir de psychiatres et de médecins pressés de nous faire rentrer dans leurs cases normatives ».

L’Argentine, un modèle exemplaire

Alors que l’Argentine, l’Espagne et le Danemark viennent de promulguer des lois pour faciliter les démarches des personnes trans, la France reste immobile.

« L’Argentine avait ouvert la voix il y a deux ans avec une loi très ambitieuse qui se donnait pour objectif de protéger toute personne de discriminations vis-à-vis de l’identité de genre, garantissant notamment l’accès aux soins et l’accès à la reconnaissance légale de son identité suivant une procédure déclarative très simple et rapide. C’est une loi exemplaire », selon Coline et Jules.

Le Danemark a plus récemment suivi cette direction en proposant un changement d’état civil déclaratif, c’est-à-dire dissocié de toutes démarches médicales ou psychiatriques.

La question intersexe, encore plus invisible

Le collectif Existrans a également travaillé avec l’OII (Organisation internationale des intersexes) afin que soient aussi pris en compte les revendications des personnes intersexes.

En France, les enfants intersexes sont le plus souvent assignés chirurgicalement à un sexe afin de faire correspondre leur corps aux normes de genre en vigueur. Sans consentement, l’enfant subit alors « le scalpel de la norme » pour reprendre les mots de Judith Butler.

Contre ces pratiques médicales mutilantes, l’Existrans demande alors « l’arrêt immédiat des opérations et des mutilations sur les enfants intersexes, l’accompagnement psychologique de leurs parents et l’accompagnement à l’auto-détermination des intersexes ». Plus encore que les questions trans, les problématiques intersexes manquent toujours cruellement de visibilité.

À la veille de l’Existrans, quelques élus de gauche semblent de nouveau se soucier de cette question. Ce n’est pas sans inquiéter Coline qui rappelle dans une chronique publiée sur le site de Yagg que les demandes de l’Existrans ne semblent toujours pas avoir été entendues par le législateur.

« En un an, en deux ans, en dix-huit ans, rien n’a changé », rappelle le communiqué de presse de l’Existrans. La marche de ce samedi tentera une nouvelle fois de faire bouger les lignes.

Par 
Sociologue