Comme tous les enfants, ceux qui grandissent dans une famille homoparentale s’interrogent sur la façon dont on fait les bébés. Les réponses sur les origines diffèrent-elles vraiment? Points de vue de parents et d’une pédopsychiatre.
Quand on questionne les parents homosexuels sur leur recours ou non à la fameuse métaphore de la petite graine, la plupart répond qu’ils y auront bien recours lorsque les premières questions surgiront. Cependant, cette image sera agrémentée de quelques nuances selon leur parcours ou leur profil familial (Procréation Médicalement Assistée (PMA), Gestation Pour Autrui (GPA), adoption, co-parentalité…). Leurs explications seront probablement aussi variées qu’il y a de configurations.
Ne pas vivre dans le mensonge
Elodie, enceinte de son premier enfant suite à une PMA, et sa compagne, ont d’ores et déjà rôdé leur discours grâce aux questions d’enfants de leur entourage s’interrogeant sur leur future maternité. « Je réponds que, pour faire un bébé, il faut la petite graine d’une dame et la petite graine d’un monsieur. Nous, il nous manque la petite graine du monsieur. Mais il y a des messieurs qui se disent que tout le monde doit pouvoir faire des bébés, alors ces messieurs donnent leurs petites graines pour des dames comme nous, parce qu’ils savent que l’on va donner beaucoup d’amour au bébé. »
Tandis que pour Emmanuel et Sylvain, jeunes papas d’un garçon et d’une fille de 2 ans, il n’est pas question d’avoir recours à des explications trop métaphoriques, voire magiques. « Quand tu es homo, tu vis très jeune à partir d’un mensonge et tu ne peux donc pas te permettre d’être dans la magie. Aussi, très vite, tu dois préparer tes enfants à affronter une certaine réalité. De fait, les explications seront probablement plus directes que pour une famille classique. »
Cette légère précocité dans l’usage de mots plus concrets est confirmée par le Docteur Florence Morel-Fatio, pédopsychiatre: « Les homoparents ne peuvent et ne veulent pas faire croire à leur enfant qu’il est le fruit de leur engendrement. La différence dans le mode de conception est effectivement d’emblée évoquée, avec des mots adaptés en fonction de l’âge de l’enfant. »
D’ailleurs, dans la plupart des cas, les enfants auront également tendance à poser des questions plus tôt que la moyenne en se fondant sur l’observation de leur quotidien. « L’enfant va poser des questions à ses parents lorsqu’il accède au langage sur ‘pourquoi, moi, j’ai pas de maman’ ou ‘pas de papa?’ Les parents ont souvent anticipé ces questions et trouvé des réponses », souligne le Docteur Florence Morel-Fatio.
En tout état de cause, mieux vaut être le plus simple possible et répondre aux questions de son enfant tout en gardant à l’esprit qu’il est important d’insister sur le fait qu’un enfant, quelle que soit son origine, est le fruit de l’amour.
Des outils sur lesquels s’appuyer
Certains parents font le choix de constituer de véritables archives composées de photos, vidéos, documents écrits retraçant toute l’histoire ayant mené à la naissance. Ainsi, Robert explique avoir installé dans la chambre de ses jumeaux, aujourd’hui âgés de 8 ans, « un album photo numérique qui raconte leur vie, de la conception à l’âge de deux ans ». « Comme nous avons eu des jumeaux par maternité pour autrui avec donneuse d’ovule connue, les photos de leurs mamans y apparaissent en bonne place », ajoute-t-il.
Par ailleurs, bien qu’étant largement moins nombreux que les livres classiques, il existe quelques ouvrages destinés à épauler les homoparents dans leurs explications aux plus jeunes: Jean a deux mamans par Ophélie Texier, aux éditions L’Ecole des Loisirs, ou Tango a deux papas et pourquoi pas? par Béatrice Boutignon, aux éditions Le baron perché. Les familles homoparentales qui éprouvent quelques difficultés à répondre à ces questions peuvent également s’appuyer sur le soutien d’associations telles que l’APGL, l’Association de Parents et futurs parents Gays et Lesbiens.
Finalement, quand on lui demande quelle différence fondamentale il y a entre les réponses apportées par des parents hétérosexuels et celles des parents homosexuels, le Docteur Morel-Fatio, pédopsychiatre, conclut « qu’il n’y a pas de différence fondamentale dans les réponses, mais des réponses différentes parce que les configurations familiales, les conceptions et les histoires sont différentes et singulières. »
Par Benjamin Buhot
lexpress.fr