HOMOPHOBIE – Cela dure depuis plusieurs mois. De longs mois. Les pires mois de ma vie. De ma vie, et de celle de bon nombre de gens.
Depuis plusieurs mois, que ce que je suis est déshumanisé, insulté, injurié, calomnié, dénigré, diffamé, pointé du doigt. On me vomit, on me roule dans la boue, on me frappe, on me crache au visage. On me traite comme un objet dans les deux plus grandes institutions de la démocratie, et comme un monstre dans la rue.
J’ai lu des gens qui prônaient la re-pénalisation de ce que j’étais, et d’autres qui disaient que ce que mon amour, aberrant, remettait en cause les fondements même de l’humanité.
J’ai entendu des gens qui scandaient que je pervertissais la société et d’autres que j’abîmerai les enfants.
J’ai vu des gens défiler par milliers contre l’octroi de mes droits, et d’autres défoncer la gueule de ce que j’étais.
J’ai lu, entendu et vu tellement d’horreurs que j’ai fini par en pleurer.
Parce que depuis plusieurs mois, on me meurtrit. Et « plusieurs mois », c’est long.
Ce n’est même pas qui je suis qui est rejeté, mais ce que je suis.
Depuis plusieurs mois, je ne suis même plus considéré comme quelqu’un.
Depuis plusieurs mois, je suis les homosexuels.
Je n’aurais jamais imaginé que l’on puisse à ce point détester quelque chose. D’autant plus quand ce quelque chose est quelqu’un. Je suis haï pour quelque chose qui à la fois me définit et qui pourtant n’est rien.
Depuis plusieurs mois, du coup, je souffre. Epidermiquement.
Au début, je me sentais très seul. Seuls ceux que j’étais partageaient ma souffrance.
Parce que j’avais beau être comme tout le monde, acheter des vêtements, manger des cheeseburgers, prendre le métro pour aller travailler, avoir été amoureux, et faire pipi comme tout le monde; être homosexuel, c’est aussi comprendre que tous ceux qui ne le sont pas ne comprenaient pas.
Ils ne comprenaient pas ta tristesse, ta colère, ce qui t’arrive, que tu pleures devant eux. Ils ne comprenaient pas pourquoi tu souffres de toute cette haine.
J’ai pensé à mes potes juifs, à mes potes musulmans, à mes potes noirs, à mes potes filles, à tous ces gens qui sont ou furent rejetés pour ce qu’ils sont, eux aussi.
Mais il fallait être homosexuel pour comprendre à quel point ce rejet, cette violence ambiante était abjecte. Ou parent d’homosexuel, comme l’a si bien exprimé mon père.
Puis, les choses sont allées crescendo.
Les fameux « anti » ont pris confiance. Leurs propos homophobes sont devenus banalisés, normalisés; ils ont donc continué.
Le pays s’est alors retrouvé pris en otage entre la violence et les menaces du GUD, les intimidations et le harcèlement du « Printemps Français », l’instrumentalisation de ces enfants, tant défendus, du « Collectif pour l’enfance », la désobéissance des règles de la « Manif’ pour Tous », et autres tricheries, tromperies, blocages et réveil à l’aube.
Les pays alentours nous regardaient horrifiés quand la haine et la terreur s’installaient dans le nôtre. Si un ministre ou un député n’était pas en sécurité, qui l’était?
Et alors que le Sénat venait de voter contre la motion référendaire, je savais que ce n’était pas fini. Je savais que j’allais encore lire, entendre et voir des horreurs, plus horribles encore que celles auxquelles j’avais pu assister jusqu’alors.
Mais dorénavant, je n’étais plus seul. Ils étaient allés trop loin. J’assistais enfin à un réveil.
Les gens prenaient enfin conscience qu’il ne s’agissait pas de l’expression d’un point de vue. C’était bien de la haine pure. Le discours « pacifiste », « homophile » de Frigide Barjot ne fonctionnait plus. Les gens n’étaient plus dupes.
« Les pédés au bûcher » était de retour. En pire.
Au final, après avoir réussi ce tour de force qui fut de banaliser l’homophobie, les « anti » se tiraient dans le pied en passant à l’étape supérieure et révélant leur vrai visage.
Continuez, pourris d’homophobes. Vous vous tuez tous seuls.
Thierry Heems