Faut-il légaliser le mariage homosexuel ?

Au-delà du symbole, c’est l’ensemble du droit de la famille et de la filiation qui est concerné par l’ouverture du mariage aux personnes de même sexe.

« Souriez, vous êtes mariés ! » Si François Hollande est élu, les couples homosexuels pourraient bientôt être autorisés à échanger leur consentement conjugal devant monsieur le maire. Le candidat socialiste s’est en effet engagé à faire voter une loi autorisant le mariage homosexuel. Nicolas Sarkozy se déclare pour sa part hostile à l’idée d’inscrire dans le Code civil une nouvelle définition de la famille, et propose d’étendre les avantages successoraux et fiscaux des couples mariés aux couples homosexuels pacsés.

La tentative de légaliser le mariage homosexuel n’est pas nouvelle. Le groupe socialiste avait, en juin 2011, déposé une proposition de loi dans ce sens. « Il n’est ici question que d’ajouter un droit nouveau, non de réduire les droits des couples mariés hétérosexuels », avait souligné Patrick Bloche, l’un des initiateurs du pacs. Mais le groupe UMP et le Nouveau Centre s’y étaient opposés.

« Ouvrir la porte aux mariages polygamiques »

Aucun obstacle constitutionnel ne s’oppose à l’inscription du mariage homosexuel dans le Code civil. Il est « à tout moment loisible au législateur d’adopter (en la matière) des dispositions nouvelles dont il lui appartient d’apprécier l’opportunité », ont dit les Sages à l’occasion d’une QPC présentée par un couple de femmes souhaitant convoler. Elles contestaient la constitutionnalité de l’interdiction du mariage homosexuel, mais leur demande avait été rejetée (décision du 28 janvier 2011). Quant à la Cour européenne des droits de l’homme, elle considère que « les autorités nationales sont mieux placées pour apprécier les besoins sociaux en la matière et pour y répondre, le mariage ayant des connotations sociales et culturelles profondément ancrées qui diffèrent largement d’une société à l’autre ».

En clair, la définition du mariage est entre les mains du législateur français. Cela se réduit-il à un simple coup de griffe dans le Code civil ? Pour Jean Hauser, professeur de droit à l’université de Bordeaux, deux pistes sont envisageables : la première possibilité est de construire un système spécifique de filiation au moyen de l’adoption, celle-ci permettant en effet d’établir tous les liens possibles de filiation. La personne qui adopte l’enfant de son « conjoint » pourrait alors partager avec lui l’autorité parentale. Le droit actuel ne reconnaît en effet d’autorité juridique conjointe sur les enfants adoptés qu’au sein des couples mariés, ce qui signifie que l’adoption par le concubin du parent biologique fait perdre à ce dernier son autorité parentale. La deuxième possibilité est d’unifier le droit de tous les couples mariés, ce qui suppose de rayer toutes les dispositions du Code civil faisant référence à la différence des sexes (ex. : action en recherche de « maternité », présomption de « paternité »). « Cette deuxième piste revient à établir un système de filiation asexuée qui ne repose plus sur la biologie, mais sur la décision des individus. Mais dire qu’une famille est uniquement fondée sur la volonté sans référence au sexe, c’est ouvrir la porte aux mariages polygamiques… », prévient Jean Hauser.

Mariage à l’étranger

Derrière le symbole ou l’étiquette du mariage, c’est l’ensemble des droits attachés à l’homoparentalité que convoitent les associations de défense des homosexuels. Reconnaître l’homoparentalité, c’est notamment accepter d’étendre aux deux parents l’autorité parentale attachée au seul parent biologique. Actuellement, seule une rustine juridique, la « délégation partage de l’autorité parentale », permet à l’autre « parent » de demander en justice la possibilité d’exercer certaines prérogatives de l’autorité parentale jusqu’à la majorité de l’enfant, un droit admis de plus en plus largement par la jurisprudence. C’est aussi l’égalité des droits dans l’accès à la parentalité, notamment au travers de l’adoption et de la procréation, qui est visée par les revendications des associations de défense des droits des homosexuels. « C’est l’ensemble du droit familial qui est concerné, souligne Jean Hauser. Il faudra notamment abroger l’interdiction des mères porteuses, puisque les hommes seront naturellement obligés d’y recourir. Il faudra abolir les restrictions à la procréation médicalement assistée (PMA) en ce qu’elle exige un homme et une femme. Il faudra encore modifier le droit de l’adoption, actuellement fermé aux couples pacsés, etc. » Et de s’interroger : « Est-ce que toute cette nouvelle législation prendra en considération l’intérêt supérieur de l’enfant au-delà des fantasmes des adultes ? »

En attendant l’adoption d’une loi, encore aléatoire, « on laissera les juges créer le droit, augure l’avocat Emmanuel Ludot. Les procureurs recevront l’instruction de la chancellerie de ne pas attaquer les mariages célébrés ici et là. » Par ailleurs, certains couples tentent leur chance à l’étranger. Une petite dizaine de pays dans le monde ont légalisé le mariage homosexuel (Belgique, Espagne, Norvège, Portugal, Argentine…). « Chacun de ces pays peut célébrer le mariage de ressortissants étrangers, mais le mariage de deux Français sera sans effet en France tant que la loi française n’est pas modifiée », précise Jean Hauser. Inutile, donc, de forcer la loi si celle-ci est imperméable. Les personnes faisant appel aux services d’une mère porteuse aux États-Unis le savent bien : elles ne peuvent pas faire reconnaître en France la filiation de l’enfant.

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