Fiertés Rurales a de nouveau pris ses marques à Chenevelles

Le 27 juillet 2024, avec le soutien de Stop Homophobie, se tenait les Fiertés Rurales à Chenevelles (450 habitants) dans la Vienne, qui pour la 3ème édition ont continué à mettre en valeur les personnes LGBT+ issues des campagnes, ainsi que l’action des élus locaux en faveur de leur bien-être, à l’image de Cyril Cibert, le maire du village.

Un évènement rural local au rayonnement national

A cette occasion était présent également un invité de prestige, en la personne de l’ancien chef de l’État, François Hollande (2012-2017), venu pour parler des questions de parentalité LGBT+ auprès des habitants, des visiteurs et des militants associatifs, parmi lesquels des adhérents de Bi’Cause, d’Aides, d’ADHEOS ou encore d’Amnesty International.

Des visiteurs venus en nombre des régions voisines

Cette année, au nombre de 2000, les participants présents venaient de tout horizon.

Richard : « Je vis à Preuilly-sur-Claise, un village de 400 âmes situé à 20 kms de Chenevelles dans l’Indre et j’ai 67 ans. J’étais déjà là lors de la première marche il y a 3 ans, alors cette année-ci, j’ai décidé d’y revenir. D’ailleurs d’année en année, je trouve que c’est mieux organisé et qu’il y a une bien meilleure communication ».

Vincent : « Je suis un rurbain de 35 ans qui habite dans la grande périphérie de Nantes et mon mari vient du Choletais. Nous avons tous les deux des attaches rurales et je suis assez sensible à l’écologie. Et c’est en partie ce qui m’amène ici outre la défense des droits des personnes LGBT+ ».

Robine : « J’ai 20 ans, j’habite Monthoiron et ce n’est pas très grand. Aujourd’hui, c’est la première fois que j’assiste à une marche des fiertés. Comme ma mère voulait venir et que des copines allaient passer, alors je suis venue également ».

Elliott : « Je trouve que Chenevelles offre un cadre champêtre qui contraste agréablement avec Angoulême où je réside présentement. A 29 ans, c’est la seconde fois de ma vie que j’assiste à une marche des fiertés ».

Amy : « J’ai 20 ans. Ca fait 15 ans que je vis à Chenevelles et ce n’est que très récemment que j’ai déménagé. Aussi, j’ai revu des gens avec lesquels j’ai grandis et passés mon enfance. Les voir nous encourager, nous applaudir ou nous filmer m’a vraiment touché. Et ça me fait plaisir de voir mon petit village qui ne nous rejette pas ».

Une matinée politique qui trouve écho chez une partie du public

Le dialogue sur la place du village, entre élus, avocats et habitants en compagnie de François Hollande n’a laissé indifférent personne. Elliott et Vincent qui ne sont pas de la même génération se sont sentis concernés chacun à leur manière.

Elliott : « Le temps d’échange du matin sur la place du village avec François Hollande, autour des enjeux portant sur l’accès à la gestation pour autrui (GPA), permet de mesurer qu’il y a une histoire des droits LGBT+ qui continue de s’écrire.

Je suis né en 1995 et sa prise de parole m’a permis de prendre conscience à quel point ma génération était redevable du combat de nos aînés.

Par exemple, jusqu’à ce matin, je n’avais pas idée que le PACS ait pu générer tant de crispations au sein de la société française en 1999.

C’est pourquoi même si cela peut sembler trivial à certains, il convient de rester mobilisés en faveur de la défense de nos acquis ».

Vincent : « Je suis dans un parcours d’adoption nationale dans le département de la Loire Atlantique avec mon mari. L’agrément dure 5 ans et il faut le faire renouveler. C’est un parcours du combattant.

D’autres formes de parentalités suscitent à présent mon intérêt et c’est pour cela que la gestation pour autrui doit être considérée comme une option parmi d’autres sans pour autant la rejeter. En fait, il faut dépassionner le débat et l’apaiser.

Avec mon conjoint, on réfléchit aussi à la coparentalité, tandis que sur la GPA, les échanges autour de François Hollande m’ont aidé à prendre du recul. Il ne faut pas se mentir, avant, j’étais totalement contre ».

Visibilité LGBT rurale et enjeux de sociabilité transgénérationnelle

Fiertés Rurales a permis de faire se rencontrer des générations de personnes LGBT+ qui n’ont pas l’habitude de se voir ou de se côtoyer autour d’un instant festif dans les campagnes. Tous louent ce constat.

Richard : « Dans la région, je connais d’autres gays et des lesbiennes qui vivent leur homosexualité sans communautarisme, en pleine symbiose avec le reste des habitants, même si hélas, il faut déplorer la persistance de gestes homophobes : insultes venant de voisins braillards, personnes qui se taisent quand on entre dans un bar, des regards appuyés en coin. Après quand on est homo depuis l’enfance l’on est vacciné contre cela. Tant que ça ne déborde pas un certain cadre, ça va ».

Amy : « Avant l’élection de Cyril Cibert, le maire actuel, les gens du village n’étaient pas très ouverts sur les questions de visibilité LGBT+. Mais grâce à lui, depuis qu’il a commencé son mandat en 2020, ça a créé une dynamique locale entièrement différente. Ainsi, les Fiertés Rurales nous offrent une parenthèse un peu hors du temps, où les gens du village sont connectés et sympas, ce qui n’est pas nécessairement le cas durant les périodes d’élections ».

Robine : « Pour appuyer ce que dit Amy, par contraste, à Monthoiron je dois cacher mon orientation sexuelle et mon identité de genre, puisque je suis bisexuelle et non-binaire. Or dans mon village ces sujets-là sont plutôt tus et notre maire n’est pas très appétent envers ces questions, notamment pour les changements de prénoms. Indirectement, ça m’incite à poursuivre mes études à Bordeaux et je vais devoir quitter mon Poitou natal, à partir de la rentrée ».

Richard : « Même si tout n’est pas parfait au quotidien, l’existence de la marche des fiertés de Chenevelles a la mérite de permettre à des gens de ma génération qui vivent isolés, sans famille, au placard, de pouvoir s’affirmer. Et en soi, il s’agit d’un service dont la valeur est inestimable pour des individus qui ont été habitués à devoir taire leur homosexualité toute leur vie ».

Vincent : « Avec mon mari, on est venu rejoindre un groupe de camping-caristes gays que l’on avait croisé sur Grindr l’an passé dans la région. Comme c’est sur le chemin de l’Espagne où nous nous rendrons après, Chenevelles représente pour nous une étape très festive ».

Un évènement qui se bonifie avec le temps

Enfin, les visiteurs relèvent des améliorations substantielles au niveau de la cohésion entre les habitants du village et de ses environs, le temps des Fiertés Rurales et même au-delà.

Amy : « On voit que les gens sont curieux et c’est un bon départ, alors que lors de la première édition, il y a eu du remous. Puis petit à petit quand certains ont compris que l’évènement allait s’installer dans la durée, ils ont commencé à changer de fusil d’épaule. Si les artisans du coin n’en profitent pas vraiment, les commerçants ou les hôteliers des environs profitent d’un afflux de touristes qui n’est pas négligeable pour la commune ».

Richard : « On ne peut pas dire que les Fiertés Rurales se tiennent une fois par an et qu’il n’en reste rien quand les badauds repartent. Au contraire, je trouve qu’au niveau des élus, ça a amené à une prise de conscience salutaire de la part de certains maires et édiles qui ont signé la charte d’engagement relative à l’accueil des publics LGBT+ dans les mairies ».

Vincent : « La marche des fiertés de Chenevelles conserve un aspect très militant que l’on ne retrouve plus guère à Nantes, où c’est un état d’esprit commercial qui a davantage pris le dessus. Aux Fiertés Rurales, il y a de nombreux stands animés par des bénévoles associatifs, alors qu’ailleurs la mobilisation s’émousse dans les villes moyennes de province.

De notre côté, mon conjoint et moi envisageons de revenir l’an prochain, en tant que bénévoles cette fois-ci, car ce lieu offre énormément d’authenticité ».