Fiertés Rurales : une initiative qui fédère des attentes autour des communautés LGBT+ dans les campagnes

A travers 3 témoignages, Fiertés Rurales dont la seconde édition organisée par Stop Homophobie va avoir lieu samedi, à Chenevelles dans la Vienne (451 habitants), fédère de nombreuses attentes autour des communautés LGBT+ et de l’acceptation des différences à la campagne, dans le centre de la France.

Alexandra, Sébastien ou Priscilla, vont tour à tour nous livrer leurs attentes, leurs ressentis ainsi que leurs implications quant à cet évènement tout nouveau dans le paysage des luttes pour l’égalité, alors que 2 ministres sont attendues ce samedi, Dominique Faure, ministre déléguée chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, ainsi que Bérangère Couillard, ministre déléguée auprès de la Première ministre, chargée de l’Égalité entre les femmes et les hommes et de la Lutte contre les discriminations.

Stop Homophobie : «Quelles sont tes attentes ?»

Sébastien C. : «Je suis steward sur les vols longs courriers d’Air France et je suis le président de l’association LGBT+ et gay-friendly du groupe Air France, Personn’Ailes. Je suis un rural et je ressens qu’il y a quelque chose qui s’y passe. D’ailleurs, sur mon lieu de travail, je rencontre plein d’hôtesses et de stewards LGBT+ qui vivent dans des hameaux de 200 âmes. Moi-même, je suis un élu dans un village de 1600 habitants, à Vigy en Moselle, où je ressens de l’acceptation de ma différence dans la ruralité. Pourtant, je vis dans une localité où les gens votent à 40% pour le Rassemblement National.

Chenevelles est en rouge (@IGN, 2015)

Enfin, je ressens que Fiertés Rurales est un évènement d’envergure national , alors qu’il s’agit d’un tout petit village qui joue le jeu à fond, avec tout le monde qui vient avec quelque chose à pouvoir agréger au projet, en apportant une véritable plus-value. Je repense encore au monsieur qui vient avec son drone afin de pouvoir filmer la pride des campagnes qui se déroulera ce samedi.

J’ai l’impression d’avoir 18 ans et je trouve cela vraiment magique. Même les ministères ont l’air de vouloir s’impliquer.

En définitive, je trouve que dans la ruralité, les rapports humains sont plus simples et moins compliqués et il est souvent plus facile qu’on ne le pense de pouvoir briser la glace. Je retrouve aussi une tolérance qui manque dans les grandes villes, alors qu’ici les gens vivent parfois dans des difficultés pas possibles, ce qui ne les empêche pas de se confier ou de partager leurs problèmes de couple avec un gay, par exemple.

Paradoxalement je dirais qu’en ville, j’avais plus de mal à être homosexuel».

Stop Homophobie : «Qu’est-ce qui fait de Fiertés Rurales un moment si unique ?»

Alexandra D. : «Je suis une bénévole hétérosexuelle de Stop Homophobie et l’an passé j’étais présente lors de la première fierté rurale. Ce qui confère à Fiertés Rurales son identité, c’est sa dimension intergénérationnelle, avec des couples, des familles ainsi que les aînés du village et de la région qui se mêlent à une foule de visiteurs venant parfois de bien plus loin.

Alexandra D.

Après, je ne suis pas une habituée des marches des fiertés et en dehors des Fiertés Rurales, je ne connais que la Pride de Los Angeles que j’ai été voir en juin de cette année.

Cependant, ce que je relève, c’est qu’en contexte urbain, les mœurs sont davantage individualistes, ainsi après la marche, le plus souvent les gens rentrent chez eux, tandis qu’ici, en plein coeur du Poitou, l’on est loin de chez nous et nous restons ici auprès des habitants du village. Et par conséquent, les liens que l’on noue avec eux sont différents et sont probablement plus authentiques.

En outre, la présence d’un bar, de food trucks et d’artistes qui se produisent au milieu d’un champ concourent à cette cohésion, afin que la fête se prolonge, car il n’y a pas les mêmes contraintes de circulation que connaissent les espaces urbains où les usagers de la voie publique et des modes de déplacement sont en concurrence.

Néanmoins, en ville ou à la campagne, lors des marches des fiertés, l’on retrouve les mêmes codes esthétiques et visuels autour de chars qui sont décorés et qui défilent dans une ambiance dansante et festive, avec la figure pittoresque de la traditionnelle drag-queen».

Stop Homophobie : «Comment vis-tu Fiertés Rurales ?»

Priscilla M. : «En tant que mère de famille de 5 enfants et mère au foyer né à Chenevelles, ayant toujours vécu dans la région, je le vis très bien, avec beaucoup d’enthousiasme. D’ailleurs, je remarque que je ne suis pas la seule, puisque l’on est nombreuses à venir des environs à vouloir venir prêter main forte au déroulement de Fiertés Rurales.

@Priscilla M.

Aussi, je m’implique en tant que maman, car si mes enfants venaient à m’annoncer leur homosexualité, je l’accepterais. On est tous égaux et il est important que les mentalités changent. Dans mon enfance à Chenevelles c’était un sujet tabou et l’on n’en parlait pas, ni en bien, ni en mal d’ailleurs.

Aujourd’hui, je trouve cela intéressant que l’on puisse porter ces sujets auprès de publics ruraux et non plus seulement dans les grandes villes. Dans nos territoires, il y a des gens en souffrance qui restent dans le silence car ils ne trouvent personne qui puisse les écouter et à cela, je voudrais à terme pouvoir remédier, afin que les personnes LGBT+ de nos villages se sentent moins isolées.

J’ai vraiment envie que Fiertés Rurales soit une réussite, car ça va apporter beaucoup de bien à Chenevelles. D’ores et déjà, l’on sent les habitants heureux de voir chaque jour du nouveau monde qui vienne nous voir».

Stop Homophobie : «Qu’est-ce qui te fait revenir ici cette année ?»

Sébastien C. : « A Fiertés Rurales, on est fier et on s’amuse bien, mais le message est plus profond que ça. Dans la ville, c’est le règne de l’anonymat où l’on peut vivre dans un « ghetto », un entre-soi, sans jamais devoir se mélanger au reste de la population, tandis que dans la ruralité on est obligé de se confronter à l’altérité et au dissemblable, en allant adresser la parole à son voisin.

@Sébastien C.

Je peux dire que j’ai connu les deux et avec le recul, je loue la culture de l’accueil de nos campagnes, ce que précisément l’anonymat ne permet pas de vivre. Et cette simplicité plaisante est saine, alors qu’à Paris, il fait bon être cynique et dire que tout va mal, même quand ce n’est pas le cas.

A Chenevelles, j’ai par exemple rencontré des gens qui traversent des difficultés, mais ils sont très positifs dans leur état d’esprit. A contrario, je viens d’un village proche du Luxembourg et par conséquent, les gens ont de l’argent, alors qu’ici je pense que certaines personnes tirent vraiment le diable par la queue.

Au final, si le monde rural a décliné au cours de ces dernières générations, il n’en reste pas moins un réceptacle d’un message universel d’acceptation et c’est aussi cela qu’il faut venir célébrer samedi».