Le succès de l’introduction en Bourse de Twitter incite à rappeler quelques évidences, alors que ce réseau social vante à cette occasion son exemplarité et son respect des lois, en entonnant la mélodie de la RSE aux oreilles complaisantes des analystes financiers.
En vérité, Twitter est devenu une vaste basse-cour numérique, voire une gigantesque poubelle d’où s’échappent les relents les plus nauséabonds (exemples : les récentes injures racistes à l’encontre de la Garde des Sceaux, et les déferlantes de haine que les hashtags #SiMaFilleRamèneUnNoir et #SiMonFilsestUnGay ou autres #UnbonJuif). On atteint un paroxysme avec la polémique déclenchée par Dieudonné et alimentée par Manuel VALLS.
Le racisme, la xénophobie, l’antisémitisme et l’homophobie ont fait leur nid chez Twitter.
Certes, Internet est un miroir de notre société.
Certes, les discours racistes, antisémites et homophobes ne suscitent pas toujours une condamnation morale, politique et judiciaire à la hauteur des enjeux.
Certes Internet (et pas seulement Twitter) favorise l’expression anonyme, se révèle être le paradis des lâches qui se cachent derrière un pseudonyme, une zone apparente de non-droit où l’on peut dire, écrire ce que l’on veut sans risque d’être inquiété par le juge.
Notre Etat de droit est-il condamné au silence ? Doit-il demeurer impuissant ? La réponse est assurément négative.
En effet, le code pénal interdit et sanctionne les discriminations de la façon la plus radicale :
- Aux termes de l’article 225-1 du code pénal est prohibée « Toute distinction opérée entre les personnes physiques à raison de leur origine, de leur sexe, de leur situation de famille, de leur grossesse, de leur apparence physique, de leur patronyme, de leur état de santé, de leur handicap, de leurs caractéristiques génétiques, de leurs mœurs , de leur orientation ou identité sexuelle, de leur âge, de leurs opinions politiques, de leurs activités syndicales, de leur appartenance ou de leur non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée ».
- La provocation à la discrimination est sanctionnée par l’article 24 de la loi 29 juillet 1881 sur la presse, qui réprime d’un an d’emprisonnement et de 45 000 euros d’amende ou de l’une de ces deux peines seulement « ceux qui auront provoqué à la discrimination, à la haine ou à la violence à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison:
- de leur origine ou de leur appartenance ou de leur non-appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminées…
- de leur sexe, de leur orientation sexuelle ou de leur handicap… »
- l’article 33 de cette même loi sanctionne notamment les injures à caractère raciste, homophobe ou fondées sur l’appartenance à une religion identifiée, d’une peine de six mois d’emprisonnement et de 22 500 euros d’amende.
Bref, l’arsenal répressif existe et offre toute possibilité aux procureurs de la République d’engager les poursuites pertinentes ; l’on ne peut d’ailleurs que s’étonner du silence judiciaire eu égard à la gravité et la récurrence des infractions commises.
Par son laxisme dissimulé sous les plumes de la liberté d’expression, Twitter permet aujourd’hui la violation de la loi et la discrimination raciale, antisémite et homophobe et se rend complice des infractions visées ci-dessus. Cela ne peut plus durer, compte tenu de l’impact et de la diffusion de ce réseau social.
Le petit oiseau bleu est devenu un volatile gras et replet qui doit rendre des comptes. Twitter, qui a créé une filiale en France, personne morale de droit français, doit faire respecter la loi française sur son site ou à défaut, s’expose en connaissance de cause au couperet de la loi.
Madame la Garde des Sceaux, Mesdames et Messieurs les Procureurs, agissez ou nous aurons de plus en plus d’enfants de 12 ans qui agiteront des bananes ou iront se rendre hilares aux spectacles de Dieudonné…
Emmanuel Daoud – Avocat
http://www.huffingtonpost.fr/emmanuel-daoud/liberte-dexpression-twitter_b_4568055.html