Dans cet entretien, le député de Seine-et-Marne développe des arguments passionnants qui devraient interpeller tous les dogmatismes.
Vous êtes nombreux, à droite, à défendre le mariage pour tous ?
Chez les parlementaires, il y a Jean-Louis Borloo, Chantal Jouanno, Yves Jego, Jean-Christophe Lagarde de l’UDI qui vont voter pour. À l’UMP, pour l’instant, je suis le seul à avoir dit que je voterai pour. Mais, manifestement, je ne serai pas le seul, soit à voter pour, soit à s’abstenir. Ils attendent. Ils n’ont peut-être pas pris autant que moi le temps de réfléchir à ces questions-là. Au-delà des parlementaires, il y a de plus en plus de responsables politiques qui s’expriment. On a vu Franck Louvrier (ex-conseiller communication du président Sarkozy, NDLR) dire qu’il était favorable. Et je vois aussi, sur Twitter, sur Facebook, sur Internet, de plus en plus de sympathisants me disant : « On est favorables, on ne veut plus simplement entendre une UMP un peu radicalisée, on veut aussi entendre des gens pour, parce que nous-mêmes, on est favorables ! » J’ai reçu un message exceptionnel d’un jeune me disant : « Monsieur Riester, sachez qu’on est nombreux derrière vous. Moi, je vais défiler le 27 et j’aurai une pancarte : je suis de droite, je suis hétéro et je suis pour le mariage homo ! »
Mais il y a quand même eu 500 000 personnes dans la rue…
Bien sûr qu’il faut les prendre en compte. Mais cette manifestation a aussi interpellé ceux qui étaient favorables au texte. En se disant : on est de droite, certes, mais on ne dit pas ça ! Et puis, quand on voit, dans les sondages, qu’il y a 60-70 % des électeurs de droite qui sont contre, ça veut dire qu’il y en a 30 ou 40 % à droite qui sont favorables. Ca fait énormément de personnes qui ont besoin, à un moment donné, que leur voix soit incarnée par quelqu’un.
Quelle a été la réflexion qui vous a conduit à être pour ce projet ?
On doit donner la possibilité à chaque couple, qu’il soit hétéro ou homosexuel, d’avoir accès au même type d’union souhaitée : soit l’union libre, soit le pacs, soit le mariage, avec un degré d’engagements, de droits et de devoirs, différent. Le mariage, c’est l’union la plus forte, avec l’engagement le plus fort. J’y suis favorable, parce que ça représente des droits nouveaux pour certains, de protection pour le conjoint, en termes patrimoniaux et extrapatrimoniaux, de pension de réversion, de succession, sans enlever rien aux autres. Pour un hétérosexuel qui se marie, il n’y aura aucun changement après le vote de la loi ! Sous quel prétexte on pourrait empêcher des gens d’avoir les mêmes droits que tout le monde, alors que l’on ne retire rien à ceux qui en bénéficient déjà ?
Mais est-ce que ce n’est pas davantage le droit à l’enfant plutôt que le droit de l’enfant ?
Aujourd’hui, le droit à l’enfant existe déjà. Sinon, il n’y aurait pas de PMA ni d’adoption pour les hétérosexuels. Au contraire, j’insiste beaucoup sur le droit ces enfants, sur la dimension filiation, c’est important, parce qu’aujourd’hui il y a des dizaines de milliers d’enfants qui grandissent dans des familles homoparentales et qui n’ont pas les mêmes droits que les autres. Si un parent naturel vient à décéder, par exemple, et bien le parent social n’a aucun droit sur l’enfant. Discutez-en avec les notaires : il y a des situations dramatiques aujourd’hui. Pourquoi empêcher tous les enfants de la République d’avoir les mêmes droits ?
Certains disent, le mariage, c’est la procréation.
Le mariage, ce n’est pas quelque chose d’intangible, qui doit rester la même chose pendant des siècles. Il n’y a pas encore si longtemps, les femmes ne pouvaient pas travailler ou choisir le lieu de résidence en dehors du mari. Il y avait des différences sur le divorce, l’adultère… Et on ne peut pas dire que l’on se marie pour procréer : un enfant sur deux naît hors mariage et un très grand nombre de personnes se marient sans vouloir ou sans pouvoir avoir des enfants. Une femme qui n’a plus l’âge d’avoir des enfants ne pourrait pas se marier ? Et ceux qui ont des enfants hors mariage vont parfois se marier après, pourquoi ? Pour sécuriser les enfants.
La logique de cette loi, c’est le droit à l’adoption – c’est dans le texte – mais aussi à la procréation médicalement assistée, voire à la gestation pour autrui. C’est ce que critique le plus l’UMP…
Ce sont des questions qui méritent d’être abordées dans le cadre d’une loi spécifique. Mais ce texte est clairement mariage et adoption. Il n’est que ça. Je trouve bien que le gouvernement dissocie les choses : ouverture du mariage et de l’adoption pour les homosexuels d’un côté, et la réflexion sur la PMA et la GPA de l’autre, par exemple sur l’anonymat du donneur. Ce n’est pas parce qu’on ouvre le mariage aux homosexuels que l’on va forcément ouvrir à la PMA et à la GPA. On ne va pas voter contre un texte pour quelque chose qui n’est pas dedans ! On peut voter pour un texte et contre un autre texte.
Est-ce qu’il y a des considérations personnelles, dans votre vie, qui vont ont conduit à cette position ?
Je ne suis pas du tout dans une démarche militante. Je suis dans la démarche d’un député qui est confronté à un ordre du jour à l’Assemblée nationale. Évidemment, on est tous influencé par son parcours. Mais j’ai essayé de regarder de la façon la plus objective possible ce qu’était ce texte et quelles en étaient les conséquences pour la société. Mais on ne peut pas dire que ça va déstructurer la société ! La plupart des pays qui partagent nos valeurs ont franchi le pas.
Vous ne vous sentez pas un peu seul à l’UMP, sur cette question ?
Je pense que je vais convaincre un certain nombre de collègues. Quand on fait de la politique, il faut défendre ses convictions, sinon ça sert à quoi de s’engager en politique ? Parce que je crois que la politique peut changer les choses ! Et je suis en phase avec les valeurs de ma famille politique, sur ce texte en particulier : les valeurs du mariage, de la famille, ce sont des valeurs de droite ! Le fait que davantage de personnes revendiquent ces valeurs-là, c’est une formidable victoire pour nos idées ! C’est d’ailleurs pourquoi la droite anglaise de Cameron va voter un texte similaire. J’ai l’impression que c’est ceux qui sont contre le texte qui sont à front renversé par rapport à nos valeurs. Pourquoi ne les revendiquons-nous pas davantage ? C’est un moyen de mettre du lien social, de la tolérance, du respect de la différence, et donc d’apaiser la société qui est tendue. Je vous ai parlé d’égalité, je vous ai parlé de liberté, c’est aussi une question de fraternité, ce projet de loi.
Propos recueillis par Michel URVOY.
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