Le père Christian Alexandre, curé de la paroisse de Pessac, à l’ouest de Bordeaux, tient depuis plus d’une dizaine d’années un blog pour « témoigner de ses recherches et de sa foi ». En 2009, il interpellait déjà vigoureusement le pape Benoît XVI, indigné par la levée de l’excommunication de prêtres intégristes. Et dans une nouvelle lettre publiée ce 13 avril, après la récente « exhortation apostolique » du pape François sur « le mariage et la famille », le prélat prend position et affiche publiquement son soutien à « la reconnaissance légale des couples homosexuels », exhortant ainsi la grande famille chrétienne à ne pas céder à la rigueur de leurs convictions au détriment et l’amour de leurs proches.
« Des lois ou des actes »
Certains regrettent que le pape n’ait pas changé la loi de l’Église sur les couples homosexuels et sur les divorcés remariés. On peut voir dans cette réaction un réflexe bien français : dès qu’il y a un problème, les politiques sortent une nouvelle loi et sont persuadés que l’affaire est réglée ! Peu leur importe que la décision ne soit pas suivie d’effet… L’Église devrait-elle faire pareil ?
Saint Paul, déjà, avait privilégié une autre méthode si l’on en croit sa lettre à son ami Philémon. Ce dernier avait un esclave, Onésime, qui méritait la mort pour s’être enfui, mais il était devenu chrétien en rencontrant Paul. Dans la lettre, il n’est pas question de libérer Onésime, car c’était impensable à l’époque : il faudra d’ailleurs plusieurs siècles encore avant que l’esclavage ne soit aboli… Ce que demande en revanche Paul à Philémon, c’est d’accueillir le fugitif comme un frère et cette proposition va avoir un grand retentissement dans les communautés chrétiennes naissantes : les esclaves, en effet, se sont convertis en grand nombre. Sans être libérés, ils obtenaient, par leur conversion, une reconnaissance inespérée en étant accueillis fraternellement et intégrés dans le groupe des nouveaux disciples de Jésus. Avec l’accueil des non juifs, il s’agit là de l’une des causes déterminantes de l’expansion du christianisme et de son ouverture à l’universel.
J’aime à penser qu’il pourrait en être de même aujourd’hui :
Les homosexuels ont soif d’une reconnaissance qui passe pour certains, sans que ce soit pour autant la seule solution envisageable, par l’ouverture au mariage. Les divorcés, quant à eux, voudraient voir leur remariage reconnu. Il faudra sans doute changer les règles mais, de même que les lois condamnant le racisme ne le suppriment pas, le mariage pour tous ne préserve pas contre l’homophobie et autoriser le divorce ne supprime pas la douleur de la séparation. François nous invite à ne pas juger, à accueillir, à considérer comme des frères ceux que nous percevons comme différents ou hors de nos règles, à leur ouvrir une place dans nos assemblées… Si déjà les chrétiens allaient jusque-là, nous aurions fait un grand pas.
Ce n’est pas suffisant, j’insiste sur ce point. Il faudra probablement aller jusqu’à la reconnaissance légale mais ce préliminaire, même s’il paraît limité, est essentiel. Rien de plus difficile que de faire évoluer des mentalités sclérosées au fil des siècles… Beaucoup de familles, y compris parmi les plus chrétiennes, affrontent au plus près des situations qui vont à l’encontre de leurs convictions. La plupart font alors passer l’amour de leurs proches avant la rigueur de leurs principes. Il faudra qu’il en soit de même dans la grande famille des chrétiens. La route est longue mais, comme dit le pape, « Qui suis-je pour juger ? »
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