Frigide Barjot a construit en peu de temps sa légende. La catho branchée est devenue la référence incontournable pour les opposants au projet, un alibi parfait pour les homophobes, elle qui s’exprime rarement sans rappeler qu’elle est « une fille à pédés ». « Egérie », ose une journaliste de BFM tv lors de la manifestation du 8 décembre à Lille : « Ca me semble un peu exagéré », feint la fausse modeste. « Je ne suis rien du tout qu’une maman ».
Pour autant, cette mère semble fédérer autour de sa sainte parole des fidèles passionnés, enfiévrés qui boivent cette dernière comme ils s’abreuveraient du vin de messe. Alors Frigide brode. Elle brode tant et encore, jusqu’à réclamer le retrait du projet de loi. Mais tissu de mensonges aussi car les affabulations de Frigide Barjot sont grosses, si grosses qu’elles passent inaperçues. Profitant d’un climat médiatique qui préfère le bruit au contenu, la ferveur aux fondements de la foi.
Même Paul Amar lui demanda dans son émission les raisons de son pseudonyme. Celle-ci expliqua que cela provenait de l’humour de son mari.
Il faut dire que Basile de Koch, de son véritable nom Guy Tellenne, frère de Karle Zéro, est un homme facétieux il est vrai, de ceux qui pourraient faire rire du côté de Montretout à Saint-Cloud par exemple quand, certainement par farce, il adhéra au GUD, le tristement célèbre Groupe Union Défense, cette organisation étudiante d’extrême droite, dont le service d’ordre fut notamment à l’origine du tabassage des Femen lors du cortège de Civitas le 18 novembre dernier.
Persistance dans l’inexactitude
Étonnant de voir Frigide se réfugier derrière la farce de son mari pour donner son identité, de même qu’elle nomme ses enfants Bastien De Koch et Constance Barjot dans l’émission des « Grandes Gueules » sur RMC le 13 décembre dernier, quand le nom de la famille est Tellenne. Pourquoi se dissimuler de la sorte quand on est si attachée à la vérité des origines, quand on crie à tout va que le projet de loi sur l’adoption et la filiation est un mensonge ?
Frigide Barjot, dont l’image et l’identité sont finalement assez peu claires, joue les Cassandre à propos de nos futurs papiers officiels quand, dans son clip « Pourquoi participer à la manif pour tous » elle explique :
« Si cette loi passe, il n’y aura sur vos papiers d’identité plus ‘sexe : homme ou femme’ mais ‘genre et genre’. Ce sera soit ‘homo’, ‘hétéro’, ‘trans’, ‘bi’ ou ‘autre’, on ne sait pas encore ce qu’on peut être, c’est selon son orientation sexuelle au moment où on veut bien la vivre, où on ne veut pas la vivre. Et ça, personne ne vous le dit ».
Oui, mais il y a une raison pour que personne ne le dise : c’est que tout ceci n’est que pure fantasmagorie alors que dans sa bouche, dans ce clip, le ton péremptoire prétendait donner la vérité absolue, le futur version Orwell. La preuve en fut donnée par Frigide elle-même quand, placée face à ses propos par Mouloud Achour, sur le plateau du « Grand Journal » le 20 décembre dernier, qui la somma de dire si elle était sure de ce qu’elle disait, fut contrainte de répondre : « Sure, non. Mais ça peut venir à ça ».
Dans la même émission, face à Najat Vallaud Belkacem, elle prétendit encore que les enfants des familles homoparentales, voyant la mention « père et père » ou « mère et mère » sur leur livret de famille verraient donc niées leurs origines puisque le document indiquerait qu’ils seraient « issus » de deux personnes du même sexe, la ministre coupa court au fantasme en corrigeant l’amalgame volontaire de Barjot : « Non, on parle de l’adoption, là ».
Frigide Barjot, Cassandre à la vue déformée qui n’hésite donc pas à parier sur l’avenir, quitte à user de sa conviction personnelle pour assommer la vérité elle-même comme lorsque, dans le « Grand débat d’Europe 1 » le jour de la fin du monde programmée, déjà, Alexis Corbière, conseiller municipal de Paris pour le Front de Gauche, lui dit : « Souffrez aussi que personne ne demande à l’Eglise de célébrer des mariages homos » et qu’elle répond effrontément « Attendez ça va venir » (sic). Ou encore quand le 18 décembre, dans « C dans l’air », on lui rétorque que l’adoption par les célibataires n’a rien destructuré et qu’elle répond sans gêne, un peu comme la ménagère tiendrait une bavette à sa bouchère : « mais si tout s’en va »… Sagesse populaire.
Il faut dire que la question de l’adoption par les célibataires semblent poser quelques problèmes à la présidente de la « manif pour tous » puisqu’elle affirma sans vergogne dans les « Grandes Gueules » de RMC, que la loi fut passée en France parce qu’après la guerre il n’y avait plus d’hommes au pays… quand la loi fut votée en 1966, soit 20 ans après la guerre, parce que le nombre d’enfants adoptés étaient supérieurs aux couples demandeurs… Que de confusions… Il faut dire que sur ce type de plateau, elle se retrouve face à des contradicteurs contrairement à ses réunions publiques où elle déroule, dans un fil ininterrompu de paroles, sa litanie.
Un mensonge qu’elle répète inlassablement, quelle que soit l’émission et que Christiane Taubira a déjà rectifié à de nombreuses reprises, projet de loi à la main.
Frigide Barjot. Mais comment fait-elle pour assourdir son auditoire, pour qu’il suive sans broncher ou si peu. En rhétorique, la recette est connue depuis Aristote et se nomme l’ethos : c’est l’image que l’orateur donne de lui même à travers son discours, avec la volonté d’attirer la bienveillance des destinataires en redoublant d’attentions envers le destinataires. En passant pour la fille « à pédés », elle casse la présomption d’homophobie.
Machine de comm’
Mais elle va plus loin en usant et abusant des familiarités pour attirer la connivence et désamorcer toute initiative belliqueuse chez ses opposants : au « Grand Journal », C’est Jean-Michel Apathie qui avait été gratifié d’un « oui, Jean-Michel, cher Jean-Michel », aux Grandes Gueules, ce fut un « mon cher » puis chez Paul Amar, Mathieu Nocent, Porte-parole de l’Association des parents gays et lesbiens (APGL) avait eu son « cher Mathieu » (4’21), puis un « cher ami » (5’38), avant de passer à la promiscuité du tutoiement « Mathieu, écoute-moi » (7’27).
Déraillement
Frigide Barjot dit donc tout et n’importe quoi. Mais plus graves et beaucoup plus impardonnables sont les amalgames scandaleux qu’elle peut faire entre le projet de loi et l’inceste. Elle qui prétend se démarquer de Civitas (notamment chez Paul Amar) et de leurs arguments nauséabonds, oubliant au passage que Xavier Bongibault, son alibi homo, explique à Yves Calvi sur RTL, que l’ »idéologie » du gouvernement de faire croire que les homosexuels sont forcément partisans du projet « est dans la droite ligne d’un homme que l’Allemagne a bien connu à partir de 1933, à savoir que les homosexuels n’étaient capables de réfléchir politiquement que par instinct sexuel ».
L’amalgame avec l’inceste fut commis lors d’une assemblée à Nancy, disponible sur son blog (vers 12’30) :
« L’anonymat du son de sperme en France est total. Vous n’avez pas le droit de savoir si votre donneur, votre père-géniteur est vivant ou mort. Vous savez, eh bien il a fait des dons de sperme eh bien il y a des frères et des sœurs, et vous pouvez tomber sur un frère ou une sœur et coucher avec. En France, on peut pas vous dire NON. Ça s’appelle de l’inceste. Alors voyez-vous, quand Monseigneur Barbarin parlait d’inceste, il avait raison. Demain, on va vers ça. »
Frigide Barjot brocarde le projet quand c’est l’insémination qui semble responsable du scénario évoqué… Ou l’on voit comment Frigide Barjot remet en question par la même occasion l’insémination artificielle pour justifier les propos inqualifiables de Monseigneur Barbarin. Ad nauseam.
Alors Frigide Barjot a beau revêtir ses oripeaux d’égérie catho branché, de strass, de paillettes et de rose endiablé, Frigide a beau dire qu’elle veut faire la nique aux nauséabonds pour ne pas qu’ils squattent le débat, tentant même de rejeter Civitas hors de son cortège du 13 janvier, il ne sert à rien de se réjouir de gagner face aux forces obscures quand on s’abreuve dans le même ruisseau.
source:nouvelobs.com