Le Défenseur des droits Jacques Toubon s’est prononcé jeudi pour la reconnaissance par la France de la filiation du parent non biologique d’un enfant né d’une mère porteuse à l’étranger, malgré l’interdiction de la gestation par autrui (GPA) sur le sol français.
« Pour l’instant, la jurisprudence ne porte que sur la filiation biologique. Si l’on veut une reconnaissance de l’identité familiale de l’enfant, il me paraîtrait nécessaire de reconnaître la filiation avec le parent d’intention. Mais sur ce point, le droit n’existe pas », a déclaré Jacques Toubon à l’AFP. « Ce sera sûrement la prochaine question soumise à la Cour de cassation et à la Cour européenne des droits de l’homme » (CEDH), a estimé le Défenseur des droits à l’occasion de l’ouverture du premier colloque scientifique sur la GPA à se tenir en France, malgré les vociférations de La Manif pour tous appelant à son annulation.
Depuis juillet 2015 et un arrêt de la Cour de cassation, un enfant né de mère porteuse à l’étranger doit pouvoir être inscrit à l’état civil français. Généralement, le parent non biologique adopte ensuite l’enfant pour avoir des droits sur lui. La France a été condamnée à plusieurs reprises par la CEDH, notamment en juin 2014, quand celle-ci, arguant de « l’intérêt supérieur de l’enfant », avait estimé que les autorités françaises ne pouvaient porter atteinte à « l’identité » des bébés nés de mères porteuses à l’étranger en refusant de les reconnaître. La GPA est prohibée en France, avec des peines pouvant aller jusqu’à deux ans d’emprisonnement et 30.000 euros d’amende. Elle est en revanche autorisée, explicitement ou implicitement, dans des pays tels que le Royaume-Uni, certains États des États-Unis, ou l’Ukraine.
« Je ne vais pas entrer dans une querelle existant depuis 2014, qui voit certains dire qu’accepter la jurisprudence de la CEDH revient à accepter la GPA », a déclaré Jacques Toubon. « Les 2.000 enfants concernés ont droit à une identité et à une reconnaissance de leur état civil. Il faut la leur assurer », a-t-il poursuivi. En juillet dernier, la CEDH a de nouveau condamné la France pour la non-reconnaissance de trois enfants nés en Inde, les autorités françaises soupçonnant leurs parents d’avoir eu recours à la GPA. Certaines associations féministes, ainsi que des mouvements conservateurs, tels que la Manif pour tous, sont vent debout contre le recours aux mères porteuses, au motif qu’il engendre une « marchandisation des ventres ».
Organisé par l’« EHESS » (« Ecole de Hautes Etudes en Sciences sociales »), « l’université Paris 1 Panthéon-Sorbonne » et l’« Ined » (« Institut national d’études démographiques »), le colloque universitaire international, intitulé « la GPA : resituer la France dans le monde », qui s’est tenu jeudi et vendredi à Paris, a réuni des sociologues, juristes, démographes ou médecins d’une dizaine de pays ayant travaillé sur la pratique, afin de « nourrir de façon scientifique, les débats existants, y compris ceux soulevés en France ces dernières années ».
Inquiets de voir la législation s’assouplir, la Manif dénonce « une nouvelle forme d’esclavage », estimant que la pratique des mères porteuses « ne saurait être un sujet dont on discute comme n’importe quel autre ». Le mouvement a donc demandé à Valérie Pécresse, nouvelle présidente LR de la région Île-de-France, de supprimer de toute urgence et intégralement le financement alloué à cet événement. L’ancienne ministre de l’Enseignement supérieur et de la recherche s’est empressée de répondre que le colloque en question avait été « sélectionné par un jury mis en place par la précédente équipe régionale » et qu’il était contraire aux principes républicains qu’une autorité publique revienne « sur les choix souverains d’un jury scientifique dans le cadre d’un programme de recherche en cours». Elle a néanmoins rappelé son opposition « à toute forme de marchandisation du corps humain » et fait savoir que « les études de genre » ne faisaient pas partie des priorités du nouveau conseil scientifique régional pour les années à venir.