Grèce : les homo, bi ou transexuels sont-ils des sous-citoyens ?

Plusieurs associations pointent la Grèce comme l’un des mauvais élèves de l’Europe en termes de respect des droits des LGBTI (lesbiennes, gays, bi-, trans- et intersexuels). Est-il si difficile de ne pas être hétérosexuel en Grèce ? Nous nous sommes rendus à Athènes. Regardez notre reportage sur place.
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Dans ce reportage, nous nous sommes particulièrement concentrés sur les violences homophobes et transphobes. Selon les militants, elles sont en augmentation ces dernières années, avec la montée du parti néo-nazi Aube dorée. Bien que la loi grecque liste les motifs homophobes comme circonstances aggravantes depuis des années, les militants se plaignent du fait que ce motif n’est pas souvent pris en compte par la police ou la Justice, rapporte Amnesty International dans un rapport intitulé « A cause de ce que je suis. Homophobie, transphobie et crimes de haine en Europe ».
L’ONG y décrit le cas de Stefanos, un jeune homo, tabassé et insulté à Athènes. Encore au sol après l’attaque, le jeune homme a réussi à appeler la police, qui, arrivée quelques minutes après l’appel sur les lieux, lui a demandé: « Qu’est-ce que c’est un crime homophobe? »
Nous n’avons pas rencontré Stefanos. Mais nous avons pu discuter avec Ana, une jeune transsexuelle, qui a été forcée à quitter ses cours du soir, ses camarades lui faisant subir un vrai calvaire qui a atteint son paroxysme le jour où deux hommes ont renversé un bidon d’essence sur elle et ont tenté de lui mettre le feu, nous explique-t-elle.
Dans notre reportage, les militants et les victimes dénoncent l’attitude de la société grecque, mais surtout de l’Etat. Le secrétaire général des Droits humains, rattaché au ministère de la Justice, nous explique d’ailleurs dans le reportage que le cadre législatif grec protège déjà bien les homosexuels contre les attaques et que s’il faut évidemment avoir du respect pour les homosexuels, ceux-ci ne doivent pas imposer leur différence à la majorité.
Nous n’avons pas pu aborder dans notre reportage tous les problèmes auxquels peuvent être confrontés les LGTBI. Mais il y en a d’autres que les attaques homophobes…
Pas de cohabitation légale
Ainsi, comme nous le signalons dans le reportage vidéo, la Grèce autorise depuis 2008 le partenariat civil, la cohabitation légale. Mais elle en exclut les couples de même sexe. En novembre 2013, la Cour européenne des droits de l’homme a infligé une amende à la Grèce pour discrimination. Le parti socialiste a proposé au Parlement de modifier la loi, mais la droite conservatrice s’y est opposée. Et l’Eglise orthodoxe, très influente, n’y a pas été de main morte: l’archevêque de Pirée n’a pas hésité à menacer d’excommunication les députés qui voteraient pour ce changement de loi.
Ce même archevêque est connu pour ses affirmations homophobes en public. Des militants LGBT ont donc, début janvier, lors d’une fête religieuse très importante, mené une action de protestation, qui, selon des Grecs rencontrés à Athènes, a suscité une vague de protestation dans la société. Plusieurs militants se sont ainsi rassemblés sur le port du Pirée et se sont embrassés devant l’archevêque.
Pas de baiser homo à la télé publique
Autre exemple de discrimination: en Grèce, il existe un âge de consentement spécifique pour les relations sexuelles entre hommes. Il est fixé à 17 ans. Pour les autres relations, il est de 15 ans.
Et, enfin, les cas de censures se multiplient. Ainsi, comme le rapporte le site Globalvoicesonline, des groupes religieux et liés au parti néo-nazi Aube dorée ont réussi à faire annuler une pièce sur l’homosexualité, « Corpus Christi », qui devait être jouée à Athènes. Ou encore, en octobre, la chaîne publique NET a censuré un baiser homosexuel dans la série télévisée anglaise « Downtown Abbey ».
Malgré tout cela, la militante Andrea Gilbert, que nous avons rencontrée à Athènes, reste optimiste. Pour elle, la société grecque est de plus en plus ouverte et est prête au changement. Les militants pointent l’attitude de l’Etat, qui, selon eux, « ment », fait de belles promesses mais ne les tient pas…
C’est pour faire avancer ce genre de situation que la commission des Libertés civiles du Parlement européen appelle la Commission à proposer une feuille de route contre l’homophobie en Europe. Une façon également de mettre la pression sur les Etats membres…