Patrice André, l’un des porte-parole de VigiGender, collectif contre l’enseignement de l’égalité des sexes à l’école, était à Strasbourg vendredi soir. A grands coups d’approximations, ce juriste a surfé sur les peurs d’un public déboussolé et prêt à croire que l’ONU veut construire un monde où les différences entre les hommes et les femmes auront disparues.
« Tout est mis en oeuvre pour que nos enfants puissent bientôt choisir leur sexe et celui de leur partenaire. La “théorie du genre” est distillée par l’Education Nationale, l’Europe et même l’ONU. » C’est ce qu’ont pu entendre une cinquantaine de participants à une conférence vendredi soir, au foyer de la paroisse Saint-Pierre-le-Jeune, rue Gloxin à Strasbourg.
L’antenne bas-rhinoise du collectif VigiGender accueillait Patrice André, ancien magistrat utilisant un nom d’emprunt, à venir s’exprimer sur les ABCD de l’égalité, ce programme de sensibilisation à l’égalité des sexes à l’école. Pour lui, c’est clair, c’est la guerre, entre ceux qui refusent « l’ordre naturel » et ceux qui doivent le défendre.
Et dans cette guerre, pas de pitié. Patrice André a débuté son intervention par louer les journées de retrait de l’école, initiées par Farida Belghoul, mais en précisant qu’elle avait eu « tort d’envoyer les parents se battre contre l’Education Nationale sans armes. Comme en 14, la première ligne est tombée faute de préparation. Il faut placer des mitrailleuses sur nos lignes pour nous défendre, c’est à dire affûter nos arguments car la théorie du genre progresse, poussée par les militants LGBT partout où ils sont. »
« L’ordre naturel ne se discute pas à la majorité »
Premier argument, il ne faut pas s’encombrer de démocratie :
« Il y a des principes fondamentaux qui ne se discutent pas à la majorité, comme le droit à la vie et la nature humaine. Ça se constate. Les actions qui visent à réaffirmer ces deux principes sont donc légitimes. »
Et il sort une coupure de presse, selon laquelle deux transexuels argentins s’apprêtent à avoir un enfant. Frisson d’horreur dans la salle et effet garanti. Car pour Patrice André, le « gender », c’est ça :
« Avec le gender, nos enfants auront la possibilité de choisir leur genre, leur sexe et le sexe de leurs partenaires. Et même d’en changer autant de fois qu’ils le désireront. Le sexe polymorphe est l’objectif final et c’est ainsi qu’il faut comprendre le mariage pour tous, qui n’a rien à voir avec l’union entre deux êtres qui s’aiment. C’est uniquement pour demander ensuite les droits à l’adoption, à la procréation médicalement assistée (PMA) et à la gestation par autrui (GPA), au nom de l’égalité. »
De l’égalité homme-femme aux fermes de bébés en Inde…
Car c’est bien l’égalité entre les hommes et les femmes qui angoisse les membres de VigiGender. Là où il s’agit dans les textes, comme les ABCD, d’une égalité des droits, des salaires, des traitements, les VigiGender y voient une revendication d’égalité physique, préfiguration d’un monde androgyne qu’ils entrevoient en cauchemars. Patrice André a parlé d’uterus artificiels pour les hommes et de « fermes à bébés », où les enfants seraient portés par des femmes en Inde pour le compte de riches occidentales rebutées à l’idée d’être enceintes…
Dans le public, en majorité des catholiques de plus de cinquante ans, on hoche fréquemment de la tête. Les propos de Patrice André « confirment » les peurs et les craintes de l’assistance, confrontée au monde qui évolue. Et chacun y trouve une explication qui lui convient, comme lorsque Patrice André questionne :
« Ne trouvez-vous pas étrange que toutes ces lois en faveur des homosexuels apparaissent au même moment un peu partout dans les pays du monde ? »
Les LGBT, l’ONU et le complot mondial
Tout à fait, c’est très étrange acquiesce-t-on ça et là dans l’assistance et comme Patrice André évite soigneusement de désigner un responsable, chacun peut trouver une confirmation à ses suspicions habituelles… Les Illuminatis peut-être ? Pour Patrice André en tout cas, des militants LGBT sont présents et à l’action partout :
« Le gender lui-même est apparu lors d’une conférence de l’ONU au Caire en 1995 (en fait à Pékin, ndlr) et il se diffuse ainsi. On trouve des dispositions en faveur du gender dans le Traité européen de Lisbonne. Et aujourd’hui, la promotion du gender est partout y compris à la télévision, où une série comme “Plus Belle La Vie” se ferait sanctionner par le CSA si elle ne le faisait pas. »
Lancé, Patrice André ira même plus loin. Pour lui, l’égalité que promouvrait le « gender » permet la pédophilie et fait le lit de la dictature. Quant à l’homophobie, Patrice André la condamne, quand même, à condition qu’on parle bien des coups contre les personnes, car évidemment, l’ancien magistrat ne voit pas où est le problème quand il qualifie « d’anormale » une relation homosexuelle.
« L’ordre par le chaos, le bien est devenu le mal »
A l’issue de la conférence, les participants se sentent effectivement mieux armés, et c’est bien le moins. Toute réflexion sur la discrimination dont sont victimes les filles à l’école se retrouvera de facto taxée de « théorie du genre » et donc, menant au chaos. Ainsi José et Sylvie, la cinquantaine chacun, témoignent :
« Ce qu’on a entendu, c’est une goutte d’eau par rapport à ce qui se passe vraiment. Il suffit de fouiller sur Internet. On sait que tout ça est voulu, c’est l’ordre par le chaos. Il suffit de regarder sur les billets américains pour comprendre, la devise sous la pyramide. Le bien est devenu le mal. »
Alexis a des enfants à l’école et pour lui, le « gender » était au programme d’un spectacle à Pôle Sud :
« L’école a emmené des enfants de 8 ans voir Tel Quel. Pendant deux heures, on y voit deux hommes ou deux femmes qui s’embrassent. Sous couvert d’éducation à la différence, on fait la promotion de l’homosexualité. Les enfants sont fragiles et ils n’ont pas besoin qu’on leur enlève leurs repères comme ça. »
Diffamation avant le dessert
Après avoir accusé la Ligne Azur de faire la promotion de l’homosexualité dans les écoles, la soirée s’est terminée avec le témoignage selon lequel une mystérieuse intervenante extérieure aurait parlé de relations sexuelles entre personnes de même sexe et de sodomie dans une école du Haut-Rhin. Mais les VigiGender ont refusé d’indiquer de quelle école ils parlaient et n’ont pas porté plainte contre cette agression. Pour Céline Pétrovic, enseignante en sciences de l’éducation et qui était présente à cette conférence, ce témoignage est la preuve que les VigiGenders mentent :
« Tout est faux, c’est bidon. Si ces informations étaient vraies, il y aurait eu une enquête administrative et de police. Ce serait très grave quand même. C’est comme l’argument qui dénonçait la demande d’une institutrice à ses élèves de se toucher le sexe, ça n’a jamais existé. Mais surtout, ils confondent tout car durant cette soirée, on a beaucoup parlé de sexe, très peu de genre. »
Mais la guerre ne fait que commencer.
Quand on est con… on est con !
Avec Rue89