Hommage : L’abbé Raymond Gravel est décédé à l’âge de 61 ans.

Connu du grand public pour ses positions sociales libérales et pour avoir contesté à plusieurs reprises les doctrines de l’Église catholique dans les médias, l’abbé Raymond Gravel aura probablement été l’un des prêtres les plus progressistes de l’histoire du Québec, et certainement le plus combattif. Pro gay, pro choix… son message de tolérance a fait réagir certains regroupements religieux pro-vie. L’abbé Gravel a d’ailleurs intenté une poursuite pour diffamation pour plus de 500 000 $ contre le site pro-vie anglophone LifeSitenews.com et l’organisme québécois Campagne Québec-Vie avec qui il avait conclu une entente à l’amiable.

Il avait reçu un prix pour sa lutte contre l’homophobie en 2004.

>> La maladie

M. Gravel avait confirmé en octobre 2013 qu’il était atteint d’un cancer du poumon de stade quatre, et que la maladie avait entraîné le développement de métastases aux os. Lors d’une série d’entrevues données lors de l’annonce de sa maladie, il avait affirmé qu’il allait «continuer à se battre», et que son corps «répondait bien» aux traitements de chimiothérapie.

«J’ai fumé durant 49 ans. C’est sûr que je ne me suis pas aidé», avait-il confié à Radio-Canada.

Parlant du diagnostic posé par son médecin, il a raconté que ce dernier lui avait dit: «Si vous vous faites soigner, c’est trois mois, sinon c’est six mois.» L’abbé Gravel aura défié cette «condamnation» en combattant la maladie pendant près d’un an.

«J’ai peur de mourir, pas de souffrir», répétait M. Gravel, disant comprendre les gens qui réclament de l’aide pour mourir lorsque la douleur devient trop insupportable.

>> Un homme de courage

Député du Bloc québécois de 2006 à 2008, il a dû renoncer à briguer un nouveau mandat à la suite d’un ultimatum du Vatican, qui lui a ordonné de choisir entre l’Église et la politique.

Dans ses déclarations, Raymond Gravel a toujours mis l’accent sur l’importance pour l’Église de faire preuve de compassion et d’être au diapason de ses fidèles. Il a dénoncé à de multiples reprises le conservatisme de l’institution et son intransigeance.

« L’Église ne peut plus continuer à tenir un langage d’interdits et de condamnations », écrivait-il dans une lettre ouverte le 23 avril 1999. « Ce faisant, elle prouve, une fois de plus, à la face du monde entier, jusqu’à quel point elle est déconnectée de la réalité. »

Ses déclarations en tant que prêtre et en tant que député lui ont valu les foudres de plusieurs regroupements catholiques. Il avait d’ailleurs intenté une poursuite de 500 000 $ contre un site Internet anti-avortement qui, selon lui, menait une campagne de salissage à son encontre.

>> Sur l’aide médicale à mourir

Souffrant d’un cancer du poumon à un stade très avancé, Raymond Gravel a déclaré comprendre ceux qui réclament de l’aide pour mourir lorsque la souffrance devient trop forte et impossible à soulager. Il pensait que le Québec était prêt à tenir un débat sur la question, puisque, de toute façon, la pratique existe déjà. « On est un peu hypocrites au Québec actuellement », croyait-il.

« Je peux comprendre que des gens qui sont dans la souffrance puissent demander à mourir […] Je suis croyant, mais si jamais je décide de mourir, ne me dites pas ce que Dieu va me faire. Je vais m’arranger avec lui de l’autre bord. »
— Raymond Gravel

>> Sur la position de l’Église envers les homosexuels

À plusieurs reprises, l’abbé Gravel s’est prononcé pour une inclusion au sein de l’Église des homosexuels, qu’elle « marginalise et exclut » depuis toujours.

Il a notamment signé, en 2006, une lettre avec 18 autres prêtres catholiques québécois, dénonçant la position du Vatican et son manque de compassion pour la souffrance que peuvent ressentir les personnes homosexuelles, du fait de leur discrimination.

« [L’Église] aurait-elle nécessairement le dernier mot sur les mystères de la vie politique, sociale, familiale, sexuelle? Est-ce qu’elle détiendrait « toute la vérité » sur l’être humain? »
— Raymond Gravel

Il s’était déjà prononcé sur le mariage entre conjoints de même sexe, en septembre 2003, lorsqu’il écrivait que « l’Église catholique n’a malheureusement aucune crédibilité dans le débat actuel sur une redéfinition du mariage […] En refusant aux homosexuels la reconnaissance qu’ils revendiquent, l’Église les contraint à demeurer dans la clandestinité au lieu de les aider à vivre dans la normalité. »

>> Sur l’avortement

Raymond Gravel a été attaqué avec virulence par des organismes opposés à l’avortement pour avoir refusé d’appuyer le projet de loi C-484 sur les droits du foetus et pour avoir affiché son soutien au Dr Henry Morgentaler lorsque celui-ci a reçu l’Ordre du Canada, en 2008.

Même s’il se disait déchiré sur la question, il reconnaissait le rôle qu’a joué le médecin pour venir en aide à « des femmes pauvres et démunies ». « Les règles et les interdits ne font qu’infantiliser les gens », croyait-il.

« Il serait dangereux de condamner Henry Morgentaler pour génocide ou pour crime contre l’humanité parce qu’il serait responsable de la mort de milliers de foetus humains, comme il serait injuste de condamner l’Église qui, en refusant l’usage du condom aux pays d’Afrique, aurait provoqué la mort de centaines de milliers d’hommes, de femmes et d’enfants ayant contracté le virus du sida. »
— Raymond Gravel

L’abbé Gravel s’est toujours opposé à l’avortement, sauf en cas de viol. Un enfant devrait être conçu dans l’amour, disait-il. Si une femme est violée, les moyens contraceptifs qui peuvent « en atténuer les conséquences » « sont moraux et méritent l’approbation du Magistère ecclésial ». « Je suis contre l’avortement », soutenait-il, « mais il ne faut pas condamner les femmes qui se font avorter ».

>> Sur l’ordination des femmes et des hommes mariés

L’Église catholique démontre encore sur cet enjeu sa déconnexion avec la réalité, croyait-il. « Moi, je suis pour la pleine égalité entre les hommes et les femmes », a-t-il déclaré. « Dans l’Église catholique, on ne la vit pas. »

« Comment le pape peut-il prétendre que c’est là, le désir de Jésus que la femme ne puisse accéder au ministère presbytéral et que l’Église n’a pas le pouvoir de transgresser la volonté de Dieu? »
— Raymond Gravel, dans une lettre publiée par La Presse le samedi 11 juin 1994

Il s’est également prononcé en faveur de l’ordination d’hommes mariés.

Raymond Gravel s’était grandement réjoui du choix du cardinal argentin Jorge Mario Bergoglio en tant que pape, en mars 2013, saluant son ouverture sur les questions sociales et sa proximité avec les plus démunis. François apporte un « vent d’ouverture, de changements et de simplicité », a-t-il déclaré. L’abbé Gravel a souligné que le pape véhiculait un message de miséricorde et de pardon, qu’il partageait entièrement. « Il aurait dû arriver il y a 10 ans », a-t-il conclu.

Parlant du diagnostic posé par son médecin, il a raconté que ce dernier lui avait dit: «Si vous vous faites soigner, c’est trois mois, sinon c’est six mois.» L’abbé Gravel aura défié cette «condamnation» en combattant la maladie pendant près d’un an.

«J’ai peur de mourir, pas de souffrir», répétait M. Gravel, disant comprendre les gens qui réclament de l’aide pour mourir lorsque la douleur devient trop insupportable.

>> Les adieux

Le 24 décembre dernier, debout et bien droit, Raymond Gravel célébrait la messe de Noël à la cathédrale Saint-Charles-Borromée de Joliette. Il habitait cette ville, vivait seul dans une maison au bord de l’eau. Devant les fidèles, il se montrait émerveillé de célébrer une si «belle messe». Il disait espérer être de retour l’année prochaine. Il réchauffait le lieu saint en demandant aux croyants de crier «Joyeux Noël». Dans l’église, l’abbé Raymond Gravel était entouré de ceux qu’il aimait.

«À l’année prochaine», avait-il lancé pour conclure la cérémonie.

Merci Monsieur l’Abbé pour vos combats, votre humanisme et tellement d’amour.

STOP HOMOPHOBIE
avec radio canada