On aime pas vraiment mais on partage pour vous permettre de voir les arguments de tous : Tribune libre d’Alexandre-Guillaume Tollinchi*
« Si Adam avait été homosexuel, personne ne serait là pour le dire ! » écrivait Oscar Wilde. Mais le débat autour de l’homosexualité a quitté les cafés littéraires et les paroisses pour se positionner sur le terrain juridique, soulevant de nombreuses inquiétudes au sein de la doctrine parmi les spécialistes du droit de la famille, les constitutionnalistes, et les privatistes internationalistes (1).
Un projet de loi ouvrant le mariage aux couples de personnes de même sexe a été présenté en Conseil des ministres le 7 novembre 2012. Il sera examiné à l’Assemblée nationale à partir du 29 janvier 2013. Il ouvre le droit au mariage et le droit à l’adoption, reconnaissant de facto la « famille homosexuelle ». Ce texte prévoit d’ailleurs la suppression des qualités de père et mère pour les remplacer par parent 1 et parent 2, et celle de mari et femme pour les remplacer par « époux ». Il est aujourd’hui encore difficile de connaître les points sur lesquels le Gouvernement pourrait revoir sa copie. Il est également difficile de prévoir les projets de la majorité parlementaire socialiste qui a exprimé son souhait d’ouvrir la procréation médicalement assistée aux homosexuels, suscitant une réaction confuse de l’exécutif.
La revendication multiforme du lobby communautariste financé depuis vingt ans par Pierre Bergé – lequel n’a guère de considération pour la bioéthique (2) – n’est pas nouvelle. Tout ce qui concerne la lutte contre les délits et crimes à connotation homophobe est légitime. L’amélioration du PaCS est également légitime, notamment sa signature en mairie. Le législateur se doit de demeurer un défenseur de la dignité de l’Homme car elle n’est en rien fonction de l’orientation sexuelle. Dans toutes les situations, la dignité de l’Homme est un droit fondamental de la personne humaine. En revanche, légitimer juridiquement la « famille homosexuelle » ne relève en rien de la lutte contre l’homophobie. L’ouverture du mariage aux couples homosexuels n’est pas une question d’égalité des sexes. Elle pose le débat du traitement égalitaire des sexualités, d’une part la sexualité source de procréation (hétérosexuelle), d’autre part la sexualité non féconde (homosexualité). Parler d’égalité ou d’homophobie est une supercherie intellectuelle sans aucun fondement juridique visant à verrouiller le débat et à imposer aux Français un modèle dont ils ne veulent pas (3). La grande majorité des homosexuels veut vivre dans la tranquillité, la discrétion, et n’a jamais revendiqué le mariage ou l’adoption. Pourtant le débat d’aujourd’hui était prévisible… En 1998, lors de l’adoption du PaCS, le gouvernement socialiste jurait qu’il ne serait jamais question de mariage parce que le mariage demeurait lié à la filiation. Et les mêmes socialistes viennent aujourd’hui nous dire que le « jamais » de 1998 était en réalité un mensonge, parce que la société de l’époque n’était pas « prête ». La société d’aujourd’hui n’est toujours pas « prête » à voir ses fondations détruites. Cette revendication se fonde sur un mythe, la « famille homosexuelle ». Or, elle n’existe pas ! Pas plus qu’il n’existe un « droit (quasi-patrimonial, ndlr) à l’enfant ». Les cellules homoparentales n’ont aucune réalité sociale. Des homosexuels ont simplement fait le choix de devenir des parents hétérosexuels en faisant des enfants, les gays avec des femmes et les lesbiennes avec des hommes… Et personne ne leur a jamais interdit de le faire. Mais le mythe de la « famille homosexuelle » a cela de grave qu’il conduit non seulement à légaliser des situations de fraude à la loi mais surtout à faire de l’enfant un objet de désirs. Or, l’enfant est un sujet de droits, pas un objet à la merci des égoïsmes individuels. Le droit a pour mission d’organiser la vie en société, il n’a jamais eu pour objectif d’être l’instrument d’une mondialisation aux conséquences souvent incontrôlables en termes de nouvelles discriminations.
Les pays ayant accordé un statut légal au mariage homosexuel ont pour la plupart également légalisé l’adoption par les couples homosexuels. C’est la suite logique. En témoigne le passage du PaCS en 1998 au mariage et à l’adoption pour les homosexuels en 2013. Mais la France a une histoire et des valeurs qui ne sont pas toujours celles des autres États. Ainsi, aux Etats-Unis, la gestation pour autrui à titre onéreux est autorisée alors qu’en France elle violerait le principe d’indisponibilité et de non-patrimonialité du corps humain.
Le mariage n’est pas un dû, ce n’est pas une récompense, pas même un ticket de loterie. Le mariage est une institution sérieuse permettant la naissance d’une famille stable et sécurisée. C’est un acte d’amour, la Cour de cassation le dit depuis 1903 (4), mais ce n’est pas qu’un acte d’amour ! La conception spiritualiste ne peut ainsi pas se défaire de la conception naturaliste à laquelle elle est depuis combinée. Et on ne dispose pas d’une telle institution comme on disposerait d’un hochet.
Toute la problématique de ce grand débat national est de savoir si le législateur est en mesure d’assurer ce qu’il est convenu d’appeler l’égalité des droits, et, dans l’affirmative, de savoir de quelle égalité s’agit-il et de quels droits.
Le leurre de l’avènement de la « famille homosexuelle » est une anomalie juridique, d’une part au titre de l’intérêt supérieur de l’enfant (I), d’autre part au titre des droits fondamentaux de la personne (II).
I. La violation de l’intérêt supérieur de l’enfant
Consacrée par le droit international (5), reprise par le droit européen (6)(7)(8), la notion d’intérêt supérieur de l’enfant est intégrée au droit positif français (9). Elle est régulièrement utilisée par la Cour de cassation (10), le Conseil d’État (11) et la Cour Européenne des Droits de l’Homme (12) depuis le début des années 1990. D’une part, l’intérêt supérieur de l’enfant implique une « filiation bi-sexuée » (A). D’autre part, le recours au principe de précaution apparaît nécessaire (B).
A) Le droit à une « filiation bi-sexuée »
Le Code de l’action sociale et des familles interprète la prise en compte de l’intérêt supérieur de l’enfant comme, entre autres, le respect de ses besoins fondamentaux. L’expression de « besoins fondamentaux » renvoie à la pyramide d’Abraham Maslow de 1954 qui comprend au titre du besoin d’amour et d’appartenance la connaissance de sa filiation. Dans un de ses ouvrages (13), Anna Freud évoquait un besoin affectif fondamental : la cohérence du comportement parental, donc un père et une mère chacun dans son rôle éducatif.
Un enfant a besoin d’un père et d’une mère. Or, le mythe de la « famille homosexuelle » opère une négation totale et arbitraire de ce droit, lequel remplit au demeurant pleinement les conditions fixées par le Conseil constitutionnel pour constituer un principe fondamental reconnu par les lois de la République (PFRLR) (14). L’altérité sexuelle des époux et des parents a en effet valeur constitutionnelle. Consulté par le Gouvernement, le conseil d’administration de la Caisse nationale d’allocations familiales a d’ailleurs déjà rendu un avis défavorable au projet de loi sus-visé, le 18 octobre 2012.
La loi (15) du 22 janvier 2002 relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l’État, dite « loi Ségolène Royal » et votée par la majorité socialiste de Lionel Jospin, consacrait elle-même la nécessité pour un enfant de connaître ses origines, paternelles et maternelles, comme assurant son propre équilibre et son développement.
Adoptée en 2005, la Charte de l’environnement, texte à valeur constitutionnelle, a par la suite posé « le droit de chacun de vivre dans un environnement équilibré ». Ce ne sont pas les homosexuels qui sont déséquilibrés – ce sont des personnes parfaitement respectables et dont la sexualité l’est tout autant – mais ils engendreraient, pour un enfant, une situation de déséquilibre éducatif par nature.
À l’origine, ce droit à un père et à une mère ne relève ni du droit civil ni du droit canon ; il relève du droit naturel, il est le fruit de l’évidence. C’est la raison pour laquelle il n’apparaît pas souhaitable que ce grand débat national sur l’avènement juridique de la « famille homosexuelle » soit l’objet d’une récupération par tel ou tel culte. La France est un État républicain laïc, et quoique la laïcité ne soit pas la négation des religions, le corpus juridique français permet suffisamment d’arguments de droit pour ne pas avoir à user d’éléments de langage religieux. Ce serait le grain de sable dans la machine de l’opposition aux projets sociétaux du Gouvernement. Il est normal et légitime que l’Église et les autres religions s’engagent. Il est tout aussi normal et légitime que les juristes et les responsables politiques préfèrent une argumentation en droit à une argumentation religieuse.
B) Le principe de précaution
Le principe de précaution a été intégré au bloc de constitutionnalité en 2005 (16).
Si l’objectif initial était de préserver l’environnement, il n’existe aucun texte de droit interdisant d’en faire une interprétation extensive. De surcroît, un texte constitutionnel a, par sa nature même, une force obligatoire extensive.
Le champ d’application du principe de précaution doit s’étendre à l’environnement familial, et par-là même préserver le foyer naturel de l’enfant, composé d’un père et d’une mère. Cette préservation est une application directe de la notion d’intérêt supérieur de l’enfant, qui privilégie l’enfant sur l’adulte. C’est une thèse recevable parce que fondée sur des éléments objectifs. Elle est dénuée de tout jugement culturel ou religieux.
En va-t-il de même chez nos voisins européens ? Le 11 janvier 2013 (17), la Cour de cassation italienne a estimé « qu’il n’y a pas de certitudes scientifiques ni de données concrètes, mais tout simplement un préjudice derrière l’idée que le fait de vivre dans une « famille homosexuelle » est dommageable pour la croissance équilibrée de l’enfant ». En affirmant que l’environnement d’une « famille homosexuelle » est préjudiciable pour un enfant, « on donne pour acquis ce qui est en fait à démontrer, c’est-à-dire le caractère dommageable de ce contexte familial pour l’enfant », ont jugé les magistrats italiens. C’est leur liberté que de le dire et quand on connaît la politisation extrême de la magistrature italienne, cet arrêt n’a de surcroît rien d’étonnant en pleine campagne électorale des législatives.
A contrario, en France, le principe de précaution permet au juge d’éviter de provoquer une situation pouvant avoir des dommages alors même qu’aucune certitude n’existe en ce sens. Les commentateurs français qui souhaiteraient transposer l’arrêt de la Cour de cassation italienne à la situation française oublient donc que le droit italien ne reconnaît pas le principe de précaution. Sa portée juridique à l’échelle européenne est d’ailleurs limitée par la CEDH elle-même qui estime que la question de la « famille homosexuelle » relève de l’appréciation souveraine des États (18).
Le droit de l’enfant prime sur le droit à l’enfant qui, quoiqu’existant casuistiquement, ne saurait conférer une supériorité normative au droit de l’adulte.
Depuis mai 1968, les Français évoluent dans une société qui veut bannir toute forme de discrimination et qui refuse toute forme de frustration. Des couples homosexuels seraient discriminés pour ne pas pouvoir enfanter alors même qu’il s’agit là d’une évidence naturelle. Deux hommes ou deux femmes n’ont jamais pu, ne serait-ce que théoriquement, concevoir un embryon. Le droit ne peut rien là où la nature elle-même s’impose. Mais la discrimination et la frustration des homosexuels est un leurre. Biologiquement, les membres d’un couple homosexuel peuvent parfaitement concevoir un enfant avec une personne du sexe opposé et donc devenir parents. Ils n’ont d’ailleurs pas attendu François Hollande pour le faire.
À la violation de l’intérêt supérieur de l’enfant s’ajoute donc celle des droits fondamentaux de la personne.
II. La violation des droits fondamentaux de la personne
L’anomalie juridique de la « famille homosexuelle » porte un coup sévère au principe constitutionnel d’égalité de tous devant la Loi (A) et au principe d’indisponibilité du corps humain (B).
A) Le principe constitutionnel d’égalité de tous devant la Loi
L’article 1er de la DDHC dispose que « les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne peuvent être fondées que sur l’utilité commune. »
Inscrite dans la devise de la Ve République, l’égalité est une exigence de tout régime démocratique libéral. Aucune différence ne doit être faite dans le traitement juridique des catégories spéciales de droits.
Des limites sont toutefois nécessaires puisque chaque individu est amené à développer une situation spécifique. Les droits qu’ils acquièrent sont donc fonction de leur situation. Un homme et une femme concevant ou adoptant un enfant acquièrent ainsi l’autorité parentale conjointe sur celui-ci alors même qu’une personne n’ayant pas d’enfant ne saurait se prévaloir d’un droit absolu à l’autorité parentale… Il s’agit là de la conception libérale et individualiste de l’égalité. Une autre vision s’y oppose, celle de l’égalitarisme. Il s’agit alors pour le législateur de s’efforcer à traiter les individus de manière égale pour tenter de les rendre égaux dans l’aspect matériel, factuel, de leur situation. L’État n’est plus un régulateur, il interfère directement dans la libre action de la nature pour imposer une norme, c’est une forme de totalitarisme sociétal créateur de nouvelles discriminations. L’égalitarisme est absolutiste quand l’égalité est casuistique.
Sans répondre d’aucune « utilité commune », le mythe de la « famille homosexuelle » entraîne trois types d’inégalités : d’abord celle entre les enfants nés de familles hétérosexuelles et ceux vivant au sein de « familles homosexuelles » (1), ensuite celle entre pères et mères et les nouveaux « parents 1 et 2 » (2), enfin celle résultant de l’ouverture aux homosexuels de la procréation médicalement assistée (3).
1- L’inégalité entre enfants issus de « familles homosexuelles » et hétérosexuelles
La première inégalité est celle de construire une fiction juridique dont il résulterait qu’un enfant x n’aurait pas le même type de parents qu’un enfant y, avec d’une part un enfant disposant d’un père et d’une mère (même divorcés, même décédés) et d’autre part un enfant disposant de deux pères ou de deux mères.
Si le projet de loi initial était adopté, l’État placerait les enfants dans une situation de servitude sur l’autel de l’égoïsme de personnes adultes, et ce alors même que l’état de nature de ces enfants les prive de toute liberté de choix.
Un enfant a besoin d’une stabilité et d’une situation simple. Si les enfants de couples divorcés ont du surpasser et gérer une vraie souffrance, il est impossible d’imaginer et d’évaluer à l’avance la souffrance qui pourrait être celle d’enfants privés de l’altérité et de la cohésion du comportement parental, au sens où l’entendait Anna Freud. Car les enfants de divorcés ont matériellement, socialement et juridiquement toujours un père et une mère, le divorce ne détruit pas la filiation naturelle, il est même sans effet juridique sur le lien entre l’enfant et chacun de ses parents ! Le législateur ne peut ignorer le risque de rupture sociale en milieu éducatif et le risque de déséquilibre psychologique d’enfants évoluant dans le cadre d’une « famille homosexuelle ». Il n’existe encore aucune certitude, dans un sens comme dans l’autre, mais peut-on prendre un quelconque risque en matière d’enfance ? « Il est utile de conserver tout ce qu’il n’est pas nécessaire de détruire. Il ne faut point de lois inutiles, elles affaibliraient les lois nécessaires. » professait Portalis.
Le droit a la mission de préserver les grands équilibres sociaux. Celui de disposer d’une filiation classique (qu’elle résulte de la conception ou de l’adoption) est fondamental.
2- L’inégalité entre pères et mères et nouveaux « parents 1 et 2 »
Le Gouvernement indique que ces modifications de qualités parentales ne concernent ni les actes d’état civil ni le livret de famille, dont la forme n’est pas régie par la loi, et que des adaptations seront possibles pour prendre en compte la diversité des situations familiales. Il cherche ainsi à répondre à l’argument résultant d’une violation de la liberté d’expression et de la vie privée et familiale, dans l’hypothèse où un père et une mère ne pourrait plus ainsi se faire qualifier mais uniquement recevoir l’attribut de « parent 1 ou 2 ».
Cette promesse gouvernementale semble juridiquement peu réaliste tant il paraît étonnant que l’état civil use d’une terminologie contraire à celle fixée par le législateur…
Cette promesse gouvernementale est en tout état de cause inopérante en ce qu’elle rompt l’égalité entre les types de parents. En effet, la liberté d’expression proclamée par l’article 11 de la DDHC (19) implique le droit pour chacun de choisir les termes jugés par lui les mieux appropriés à l’expression de sa pensée (20) (21). Si le Premier Ministre peut librement imposer une terminologie officielle à l’administration en vertu de l’article 21 de la Constitution, les pouvoirs exécutif et législatif ne peuvent en aucun cas prescrire à des personnes privées l’interdiction de l’usage d’une terminologie quelconque pour se faire qualifier. Or, le législateur ne peut pas prévoir deux terminologies officielles concurrentes sauf à porter atteinte à l’égalité entre les familles.
3- L’inégalité en cas d’ouverture de la procréation médicalement assistée aux homosexuels
La procréation médicalement assistée est destinée aux seuls couples hétérosexuels connaissant une situation médicale rendant cette assistance technique impérative pour permettre la conception d’un enfant, soit afin d’éviter la transmission d’une maladie grave, soit afin de contourner une infertilité. La PMA est un traitement médical avec de lourdes conséquences et de réels risques pour la santé. Ce n’est pas une pratique banale ! Et il est inconcevable pour le corps médical d’ouvrir la PMA sans cause médicale.
Car, depuis les années 1980, l’homosexualité n’est plus une pathologie ! Elle ne peut donc en aucun cas légitimer une PMA, encore qu’à l’époque où l’homosexualité était considérée comme une pathologie, il s’agissait non d’une pathologie anatomique mais d’un trouble psychiatrique n’ouvrant donc pas droit à la PMA.
L’ouverture aux homosexuels causerait une première inégalité, entre gays et lesbiennes, seules les lesbiennes pouvant en bénéficier. En voulant résoudre une discrimination, le législateur en créerait une nouvelle, cette fois ci entre homosexuels, donc au sein d’une même « catégorie ». Il faudrait donc, pour respecter le principe d’égalité et ne pas pénaliser les hommes homosexuels, légaliser la gestation pour autrui. Or, la GPA est incompatible avec le droit français (voir B).
L’ouverture de la PMA aux homosexuels causerait une seconde inégalité, cette fois entre femmes hétérosexuelles et lesbiennes. La condition médicale exigée pour une femme hétérosexuelle disparaîtrait dans le cas d’une femme homosexuelle. Cette rupture d’égalité serait profondément inacceptable. La solution serait alors d’ouvrir la PMA à toutes les femmes sans distinction de nécessité médicale. Or, cette pratique demeurant un traitement lourd, les principes d’éthique s’opposent à ce que le corps humain devienne le théâtre d’une telle banalisation d’un acte médical complexe.
B) L’indisponibilité du corps humain
Le principe d’indisponibilité du corps humain pose une limite à la libre disposition du corps. Le corps ne peut faire l’objet d’un contrat. L’article 16-1 du Code civil dispose en effet que « le corps humain, ses éléments et ses produits ne peuvent faire l’objet d’un droit patrimonial. ».
La simple prise en charge financière de la gestation par le couple commanditaire peut-elle être qualifiée de contre-partie financière ? Quels critères pour évaluer l’indemnité ? Quels moyens pour écarter tout risque de patrimonialisation du corps humain ?
Le législateur pourrait, dans l’avenir, se saisir du débat relatif à l’ouverture de la gestation pour autrui à titre non onéreux, uniquement en cas de nécessité médicale et pour les couples hétérosexuels (22). Mais ce débat de société et d’étique ne saurait se dérouler sans précautions. De nombreuses questions demeurent à trancher : quid de la frontière entre caractère onéreux et caractère indemnitaire ? Quid des droits d’une mère porteuse souhaitant un droit de visite (23) ? On imagine le déséquilibre psychologique pour l’enfant, qui réaliserait avoir été le fruit d’un contrat comme d’une vulgaire vente commerciale. Quid d’une mère porteuse refusant d’avorter dans le cas d’un enfant diagnostiqué trisomique durant la grossesse, alors que le couple commanditaire ne souhaite plus l’enfant ? Quand bien même la gestation pour autrui serait réalisée à titre non onéreux, le législateur ne peut en aucun cas prévoir l’obligation contractuelle d’avorter, en vertu du principe d’indisponibilité et d’inviolabilité du corps humain.
Pour toutes les raisons précitées, la réforme qui nous est proposée par le Gouvernement n’est pas « républicaine, faite d’égalité et de laïcité » (24). La réforme objet de la présente étude est en réalité inconstitutionnelle, anti-républicaine, et profondément inégalitaire. Elle divise plus qu’elle ne rassemble les Français. Le nouveau Président de la République (25), qui se fait le chantre du concubinage officiel (26), serait bien inspiré de ne pas toucher aux règles fondamentales du mariage, une institution qu’il ne connaît pas et qui le ne le reconnaît pas. Soucieuse de plaire à sa gauche et aux amis de Jean-Luc Mélenchon, la nouvelle majorité parlementaire a à coeur de saper une « institution bourgeoise ». Si elle y tient tant, elle serait mieux inspirée de supprimer le mariage civil au bénéfice d’une union contractuelle civile pour tous (en séparant alors le droit du mariage du droit de la filiation, réservée aux couples hétérosexuels), laissant alors la terminologie du mariage au domaine religieux. Hétérosexuels et homosexuels non croyants pourraient dès lors s’unir civilement et résilier leur contrat unilatéralement d’un commun accord ou en cas de manquement aux obligations essentielles dudit contrat. De leur côté, catholiques, juifs, et musulmans hétérosexuels pourraient toujours continuer à se « marier ». Dans les deux cas, en travestissant ou en supprimant le mariage civil, la République une et indivisible perdrait l’âme qu’elle a acquise de la Révolution au Premier Empire. Ce serait la fin du Code Napoléon. L’Etat, paradoxalement, renforcerait les différentes Églises au détriment de la Nation. Si la « famille homosexuelle » venait enfin à être consacrée et légitimée par le législateur, ce serait la victoire des communautarismes et des individualismes sur l’autel d’une vision aseptisée, décérébrée et asexuée de la société française. Paraphrasant l’Empereur Napoléon Ier, nous pourrions être tentés d’affirmer qu’« une société sans la religion du bon sens et du bon droit est comme un vaisseau sans boussole ». Quel avenir pour une telle société, quel avenir pour une société auto-proclamée moderne qui ne trouve son salut seulement dans le tsunami législatif ?
*Ancien Avvocato praticante en Italie, et titulaire d’un Master II en Droit économique et des affaires, Alexandre-Guillaume Tollinchi est à présent doctorant en Droit en France. Soutien de Silvio Berlusconi et de Nicolas Sarkozy, il est engagé aux côtés de Maryse Joissains-Masini, maire d’Aix-en-Provence. Cadre de l’UMP, il est président du PDL (Peuple de la Liberté, parti politique de centre-droit allié du Popolo della Libertà en Italie).
Notes :
1. Hugues Fulchiron, Le « mariage pour tous » en droit international privé : le législateur français à la peine…, JCP G n°49, 3 décembre 2012, doctr. 1317.
2. Fondateur de Têtu, magazine défendant les intérêts des homosexuels, Pierre Bergé a déclaré « louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ? » (source : Delphine de Mallevoüe, Le Figaro, Mariage gay : les partisans perdent le match de la rue, 16 décembre 2012)
3. Sondage IFOP d’octobre 2012, 52% des Français sont opposés à l’adoption par des couples homosexuels.
4. Cass. civ. 6 avril 1903 : : DP 1904, 1, p. 395, concl. Baudouin ; S. 1904,1, p. 273, note A. Wahl)
5. Article 3 de la convention internationale des droits de l’enfant, adoptée par les Nations Unies le 20 novembre 1989.
6. Convention européenne sur l’exercice des droits de l’enfant, ratifiée par la France le 1er août 2007.
7. Charte des droits fondamentaux de l’Union européenne, 7 décembre 2004.
8. Résolution « vers une stratégie européenne sur les droits de l’enfant », Parlement européen, 16 janvier 2008
9. Notamment les articles 371-1 et 375-1 du Code civil, et l’article L 112-4 du CASF.
10. Cass. civ. 1ère, 25 mars 2009, n°0814.917
11. CE 22 septembre 1997, 2e et 6e sous-sections réunies, n°161364, Demoiselle Cinar, publié au Recueil Lebon
12. CEDH, Grande Chambre, Neulinger et Schuruk c/ Suisse, 6 juillet 2010, n° 41615/07
13. Anna Freud, Dans l’intérêt de l’enfant, Editions Sociales Françaises, Paris, 1990.
14. François-Xavier Bréchot (magistrat administratif), La constitutionnalité du « mariage pour tous » en question, étude, JCP G n°51, 17 décembre 2012, doctr. 1388
15. Loi n° 2002-93 du 22 janvier 2002 relative à l’accès aux origines des personnes adoptées et pupilles de l’Etat.
16. Loi constitutionnelle n°2005-205 du 1 mars 2005 relative à la Charte de l’environnement.
17. Corte di cassazione, 11 janvier 2013, n°601.
18. CEDH, Schalk et Kopf c/. Autriche, 24 juin 2010, n°30141/04
19. Déclaration des droits de l’homme et du citoyen, 26 août 1789.
20. Conseil constitutionnel, 29 juillet 1994, n°94-345 DC (loi relative à l’emploi de la langue française)
21. CE 26 décembre 2012, 2ème et 7ème sous-sections réunies, n°358226 (Sieur Tollinchi)
22. Alexandre-Guillaume Tollinchi, Madame, coup de gueule d’un sarko-féministe, préface de Cynthia Sardou, Editions Aquila, février 2012.
23. Cour suprême du New Jersey, 2 février 1988
24. Xavier Labbée, Le mariage et le président, JCP G n°22, 28 mai 2012, 629.
25. François Hollande.
26. Avec Ségolène Royal puis avec Valérie Trierweiler.