Six mois après son coming out, Jason Collins est toujours sans club. Les franchises rechignent à miser sur lui pour différentes raisons.
« Je suis un pivot de 34 ans, noir et gay ». Le 29 avril dernier, Jason Collins lançait un courageux pavé dans la mare en devenant le premier sportif américain en activité à faire son coming-out. Une déclaration que beaucoup espéraient annonciatrice d’un changement dans un paysage traditionnellement homophobe dans l’intimité du vestiaire. Les nombreux messages de soutien reçus par l’ancien joueur des Nets, notamment de la part des plus grandes stars de la ligue, ont prouvé que les mentalités avaient en apparence évolué. En dehors d’un journaliste (Chris Broussard d’ESPN), d’un coach (Mark Jackson) et d’une ancienne gloire (Larry Johnson), Collins n’a presque pas suscité de réactions négatives dans le milieu.
Mais six mois après cette sortie hyper médiatisée, le soufflé est retombé. Dans les faits, le coming-out de Jason Collins ne l’a pas servi, puisqu’il est aujourd’hui sans contrat et semble très loin de retrouver les parquets de l’élite. C’était malheureusement presque une évidence. Collins n’était tout simplement pas le candidat idéal. S’il restera un pionnier, l’intérieur vétéran manque de notoriété, de jeunesse et de talent pour convaincre une franchise de miser sur lui.
Car signer Collins comporte des paramètres qu’aucune équipe n’a eu à gérer pour le moment : une attention perpétuelle de la part des médias, à l’affût du moindre malaise débile, et une défiance des joueurs les plus pieux du vestiaire. Tant qu’une star, ou au moins un joueur reconnu et en pleine force de l’âge (il y en a forcément un) n’aura pas imité le Californien, les lignes ne bougeront pas. Jeff Pearlman, de CNN, a lui carrément souhaité que Jason Collins bénéficie d’une discrimination positive, quel que soit son niveau actuel. Voici quelques extraits de son plaidoyer.
« Des groupes de supporters des droits LGBT bruyants afflueront dans la salle. Les injures habituelles du type ‘pédé’ seront interprétées différemment, même si elles ne sont pas adressées à Collins. Est-ce que tout ça vaut le coup d’être subi pour un joueur de bout du banc ? Absolument. Des opportunités comme celle-ci ne se présentent pas souvent et la NBA est en train d’échouer misérablement à la saisir ».
« Pourquoi Jason Kidd, son ancien coéquipier, ne lui a-t-il même pas proposé de participer à un training camp ? Pourquoi Mark Cuban, habituellement un précurseur, ne lui tend-il pas un stylo et un contrat ? Que font les Warriors, une franchise dont le stade est située à 30 km du lieu où Harvey Milk (symbole de la cause gay, NDLR) a été assassiné ? Et les Lakers, qui ont tant besoin de ténacité sur leur banc ? Et Miami, qui pourrait utiliser un cogneur de son acabit ? »
Un point de vue intéressant mais minoritaire au sein de la ligue. La décision de Jason Collins était la bonne et il est navrant qu’elle ne puisse être suivie d’effets pour lui. Mais l’imposer à une équipe sans autre motif valable que son orientation sexuelle ne servirait ni l’intéressé, ni le droit à la normalité qu’il défend. Son coming out a sans doute mis un terme à ses espoirs de rejouer en NBA. Mais il s’avèrera peut-être décisif pour d’autres. Espérons-le.