Après s’être enfuies de Pirojpur, une ville au sud-ouest du pays, les jeunes femmes de 21 ans et de 16 ans, qui se sont rencontrées alors que la première encadrait la seconde pour ses études, se sont rendues dans la capitale à Dacca pour se marier et vivre ensemble. Mais le père de l’une elles ayant fait une déposition pour recherche d’une personne disparue après la fugue de sa fille, la police les a retrouvées toutes les deux vivant ensemble dans une habitation louée à Dacca peu de temps après.
L’homosexualité punie de dix années de travaux d’intérêts généraux
Au Bangladesh, tout type de relation homosexuelle dont le mariage est illégal et soumis à des peines comme l’emprisonnement ou jusqu’à dix années de travaux d’intérêt général. Les signes publics d’affection entre amis du même sexe sont très communs et ne soulèvent aucune controverse. Cependant, une forte opposition à l’homosexualité découle des traditions religieuses dans ce pays à majorité musulmane. Les communautés homosexuelles existent au Bangladesh mais restent des minorités cachées.
La nouvelle a fait des vagues sur tous les médias sociaux du Bangladesh et a provoqué la colère de certains.
Mais nombreux sont ceux qui ont bien accueilli ce premier mariage homosexuel au Bangladesh. Golam Rabbani a écrit sur sa page Facebook : « Tous mes meilleurs voeux aux deux jeunes femmes pour leur mariage… La vie est belle… Je salue leur courage… Que la vie soit la gagnante… »
Le blogueur de la Diaspora Avijit Roy a rédigé sur son blog de nombreux articles scientifiques sur l’homosexualité. Il a loué le courage de ces deux femmes dans une note postée sur Facebook, dans laquelle il mentionne que l’une d’elle était assez hardie pour demander à la police qui l’interrogeait : « Si un homme peut aimer une femme, pourquoi une femme ne le pourrait pas ? »
Une tradition musulmane enracinée
Cependant, nombreux sont ceux qui n’ont pu accepter le mariage. Beaucoup de commentaires négatifs ont été observés dans la section des commentaires des articles d’actualité mis en ligne.
Le blogueur et utilisateur de Twitter Mehedi Akram parle d’invasion de la culture occidentale : « Un mariage entre deux femmes! Que verrai-je encore jour après jour ? Voici donc la domination de la culture occidentale 😀 ».
D’autres sont allés plus loin. L’année dernière, le Dr. Muhammad Yunus, un économiste et lauréat bangladais du Prix Nobel, et trois autres titulaires du Prix Nobel de la Paix, ont publié un communiqué appelant à la légalisation de l’homosexualité. Après l’annonce du mariage homosexuel entre ces deux femmes, l’« Ulama Masayekh Sanghati Parishad », une association de religieux musulmans, a accusé le Dr. Yunus de promouvoir le mariage homosexuel au Bangladesh et a appelé à son arrestation et sa condamnation. Ils ont aussi appelé à le boycotter socialement et ont programmé une occupation du Yunus Center.
D’autres ont fait preuve de tolérance. Un commentateur du nom de Notum a déclaré sur le blogpost de Kanij, sur la plateforme bangla Somewhereinblog.net qui couvre les faits d’actualité : « Je ne soutiens pas l’homosexualité… mais ceci est leur vie privée… Je ne m’impliquerai donc pas dans ce sujet… »
Le photoblogueur Pranabesh Das a écrit sur Facebook au sujet de l’arrestation de ces deux femmes et sur la mauvaise publicité qu’elles doivent subir : « Elles sont juste malchanceuses d’être nées dans le mauvais pays à un mauvais moment ».
Un phénomène quatre fois remarquable
Le blogueur et étudiant en droit Rayhan Rashid reconnaît qu’il s’agit là d’un exemple unique au Bangladesh, remarquable pour quatre raisons : «
Dans une société dominée par les hommes où les demandes des femmes sont ignorées, ces dernières viennent d’exposer leurs propres envies.
Les deux femmes sont de religion différente, dont l’une provient d’une minorité religieuse. Mais ces différences n’ont pas arrêté leur relation.
Dans une société religieuse très conservatrice, elle ont démontré leur courage par leur relation homosexuelle et ont commencé leur vie commune en suivant leur choix.
Ces deux femmes n’ont pas trahi leurs sentiments, leurs choix et leur relation bien que l’homosexualité soit pénalisé dans le pays »
Le blogueur Vaskor Abedin a trouvé qu’il y avait surtout des voix masculines dans le débat :
« […] Dans tous les débats de la journée d’hier au sujet du mariage homosexuel, sur les médias traditionnels ou sociaux, j’ai ressenti comme un ton sexiste de mâle dominant. […] »
Quelques jours auparavant, un leader islamiste a comparé les femmes à du tamarin (« tetul » en bangla) lors de son sermon, que les hommes salivaient en les regardant et qu’elles devaient donc rester à la maison. Un réalisateur renommé, Mostofa Sarwar Faruki, a mentionné ceci sur Facebook :
« Si cette information est vraie, nous avons ici le premier couple officiel lesbien de Bangladesh. Dans un pays où le Hujur (homme religieux) Tetul prêche que les filles ne doivent pas fréquenter les garçons, comment sera considéré une telle fréquentation fille-fille ? Impatient de connaître les prochains épisodes ».
De nombreuses personnes ont qualifié les média d’irresponsables pour avoir révélé les identités et les images des jeunes femmes, redoutant que cela pourrait mettre leur vie en danger et les écarter de la société. Shaugat Ali Sagor a écrit :
« A tous ceux qui pleurent en parlant de la « vie privée »… Respecteront-ils la vie privée du couple ? Elles aussi ont droit à leur vie privée en tant que citoyennes du pays, n’est-ce pas ? »
Une première au Bangladesh
Le journaliste et écrivain Anisul Haque a exprimé son indignation suite à la publication des identités et des adresses de deux jeunes femmes dans son commentaire sur le post de Mostofa Sarwar Faruki : « […] J’ai peur que nous dépassions les limites, nous violons leur droit à la vie privée en publiant leur photo, leur nom, leur adresse. Pourront-elles vivre dans cette société après cette information? Les journalistes ont-ils le droit de détruire la vie d’un citoyen ? »
Boys of Bangladesh, un groupe LGBT, a fourni de nouvelles informations sur les deux femmes sur sa page Facebook : « MISE A JOUR sur [les deux femmes] : Comme vous le savez déjà, [la jeune fille de 21 ans] est actuellement en garde à vue et [la jeune fille de 16 ans] est retournée au sein de sa famille. [La femme de 21 ans] a été arrêtée pour détournement et trafic de mineurs. […] La protection des deux jeunes femmes impliquées est une préoccupation immédiate. Deuxièmement, déposer plainte avec le Conseil de Presse pour avoir rendu publique leur identité, du moins celle de la mineure. Nous essayons aussi d’organiser une réunion urgente pour formuler une réponse stratégique concernant les difficultés immédiates et, sur un plus long terme, pour la reconnaissance officielle du sentiment et des relations homosexuels ».