Sur le continent, les homosexuels sont encore souvent hors la loi et victimes de persécutions. © DR
Réputée pour sa tolérance envers les homosexuels, la Côte d’Ivoire attire de plus en plus d’Africains venus de pays où l’homosexualité est sévèrement punie par la loi.
S’installer à Abidjan ? Marc n’y avait jamais songé. Mais alors qu’il s’apprêtait à se rendre en Algérie, une escale dans la capitale ivoirienne l’amène à revoir ses plans. Ce Camerounais de 23 ans qui avait fui Douala, après avoir été agressé, découvre avec surprise la tolérance des Ivoiriens envers les homosexuels et choisit de rester.
Depuis deux ans, il vit au sein du foyer de l’ONG ivoirienne Alternative qui défend les droits des homosexuels et des lesbiennes. Il partage sa chambre avec deux autres personnes. À côté des matelas, plusieurs paires de chaussures sont soigneusement rangées.
« Ici, je m’accepte. Je suis dans bien dans ma tête et dans ma peau. Je suis libre et je peux agir comme je le souhaite. Au Cameroun on vit toujours dans la crainte d’être arrêté », confie-t-il alors qu’il achève sa journée de travail. Marc est serveur. Son pays lui manque mais il n’envisage pas encore de retour. En attendant, il tâche d’aider les nombreux Camerounais qui souhaitent, eux aussi, s’installer en Côte d’Ivoire. Au Cameroun, l’homosexualité est illégale et les incarcérations une réalité.
Dans la maison aux murs gris du siège d’Alternative, Hervé* est chargé de faire le lien avec ceux qui veulent s’installer en Côte d’Ivoire définitivement ou juste pour une période. « Certains viennent ici pour souffler, pour rencontrer des gays plus facilement. Au Cameroun, deux hommes ne peuvent pas danser ensemble. À Abidjan, c’est possible. Il y a même des bars pour les homosexuels », explique-t-il.
Né en Côte d’Ivoire, Ismaël*, mannequin malien de 26 ans, a vécu une dizaine d’années à Bamako pendant son adolescence.« Au Mali, difficile de s’asseoir en plein jour dans un maquis avec ses amis gays sans que les remarques ou les insultes ne fusent », raconte-t-il. En 2011, il décide de venir à Abidjan pour « se sentir plus libre de ses mouvements ». Là, il peut vivre son homosexualité publiquement, sans avoir à attendre la tombée de la nuit. Le jeune homme a trouvé du travail et ne voit aucune raison de retourner dans son pays.
La Côte d’Ivoire n’est pas encore l’eldorado. L’homosexualité semble même y être, parfois, violemment réprimée.
Une tolérance relative
Le siège de l’ONG voit passer souvent des Sénégalais, Maliens, Mauritaniens, Ghanéens, Béninois et Nigériens fuyant leur pays d’origine. « Ici, tout le monde sait qui nous sommes. On se réunit souvent et personne n’a jamais été arrêté ou embêté », assure Claver Touré, coordonnateur des programmes d’Alternative.
Mais il reste que la Côte d’Ivoire n’est pas encore l’eldorado. L’homosexualité semble même y être, parfois, violemment réprimée. Un rapport publié en octobre 2012 par plusieurs organisations ivoiriennes de défense des droits des homosexuels dénonce des violences perpétrées par les forces de l’ordre à leur encontre.
>> L’unique boîte gay d’Abidjan ferme ses portes
« Depuis avril 2011, des éléments de patrouille nocturne des Forces républicaines de Côte d’Ivoire [FRCI] débarquent régulièrement dans un bar fréquenté en majorité par la communauté gay d’Abidjan. À chaque descente, les FRCI donnaient l’ordre à tous ceux qui étaient efféminés ou travestis de monter à bord de leur véhicule. La propriétaire du bar a payé la somme de 25 000 francs CFA [38 euros] par individu pour qu’il soit relâché », indique le document.
La Côte d’Ivoire n’est pas encore la terre d’accueil rêvée des homosexuels africains.