Le président de l’UMP et les partisans du Printemps français ignorent que les histoires pour enfants, y compris les plus classiques, n’obéissent pas toujours à la morale dominante et jouent souvent avec les représentations des sexes et de la sexualité… Sélection.
Probablement désireux d’exciter le moralisme de ses électeurs avec des arguments du niveau de son fameux « pain au chocolat », Jean-François Copé a suscité quelques remous en stigmatisant un livre pour enfants, « Tous à poil ». Dans la lignée des allégations mensongères des opposants à la supposée « théorie du genre », il a affirmé qu’il était « recommandé aux enseignants ». Dans la foulée, des groupuscules d’illuminés se sont mis à harceler des bibliothèques municipales pour qu’elles retirent certains ouvrages. Au risque d’allonger leurs listes, voici la nôtre, évidemment pas exhaustive…
Les Trois brigands, de Tomi Ungerer
Une petite orpheline kidnappée par des bandits qui l’adoptent, c’est à la fois l’histoire d’une famille recomposée autour de trois (trois !) papas et celle de robins des bois partageux. La plupart des autres livres de Tomi Ungerer feraient d’ailleurs frémir Jean-François, à l’instar des aventures de Zloty, encore une petite fille, qui envoie le loup dans le lit de sa grand-mère, dont les murs de la chambre s’ornent d’un portrait de Staline et d’une Kalachnikov. Tomi Ungerer ayant aussi produit des dessins « pour adultes », c’est l’autodafé assuré.
Les Habits neufs de l’empereur, de Hans Christian Andersen
Terrible mise en abyme pour Jean-François ! En effet, dans ce classique des contes pour enfants, le voici dans le public des courtisans qui ne veulent pas voir la nudité de leur roi (de peur de passer pour des imbéciles !), tout en laissant ce dernier se promener devant la foule le sexe à l’air. Comble : c’est un enfant qui va faire leur entendre raison. Andersen ? Encore un Scandinave libertaire aux mœurs dégénérées.
La princesse Finemouche, de Babette Cole
Cette princesse a tout pour accomplir son destin, sauf qu’elle refuse de se marier et de se faire engrosser de beaucoup d’enfants par un prince, aussi charmant soit-il. Elle éconduit donc tous ses prétendants en leur imposant des épreuves insurmontables pour pouvoir continuer à vaquer à ses occupations préférées – qui ne consistent même pas à se pavaner dans de belles robes. « Touche pas à mes stéréotypes », s’étranglent les comparses de Béatrice Bourges.
Les souliers usés à la danse, de Jacob et Wilhelm Grimm
Encore des princesses insoumises, au nombre de douze, qui échappent à l’autorité parentale pour fuir le château via des souterrains enchantés et rejoindre une fabuleuse boîte de nuit où elles dansent jusqu’à l’aube. Encore une apologie de l’hédonisme juvénile à bannir des bibliothèques publiques.
Les Chatouilles, de Christian Bruel et Anne Bozellec
À elle seule, la présentation par l’éditeur de cette histoire sans paroles, parue en 1980, suffirait à faire défaillir une dame catéchiste : « Une petite fille n’a pas sommeil. Elle suit le chat jusque dans la chambre voisine où dort bien sagement un garçon de son âge. Elle tire délicatement une petite plume de la couette… Commence alors, entre eux, une inoubliable partie de chatouilles. » C’est la syncope assurée pour Jean-François Copé.
Le Guide du zizi sexuel, de Zep
Héros très populaire, Titeuf devient ici le protagoniste d’un manuel d’éducation sexuel à destination des préados. Oui, s’adressant à des enfants impubères, à peine remis de leur première communion ! Cette lamentable expression de la dégénérescence post-soixante-huitarde a même fait l’objet d’une exposition à la Cité des sciences (pur produit de la vulgarisation culturelle des sinistres années Mitterrand-Lang). L’ouvrage pourrait cependant trouver grâce aux yeux de Jeff, puisqu’il y est écrit que « c’est plutôt bien d’avoir un peu de pudeur, sinon les gens se promèneraient tous à poil dans les rues ».
L’abécédaire de la famille, d’Agnès de Lestrade et Valéria Petrone
Attention ! Voici le cheval de Troie de la cochonnerie : sous le masque efficace d’un titre ô combien rassurant, on trouve dans cet ouvrage des propos tout simplement dégueulasses. Par exemple, que deux amoureux, ça peut être deux garçons. Ou alors, que les familles recomposées, dés fois, ça fait du mélange, des rencontres, un peu de diversité. Autant te dire, Jean-François, qu’il faut être extrêmement vigilant : avec des bouquins comme ça, qui n’ont l’air de rien, on envoie des générations entière au casse-pipe (si tu veux bien nous passer cette expression un peu coquine).
Bonus : Tintin au Congo à poil, anonyme
Cette production est hors-catégorie, puisqu’il s’agit, sur un Tumblr ainsi baptisé, d’une version non autorisée de l’œuvre d’Hergé (dont le controversé discours colonialiste pose probablement moins de problème aux tenants du Printemps français), dans les cases de laquelle son héros apparaît… seulement vêtu de ses chaussures et de ses chaussettes rayées
http://www.regards.fr/web/huit-livres-pour-enfants-a-ne-pas,7464