« Il faut tuer les homosexuels » : 3 solutions pour éviter l’homophobie sur Twitter

Dans la soirée du lundi 22 au mardi 23 avril, un nouveau hashtag a escaladé l’échelle du buzz : #ilfauttuerleshomosexuels. Réjouissant, non ? Comment faire pour enrayer ce genre de tags particulièrement abjects ? Qui est responsable, Twitter ou les twittos ?

Après la polémique des hastags antisémites, un nouveau bad buzz touche la plateforme Twitter après qu’un internaute ait tweeté hier soir : #ilfauttuerleshomosexuels.

Le hashtag est un mot-clé utilisé généralement sur Twitter pour créer une chaîne de tweets. La plupart du temps il s’agit de concours de blagues, ou de chaînes créées à l’occasion d’un événement.

Et si Twitter faisait la police ?

Posté a 18h47 le 22 avril 2013, le hashtag #ilfauttuerleshomosexuels a provoqué en quelques heures un tourbillon d’indignation, ce qui l’a mécaniquement fait remonter en « trending topic » (sujet tendance) au vu de tous les utilisateurs de Twitter.

Qui faut-il blâmer ? Twitter aurait-il dû supprimer ce hashtag ? Faut-il demander à Twitter de faire la police sur son réseau, comme elle le fait avec les tweets pornographiques ?

Pas si simple.

Tout d’abord, ce tweet révèle-t-il une tendance homophobe sur Twitter ?

tendance homophobe sur twitter

Pas vraiment. L’essentiel des tweets ayant repris ce hashtag que j’ai pu détecter avec Trendsboard (le moteur de recherche du buzz que je développe avec Jean Véronis) sont ceux de twittos indignés par l’expression.

Le premier tweet faisant mention de ce hashtag, semble venir d’un twittos, Lucifer, comptant seulement 398 abonnés. Lundi soir il a simplement tweeté :

derapage-homophobe-sur-twitter-1

L’effet boule de neige

Les tweets qui ont repris cette mention se classent ensuite en deux catégories :

1. Les indignés qui répondent par du loltoshop ou d’autres hashtags détournés ;

2. Et les racistes qui, ayant noté que l’auteur du tweet était noir, en concluent qu’il faut aussi #tuerlesnoirs… Désespérant. Bizarrement, personne ne parle de ces tweets, qui sont bien plus nombreux sur ce buzz que les tweets homophobes.

Le lendemain matin, l’affaire s’était calmée, avant que le blog de Jean-Marc Morandini ne relance le buzz.

Tweet de Lucifer ce matin, réalisant soudain la trainée de poudre laissée par sa mauvaise blague, tout en finesse :

Le petit malin n’a pas gagné beaucoup de followers sur ce coup. Ce qui n’empêche pas le site de Jean-Marc Morandini d’accuser Twitter et ses dérapages :

derapage-homophobe-sur-twitter-2

« Une fois de plus, Twitter fait parler avec ses dérapages et ses appels à la haine, mis en ligne par des internautes qui se pensent au dessus des lois. »

Mais alors, qui est responsable ?

Est-ce Twitter qui dérape ou une poignée de Twittos décérébrés ?

En France, si vous publiez des propos homophobes, vous êtes passibles de poursuites. Mais Twitter est une plateforme américaine. Aux États-Unis, la notion de liberté d’expression est perçue de façon beaucoup plus libérale qu’en France. Oui mais, allez vous me dire : ils censurent la pornographie, ça veut dire qu’ils la considèrent comme plus choquante que la xénophobie ? Ce n’est pas si simple.

D’abord, Twitter interdit la pornographie (ce que ne font pas d’autres médias sociaux comme Tumblr par exemple) parce que c’est sans doute un des seuls thèmes qui soit invariablement interdit aux mineurs sur l’ensemble de la planète. Ce n’est pas le cas des propos homophobes. Or, Twitter souhaite rester une plateforme ouverte à tous.

Vous allez me répondre que Twitter ayant une activité commerciale en France, ils devraient se soumettre à la loi française. C’est l’argument du gouvernement. Ok. Sauf qu’il y a malaise : imaginez que Twitter applique ce principe de régionalisation dans tous les pays où il est utilisé ? En Iran par exemple, ou en Syrie ? Il devrait donc donner les identités de tous les twittos dont les propos seraient jugés illégaux par la loi locale ? Ce n’est pas tenable.

Reste que les propos xénophobes ou les appels aux meurtres sont intolérables. On pourrait dire que les utilisateurs de Twitter ne sont pas obligés de les lire puisqu’ils peuvent choisir leurs abonnements. Sauf que ce n’est pas vrai. Si les propos remontent dans les trending topics ou dans les résultats de recherche, ils deviennent publics et polluent la consultation.

C’est au tour des twittos de réfléchir un peu

1. L’État français peut toujours intenter un recours devant les autorités américaines. C’est compliqué et long. Mais c’est possible. Il faudrait cependant passer des accords (il y en a déjà) pour accélérer ce type de démarche avec la mise en place par exemple d’une procédure en référé. Et limiter cette procédure à une poignée d’Etats. Ce qui mettrait de côté les gouvernements non-démocratiques.

2. Twitter pourrait régler son algorithme pour éviter de faire remonter ce type de phénomène artificiel. Le fait que #ilfauttuerleshomosexuels remonte en trending topic ne révèle pas une tendance, plutôt un emballement, conscient ou non, porté parfois par des groupes d’internautes trichant avec l’algorithme de Twitter en retweetant en masse. On observe le même phénomène avec le Google bombing.

3. Il faudrait aussi que la twittosphère se responsabilise, et évite de retweeter un hashtag raciste, même quand c’est pour le dénoncer.

Twitter n’est pas un média (même si la plateforme met de plus en plus en scène ses contenus) mais une place publique. C’est aussi un baromètre. Et on a intérêt à ce qu’elle conserve son côté « brut ». Quitte à essuyer de temps en temps des tempêtes passagères. C’est toujours mieux qu’un flicage qui aurait pour conséquence de casser le baromètre.

Encore faut-il que le baromètre ne se dérègle pas sous l’effet de minorités d’activistes. Là dessus, Twitter peut encore améliorer deux ou trois choses.

Benoît Raphaël, co-fondateur de Trendsboard.