Nathalie Mestre et Mathieu Nocent ont été élu mardi nouveaux porte-paroles de l’Inter-LGBT, qui milite pour les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transsexuelles.
Ce week-end, Nathalie Mestre et Mathieu Nocent seront encore de mariage. Depuis cet été, depuis que les homos ont -enfin- le droit de se marier, leur carnet de bal est plein. Dix cérémonies en prévision pour elle. Deux rien que pour samedi pour lui.
Ces deux quadras qui enchaînent les noces sont, depuis mardi dernier, les nouveaux porte-parole de l’Inter-LGBT, fédération d’associations qui milite pour les droits des personnes lesbiennes, gays, bisexuelles et transsexuelles. En première ligne lors du mariage pour tous, l’Inter-LGBT entend bien ne pas se reposer sur cette première victoire. «A chaque mariage c’est pareil, raconte Mathieu Nocent. On ressent beaucoup de bonheur et de soulagement après le déferlement d’homophobie auquel nous avons assisté mais aussi beaucoup de frustration face à tout ce qu’il reste à accomplir…»
En vrac ? L’ouverture de la PMA pour les couples de lesbiennes, les droits des personnes transsexuelles, la santé des LGBT ou encore la lutte contre les discriminations dès le plus jeune âge.
Des problématiques bien connues des deux nouveaux porte-parole. Nathalie Mestre, institutrice, a été présidente de l’association Les Enfants d’Arc en Ciel,qui défend les droits des parents et futurs parents LGBT. Mathieu Nocent, qui travaille dans l’industrie pharmaceutique, a été porte-parole de l’APGL (Association des parents et futurs parents gays et lesbiens) et est membre de l’association Acceptess-T qui défend les droits des personnes transsexuelles. (Photos Nicolas Rividi/Flux Tendu et Antoine Roulet)
Un duo à la tête de l’Inter-LGBT, c’est une première. Pourquoi?
Nathalie Mestre. C’était en réflexion depuis plusieurs années. L’Inter-LGBT fédère une soixantaine d’associations d’origines très diverses. Chacune a son histoire, sa philosophie, ses combats… Etre deux permet de mieux porter toute cette diversité.
Mathieu Nocent. Il était aussi assez flagrant que les lesbiennes étaient sous-représentées dans le mouvement. Leur mobilisation lors des manifestations pour le mariage pour tous a été le déclic pour mettre en place ce porte-parolat paritaire.
Après le mariage, votre nouveau combat est celui de l’ouverture de la procréation médicalement assistée (PMA) aux couples de lesbiennes. Avez-vous l’espoir de la voir apparaitre dans le projet de loi famille?
Nathalie Mestre. Il y a eu des reculades tout au long de l’année et les dernières annonces du gouvernement enferment cette question dans le registre de la bioéthique… Or, la PMA n’est pas une question de santé mais de famille. Nous allons nous battre pour la PMA mais aussi pour la reconnaissance du lien de filiation dès la naissance. Quand on assiste à des mariages de couples de femmes avec deux enfants, c’est surréaliste de voir les mariées sortir avec trois livrets de famille…
Mathieu Nocent. Une bonne partie des familles homoparentales n’ont pas vu leur situation se régler par le vote de la loi sur le mariage. Pour les couples déjà séparés avec enfants par exemple, cela ne règle rien et n’apporte aucune sécurité. Même pour les couples mariés qui vont adopter leur enfant: l’adoption est une procédure longue, que se passe-t-il s’il arrive quelques chose à l’un des deux parents? Nous allons donc être très vigilants sur la filiation, la réforme de l’adoption et le statut du beau-parent qui ont été annoncés par Dominique Bertinotti. Concernant la PMA, des parlementaires progressistes sont particulièrement motivés pour faire avancer cette question. Le président de la République et le gouvernement doivent se tenir à leurs engagements maintes fois réitérés, et en premier lieu Jean-Marc Ayrault qui en janvier dernier avait promis que la PMA ferait parti de la loi famille…
Comment comptez-vous vous faire entendre?
Nathalie Mestre. Ce n’est pas dans les habitudes de l’Inter-LGBT de faire des opérations «coup de poing». Notre action est plus institutionnelle, dans un dialogue constant avec les partis politiques et le gouvernement qui n’exclut pas le rapport de force, et dans le travail avec les parlementaires qui soutiennent nos revendications. Notre rôle est également de nous assurer de la mise en place des programmes de lutte contre les violences et les discriminations LGBT lancés par le gouvernement et pour lesquels bon nombre d’associations ont apporté beaucoup de matière, de temps et d’énergie.
Quels seront vos autres chantiers?
Mathieu Nocent. La défense des droits des personnes trans est une urgence et une priorité : il faut notamment faciliter, démédicaliser et déjudiciariser la procédure qui aboutit au changement de la mention de leur sexe à l’état civil. Notre mobilisation l’an dernier sur l’égalité des droits a un peu mis de côté les questions de santé et du VIH/sida et l’Inter-LGBT va s’y atteler cette année. Mais nous ne nous focaliserons pas uniquement sur les questions françaises. L’actualité russe nous a montré qu’il y a encore de nombreux pays où les LGBT sont maltraités, où leur vie est menacée comme au Cameroun ou en Ouganda.
Comment entretenir le dynamisme du mouvement après cette année portée par le mariage pour tous?
Nathalie Mestre. La mobilisation autour du mariage a été exceptionnelle : beaucoup de jeunes nous ont rejoints, de nouvelles associations ont adhéré à l’Inter-LGBT. S’il y a eu beaucoup de bruit autour de la Manif pour tous, nous avons vu lors des manifestations que beaucoup de gens, au-delà des LGBT, sont concernés par les questions que nous posons. Comme les familles recomposées, avec des enfants adoptés, ou monoparentales…
Mathieu Nocent. Nous sommes désormais identifiables, nous avons des relais institutionnels forts suite aux débats. Nous voulons devenir des acteurs de la société civile et nous rapprocher, créer des synergies avec d’autres associations non-LGBT qui partagent la même vision que nous de la société.
Recueilli par Anne-Claire Genthialon