Italie : Vaut-il mieux être facho que gay pour entrer au Sénat?

L’actualité du jour nous apporte – sur un plateau pourrait-on dire – deux petites histoires dont le télescopage jette un éclairage assez trouble sur les élections et, peut être, sur l’Italie. Voyons voir…

Alessio De Giorgi, directeur du site Internet gay.it et ancien collaborateur de Matteo Renzi sur la question des droits pendant la campagne des primaires du Parti Démocrate avait été désigné candidat au Sénat dans la liste Scelta Civica (choix civique) de Mario Monti en Toscane. Une manière de montrer que le très catholique président du conseil, bien qu’opposé au « mariage pour tous », n’était pas pour autant homophobe et qu’il pouvait avoir les idées larges.

Beaucoup trop larges en tout cas pour les journaux de droite Libero et Il Giornale (officiellement propriété du frère de Silvio Berlusconi, Paolo) et le site de scoops et de potins, Dagospia. Sitôt connue la nouvelle de la candidature d’Alessio De Giorgi, « la machina del fango » (« la machine à faire de la boue ») comme l’appelle l’écrivain Roberto Saviano se mettait en marche. Dagospia publiait des photos privées du futur candidat avec une drag queen et les limiers de Libero et Il Giornale nous apprenaient que le possible futur sénateur était actionnaire de plusieurs boites de nuit homos et d’un site de rencontres gay. Activités licites, faut-il le préciser.

Après trois jours de tirs croisés et réflexions, Alessio De Giorgi a annoncé, mercredi 16 janvier qu’il renonçait à se présenter (au grand soulagement également des soutiens du Professore). Il dénonce une méthode « qui n’a été utilisée pour aucun autre candidat ». « Mais qui pensaient-ils que j’étais ?, écrit-il sur son compte Facebook. Un moine tibétain ? » Probablement pas.

Le cas d’Alessio De Giorgi est juste un exemple du traitement qui pourrait être réservé à d’autres s’il leur venait à l’idée (c’est juste une hypothèse) de critiquer la vie privée de Silvio Berlusconi (c’est juste un exemple), poursuivi par le tribunal de Milan pour « incitation de mineures à la prostitution » et « abus de pouvoir ». Cela s’appelle du chantage.

Et maintenant la seconde histoire.

Mario Vattani est un fasciste convaincu et un chanteur de « facho-rock », sous le surnom de Katanga au sein du groupe SFS. Consul à Osaka, fils de diplomate, ex-conseiller du maire de Rome Gianni Alemanno quand ce dernier était ministre de l’agriculture, il a été rapatrié du Japon par le ministère des affaires étrangères qui n’ignorait pourtant rien de ses penchants idéologiques. Mais la diffusion, en 2011, d’une vidéo embarrassante le montrant sur la scène d’un concert musclé organisé par le mouvement Casa Pound, une officine d’extrême droite identitaire ayant pignon sur rue à Rome, a poussé la Farnesina à agir.

Fin d’une carrière et début d’une autre. Mario Vattani a accepté la proposition faite par Francesco Storace, chef de file de La Destra (la droite), de devenir chef de file de ce parti aux élections sénatoriales dans la région de Latium. Ancien chauffeur de Giorgio Almirante, le fondateur du Mouvement social italien, Francesco Storace a fait depuis de la route sans jamais quitter le trottoir de l’extrême droite : député, président de région de Rome (un poste pour lequel il est à nouveau candidat), allié de Silvio Berlusconi en Italie et fan absolu de Marine Le Pen en France.

Pour Mario Vattani on n’en serait pas arrivé là si on l’avait laissé tranquille à Osaka : « Je travaillais très bien la bas, confie-t-il jeudi 17 janvier au quotidien La Repubblica. Je ne connais pas d’autres diplomates de mon niveau qui parlent si bien le japonais. » Sa possible élection au Sénat serait-elle alors le prix à payer pour l’injustice dont il aurait été victime ? « Je voulais m’occuper d’art, de musique », raconte-t-il encore.

Bref entre l’un – Alessio De Giorgi – que l’on fait chanter et qui renonce au Sénat, et un autre – Mario Vattani – qui faute d’avoir pu être chanteur risque d’y entrer, on ne sait plus très bien où est le scandale…

Philippe Ridet