Jean-Claude Pongault Elongo : les réalités queers ne sont pas une « invention de l’Occident »

De passage à Paris, Jean-Claude Pongault Elongo, figure emblématique de la société civile congolaise, a partagé sa vision d’un activisme adapté aux réalités africaines. Fondateur de Coeur Arc-en-ciel, une organisation créée en 2016 pour défendre les minorités sexuelles et lutter contre le VIH au Congo, il milite pour une approche enracinée dans les cultures locales, tout en repensant les méthodes classiques d’engagement social.

Une nouvelle approche de l’activisme

Jean-Claude préfère d’ailleurs éviter le terme « LGBT », au profit de terminologies issues des langues africaines. « Les termes occidentaux ne reflètent pas la richesse lexicale de nos langues », explique-t-il sur 76crimes, citant des exemples comme kitécha en kilouba (République Démocratique du Congo) ou nganga tchibanda en kimbundu (Angola), qui décrivent des réalités proches tout en restant enracinés dans les cultures locales.

Avec Coeur Arc-en-ciel, il s’appuie sur une approche holistique, inspirée notamment de la résolution 275 de la Commission Africaine des Droits de l’Homme et des Peuples, visant à sensibiliser l’ensemble de la société tout en concentrant les efforts sur les populations les plus vulnérables au VIH.

Des récits culturels pour sensibiliser

Face à l’influence massive des modèles occidentaux en Afrique centrale, Jean-Claude et son équipe développent le plaidoy’art, une démarche créative qui valorise les récits locaux. Parmi leurs projets phares figure une fiction sociale, Michel, inspirée de la vie d’un jeune homme gay de Brazzaville, confronté à des discriminations familiales. Ce choix de la fiction, plutôt que du documentaire, permet selon lui de toucher les spectateurs en laissant une place à l’imaginaire et à l’émotion, tout en mettant en lumière des éléments culturels typiquement congolais, comme les dialogues en langues vernaculaires ou la représentation des traditions locales.

« Nos communautés sont saturées de contenus étrangers. Il est temps de produire des récits qui racontent nos réalités et nos luttes à partir de notre propre héritage culturel », affirme-t-il.

Désoccidentaliser sans renier l’évolution

Pour Jean-Claude, la désoccidentalisation ne signifie pas rejeter le progrès, mais rétablir un équilibre en valorisant les apports culturels africains. Il cite l’histoire précoloniale de l’homosexualité sur le continent comme une preuve que les réalités queer ne sont pas une « invention de l’Occident ». Cette démarche s’inscrit dans une stratégie globale qui intègre aussi la sensibilisation au VIH et la lutte contre les violences basées sur le genre.

L’art comme levier de transformation

Après le succès de leur film, Coeur Arc-en-ciel s’est tourné vers le théâtre, un médium plus accessible et ancré dans les pratiques traditionnelles. Leur pièce aborde des sujets essentiels comme l’usage de la PrEP, les violences faites aux femmes et la lutte contre l’homophobie. Elle permet également aux membres de l’organisation d’exprimer leurs combats à travers les chants et les danses traditionnelles, renforçant ainsi le lien avec le public local.

Jean-Claude Pongault Elongo démontre que l’activisme peut être à la fois ancré dans les cultures locales et demeurer universel dans ses messages. En mettant en avant les traditions congolaises, il prouve que la lutte contre les discriminations et le VIH peut également servir à célébrer et à réinventer l’identité africaine.